"Mais
laissons là la politique et parlons un peu de physique. [...] Passons à la lumière. Suivant le système de Newton, les molécules s'élancent des corps radieux pour arriver jusqu'à nous. [...] Or, si l'on admet que les molécules lumineuses, en partant du soleil, par exemple, peuvent avoir différentes vitesses, il s'ensuit qu'elles doivent avoir différents degrés de réfrangeabilité. [...] Il s'en suivrait que les premiers rayons qui nous arriveraient après une éclipse de soleil seraient des rayons rouges. [...] Mais nous savons qu'il n'en est rien. En attendant, je t'avoue que je suis fortement tenté de croire aux vibrations d'un fluide particulier pour la transmission de la lumière [...]" |
lettre de Fresnel à son frère Léonor, 05/07/1814 |
"Dans le village où il commence à expérimenter, Fresnel ne dispose d'aucun appareil; heureusement, il peut y suppléer avec la même ingéniosité et presqu'avec les mêmes moyens que dans ses jeux d'enfant. Avec du carton et des fils, il fait un micromètre [...]. Il lui faut une lentille de court foyer pour réunir en un point les rayons du soleil; une goutte de miel placée sur un trou percé dans une mince feuille métallique la lui donne à peu de frais. Le serrurier du village lui construit quelques supports. Avec ce matériel rudimentaire, il parvient à mesurer les franges [...] et à en trouver les lois expérimentales . " |
Charles Fabry, Conférence pour le Centenaire de la mort de Fresnel |
"Monsieur, Je crois avoir trouvé l'explication de la loi des franges colorées qu'on remarque dans les ombres des corps éclairés par un point lumineux. Les résultats que me donnent le calcul sont confirmés par l'observation. |
lettre de Fresnel à Arago, 23/09/1815 |
"Quel
est donc le procédé magique qui permet de
transformer
à volonté la lumière en ombre, le jour
en nuit? Ce
procédé excitera plus de surprise encore que le
fait en
lui-même; ce procédé consiste
à diriger sur
le papier, mais par une route légèrement
différente, un second rayon lumineux qui, pris
isolément
aussi, l'aurait fortement éclairé. Les deux
rayons en se
mêlant semblaient devoir produire une illumination plus vive;
le
doute à cet égard ne semblait point permis; eh
bien! ils
se détruisent quelquefois tout à fait et l'on se
se
trouve avoir créé les
ténèbres en ajoutant de la lumière
à la lumière. Un fait neuf exige un mot nouveau. Ce phénomène dans lequel des rayons, en se mêlant, se détruisent tout à fait ou seulement en partie, s'appelle une interférence." |
|
Arago, Éloge |
"Quant à l'ouvrage de Young, dont vous m'aviez beaucoup parlé, j'avais fort envie de le lire; mais ne sachant pas l'Anglais, je ne pouvais l'entendre sans le secours de mon frère, et, après l'avoir quitté, le livre redevenait inintelligible pour moi." |
lettre de Fresnel à Arago, 23/09/1815 |
"[Les franges] ne peuvent pas provenir du simple mélange de ces rayons, puisque chaque côté du fil séparément ne jette dans l'ombre qu'une lumière continue; c'est donc la rencontre, le croisement même de ces rayons qui produit les franges. Cette conséquence, qui n'est pour ainsi dire que la traduction du phénomène, est tout à fait opposée à l'hypothèse de Newton, et confirme la théorie des vibrations. On conçoit aisément, en effet, que deux ondulations qui se croisent sous un petit angle doivent se contrarier et s'affaiblir lorsque les nœuds dilatés des unes répondent aux nœuds condensés des autres, et se fortifier mutuellement, au contraire, lorsque leurs mouvements sont en harmonie. C'est ce qui amène sans doute le croisement des rayons dans l'intérieur, comme à l'extérieur de l'ombre." |
Fresnel, Premier Mémoire sur la Diffraction de la Lumière, 15/10/1815 |
"La théorie de Newton
est encore adoptée généralement. Je ne connais pas d'ouvrage dans
lequel elle soit attaquée directement,
et où l'on donne, ainsi que je l'ai fait, les formules pour
calculer la longueur des franges colorées des ombres. Ces
formules, jointes aux observations par lesquelles j'ai
vérifié leur exactitude, me paraissent augmenter
beaucoup
les probabilités en faveur du système
où l'on
considère la lumière comme résultant
des
vibrations [...] ." Fresnel, lettre au secrétaire
perpétuel de l'Académie, 15/10/1815
|
|
Il
s'agit en fait de l'astronome Jean-Baptiste Delambre.
