La Médersa et l'Enseignement


  L'extérieur

 Construite de 1417 à 1420, la Médersa d'Ulugh Beg est la première que le touriste découvre, par son mur latéral sud, en arrivant depuis le centre de la ville sur la place du Reghistan

    A cette époque, elle était l'unique bâtiment; en face se tenait un marché probablement assez hétéroclite, et au nord un caravansérail. Ce qui la plaçait, en tout cas, au coeur de l'activité de la cité.
    La disposition actuelle du Reghistan date du XVII-ème siècle: La Médersa d'Ulugh Beg occupe l'Ouest de la place (à gauche sur la photo); à l'Est, la Médersa Shir Dor (dite "aux Tigres", 1619-1635, à droite de l'image) lui fait face, et, au Nord, la Médersa Tilla-Kari (1646-1659) est venue compléter l'ensemble.


   La Médersa d'Ulugh Beg est un bâtiment rectangulaire de 56m de large et 81m de long; les minarets ont une hauteur de 35m.
        
    La décoration du fronton, par ses étoiles, rappelle la préoccupation majeure de son commanditaire; la référence à Allah n'est bien sûr pas oubliée pour autant.

Le portail: une "interface" sociale

   L'innovation révolutionnaire du Prince, sur le plan architectural, est d'avoir conçu une école ouverte sur la place, en ménageant des ouvertures en formes de claustras, qui permettent à tout passant de "voir" ce qui se passe à l'intérieur de cet établissement que fréquente l'élite intellectuelle. Certes, la taille, celle d'une porte, peut sembler négligeable en comparaison de celle de la façade, mais il faut en même temps préserver l'intérieur du tohu-bohu du marché. D'un autre côté, rien de semblable ne semble avoir existé ailleurs, la tradition étant celle d'une enceinte rigoureusement close.

intérieur, vu de dehors
détail
la médersa Shir Dor, de l'intérieur


Tant sur le plan sonore que sur le plan visuel, la claustra réalise l'exact compromis entre la distance et la proximité, la perméabilité et l'étanchéité: elle protège le nécessaire calme de l'intérieur en atténuant la sensation de repli et de mystère qui pouvait se dégager des établissements coraniques aux enceintes hermétiques.

L'intérieur

Un petit coup d'oeil, pour le plaisir...


L'activité

   De nos jours, c'est un groupe statuaire, placé sous l'un des Iwan, qui vient nous rappeler la fonction scientifique du lieu: il représente Ulugh Beg entouré de ses astronomes.
   

(noter la présence renouvelée, au fond, du décor étoilé en céramique)
 
   Un globe céleste authentique, pareil à celui qu'évoque cet ensemble, peut être vu dans le Musée.

   Entre 1408 et 1437, on estime à 70 le nombre d'astronomes qui y travaillaient. Mais l'équipe est dominée par les deux personnalités de l'astronome Quadi-Zadé-Rumi et surtout du mathématicien Al-Kashi. Le premier (1364-1436), arrive à Samarcande en 1410, y rencontre Ulugh Beg, alors âgé de 17 ans. Entre les deux hommes, le courant passe instantanément, et il devient le mentor et conseiller scientifique du jeune prince: c'est sous son impulsion qu'est construite la Médersa, et c'est lui encore qui propose de faire venir Al-Kashi de Kashan, vers 1420, qu'il considère sans doute comme le meilleur mathématicien  de l'époque, pour diriger l'équipe.
   Signe de l'indéfectible estime d'Ulugh Beg, c'est dans la nécropole princière de Shar-i-Zindah qu'il fait placer la sépulture de Quadi -Zadé-Rumi.

   A côté du travail astronomique, avant que l'Observatoire ne soit construit, la fonction principale du bâtiment est celui d'école coranique. L'expression ne doit pas être prise au sens très restrictif  que l'actualité peut  lui donner aujourd'hui: n'oublions pas qu'en Europe aussi, les Universités seront très logntemps des établissements religieux... On y enseigne le Coran, bien sûr, mais aussi la littérature, la poésie, les mathématiques, l'astronomie.
   Une excellente raison pour l'absence de cloisonnement entre Science et Religion est que la première se nourrit des problèmes posés par la seconde. Trois grandes questions ont, historiquement, scellé l'imbrication de l'Astronomie et de la Trigonométrie avec la pratique de l'Islam:
  •  les heures des prières, pour qui les premières tables sont dues à Al-Khowarizmi lui-même (peinture murale à l'Observatoire, statue à Khiva);
  • l'apparition du Croissant de Lune;
  • la Quibla, la Direction de la Mecque (c'est à dire, celle de la prière) -un problème si délicat qu'on peut encore voir au Caire trois orientations des mosquées correspondant au savoir de trois époques différentes. Quadi-Zadé-Rumi avait d'ailleurs consacré à cette question un important traité, qui est parvenu jusqu'à nous.


Al-Kashi enseignant la Géométrie (peinture murale, musée de l'Observatoire)
N.B: le tableau noir est probablement un délicieux anachronisme...

   Comme dans une Université moderne, l'activité d'enseignement se double d'un "séminaire de recherche", où sont librement débattues des questions ouvertes. Mais, si l'on en croit la correspondance d'Al-Kashi, la plupart du temps, le niveau de la discussion limite à trois le nombre des intervenants: Ulugh Beg, Quadi-Zadé et lui même!