Ci-contre,
son portrait à l'Observatoire de Paris
|
LA
THÉORIE DE LA LUMIÈRE
DOIT À
CET ÉLÈVE DE NEWTON
LES CONCEPTIONS LES
PLUS
ÉLEVÉES ET LES APPLICATIONS
LES PLUS BELLES.
|
"Monsieur, J'ai été chargé par l'Institut de l'examen de votre Mémoire sur la diffraction de la lumière; je l'ai étudié avec soin, et j'y ai trouvé un grand nombre d'expériences intéressantes, dont quelques unes avaient déjà été faites par le docteur Thomas Young.[...]Les résultats que vous avez obtenus à cet égard me semblent très importants, peut-être pourront-ils servir à prouver la vérité du système des ondulations, si souvent et si faiblement combattu par des physiciens qui ne s'étaient pas donné la peine de le comprendre. Vous pouvez compter sur l'empressement que je mettrai à faire valoir votre expérience: la conséquence qui s'en déduit est totalement opposée au système à la mode, que je dois m'attendre à beaucoup d'objections.Vous devez m'aider à les repousser. Je vous prierai donc de refaire, dès que vous le pourrez, une nouvelle suite de mesures [...] " |
Arago, Lettre à Fresnel, le 8 Novembre 1815 |
"Cette théorie, dont on trouve les premiers éléments dans la micrographie de Hooke, a été depuis présentée avec détail, mais pas aussi clairement qu'on pourrait le souhaiter, par le docteur Thomas Young. M. Fresnel, qui l'a découverte de son côté, y a fait quelques modifications. Nous l'appellerons donc la théorie de M. Fresnel, sans prétendre toutefois enlever au physicien anglais l'antériorité qui lui appartient. " |
Arago, Rapport fait à la
première classe de l'Institut, le 25 Mars 1816, sur un mémoire relatif aux phénomènes de la diffraction de la lumière, par M. Fresnel |
"M.
Fresnel ne connaissait pas, quand il l'a composé, les
excellents écrits
que vous avez publiés dans les Transactions
Philosophiques. Vous
verrez
que, depuis que je lui en ai fait part, il s'est empressé de
vous
rendre justice et de reconnaître
l'antériorité de vos titres. Le Mémoire de M. Fresnel me parait devoir être considéré comme la démonstration de votre théorie des interférences. " |
Arago, Lettre à T. Young, le 13 Juillet 1816 |
" [...]
on ne pourra s'empêcher d'avouer, quelque opinion qu'on ait
d'ailleurs sur le fond de la question, que l'hypothèse de M. Fresnel ne mérite
d'être suivie et de fixer l'attention des physiciens et des
géomètres. Nous pensons, en conséquence, -premièrement, que la Classe doit accorder des témoignages de satisfaction à M. Fresnel, pour ses belles expériences, [...] - secondemement,que sans rien statuer sur le mérite de l'hypothèse qu'il a examinée avec tant de sagacité, elle pourrait engager cet habile physicien à l'appliquer, s'il est possible, à d'autres phénomènes, à éclaircir quelques points un peu obscurs, et à faire toujours marcher de front, dans ses recherches, le calcul et l'observation [...] " |
Arago, Rapport fait à la
première classe de l'Institut, le 25 Mars 1816, sur un mémoire relatif aux phénomènes de la diffraction de la lumière, par M. Fresnel |
"Tu
as dû recevoir, il y a une quinzaine de jours au moins, une
lettre de ton défenseur Arago, qui m'a rencontré
alors
qu'il venait d'avoir un rude combat à soutenir envers et
contre
les émissionnaires,
lesquels ont trouvé à propos de remettre en
question la diffraction de la lumière, et proposé un prix
pour celui qui l'expliquerait le mieux suivant la doctrine qu'ils ont
adoptée. [...] Hier, j'ai vu Ampère, qui m'a demandé de tes nouvelles et m'a fortement engagé à t'écrire de te mettre sur les rangs, et de renvoyer au concours ton mémoire, avec les nouvelles observations que tu as faites et que tu pourras faire encore. «Il gagnera assurément le prix, m'a-t-il dit, pour lui et pour la chose il faut qu'il concoure. ». J'ai fait quelques objections, fondée sur la partialité des Commissaires, s'ils étaient choisis dans la secte des Biotistes. Ampère m'a répondu que ce n'était point à craindre, que le général Arago ne manquerait pas, à l'époque de la nomination des Commissaires,[...] " |
|
Léonor Mérimée à son neveu Fresnel, lettre, 06/03/1817 | Biot façade de l'Hôtel de Ville, Paris |
"Mon
cher Léonor, nous piochons, Fulgence et moi, sans
relâche:
voilà pourquoi nous ne t'écrivons point.
Grâce
à Fulgence,
qui m'est d'un grand secours, je pourrai présenter un nombre
assez imposant d'expériences et de calculs. Je crois avoir
résolu toutes les difficultés
théoriques de la
diffraction. Sans cela je ne sais pas si j'aurais eu le courage de
concourir [...] Je n'ai pas encore reçu de mon ingénieur en chef aucun ordre relatif à mon service. Je ne souffle pas le mot, et m'occupe de mon concours. Il est très possible que la Compagnie chargée du canal prenne un autre ingénieur que moi, et je n'en serais pas très fâché [...]L'essentiel pour moi, en ce moment, c'est de terminer mon concours." |
lettre de Fresnel à son frère Léonor, 03/06/1818 |
et son état-major... dans la cour intérieure de l'ENS de la Rue d'Ulm (Paris) | |||
Poisson | Laplace | Biot | Gay-Lussac |
" Immédiatement après la lecture du rapport, Laplace prit la parole, et avec cette générosité d'un grand esprit qui, dans l'adversaire de la veille, se plait à reconnaître et à saluer un égal, proclama l'importance exceptionnelle du travail dont on venait de rendre compte: il félicita l'auteur de sa constance et de la sagacité qui l'avait conduit à découvrir une loi qui avait échappé aux plus habiles, et devançant en quelque sorte le jugement de la postérité, déclara qu'il mettait ces recherches au dessus de tout ce qu'on avait depuis longtemps communiqué à l'académie. " |
É. Verdet, Introduction aux œuvres d'Augustin Fresnel, 1861 |
"La
théorie des ondulations conduit au contraire, ce me semble,
à une explication complète de ces
phénomènes, au moyen du principe de
Huyghens, qu'on peut énoncer ainsi: Les vibrations d'une onde lumineuse dans chacun de ses points, peuvent être regardées comme la résultante des mouvements élémentaires qu'y enverraient au même instant, en agissant isolément, toutes les parties de cette onde considérée dans l'une quelconque de ses positions antérieures ." |
Fresnel, Note sur la Théorie de la Diffraction, 20/04/1818 |
A sin 2π
(t - x/λ
)
|
A sin 2π [t - (Cq + qP)/λ
] = A sin 2π
[t - (CP + d(θ))/λ
] =
A sin 2π (t - CP)/λ ) . cos 2π d(θ))/λ + A cos 2π (t - CP)/λ ) . sin 2π d(θ))/λ |
Première occurence des intégrales (ou plutôt des fonctions) |
"On trouve certes dans l'analyse de Fresnel des calculs risqués et des intégrations aventureuses, mais ses intuitions géniales le conduisent à des relations numériques vérifiées par l'expérience." |
É. Picard, Discours pour le Centenaire de la mort de Fresnel, 1927 |
"Du reste, ses ressources mathématiques étaient aussi modestes que ses intruments d'observation. Fresnel n'était pas un mathématicien très exercé, et je ne sais pas ce qui aurait pu arriver s'il avait dû passer un examen en mathématiques supérieures devant M. Émile Picard..." |
H. Lorentz, Allocution pour le Centenaire de la mort de Fresnel, 1927 |
"Dans sa théorie de
la diffraction, il arrive aux "intégrales
de Fresnel"; il voit tout de suite qu'elles ne peuvent s'exprimer par
les fonctions élémentaires, mais cela n'a aucune
importance; ce qu'il faut, ce sont les valeurs numériques de
ces
fonctions. Il les calcule par un procédé qui
n'est pas
très élégant, [...] mais on sent bien que cela na
pas pour lui grande importance; l'important est d'arriver au but. [...] Il fut un grand ingénieur parce que, grand homme de science, il savait voir dans chaque question ses éléments essentiels; il fut un grand physicien parce qu'il était un grand ingénieur." |
Charles Fabry, Conférence pour le Centenaire de la mort de Fresnel, 1927 |