"Ces
recherches, où il se savait soutenu par les mathématiciens du Collège
de France et, en particulier, par M. Hadamard, furent regardées au
début avec peu de faveur par la Sorbonne;
elles paraissaient, aux yeux des analystes français, présenter un
intérêt plus philosophique que mathématique, et Herbrand eut de la
difficulté à trouver un jury qui voulût bien le sanctionner. Il dut
alors beaucoup à la confiance que M. Vessiot avait en lui et trouva
dans le directeur de l'Ecole un président de thèse qui lui décerna les
plus grands éloges après une discussion assez vive où s'étaient
affrontées des conceptions mathématiques différentes. En face des
«constructivistes» pour lesquels la vérité mathématique résidait dans
la réalité d'une construction ou d'un calcul, Herbrand essayait de
montrer la validité du formalisme et en exposait le problème
fondamental : établir un calcul des propositions tel que le «vrai» ou
le «faux» puissent être considérés comme des prédicats."
Claude Chevalley et Albert Lautmann in Ecrits logiques de Jacques Herbrand |
Les Bans, en
montant au refuge de la Pilatte. 26/07/2011, soit, hasard des dates -mais surtout impératifs météorologiques- 80 ans jour pour jour après Herbrand.... |
Itinéraire: La VN est
en bleu, puis en vert.
Image provenant de cette page web (externe)
|
Même jour, depuis le refuge, où, sans doute, il passa sa dernière nuit... Le temps change vite en montagne! |
"Grenoble, 28
juillet : On vient d'être avisé de la
Bérarde, qu'un nouvel accident s'est produit dans le massif
du Pelvoux : un jeune homme, faisant partie d'une caravane
lyonnaise de trois personnes, a fait une chute mortelle."
|
"Les accidents de montagne: Nous avons signalé hier qu'un jeune homme, faisant partie d'une caravane d'alpinistes, excursionnant dans la région de la Bérarde, a fait une chute mortelle. Il s'agit de M. Jacques Herbrand, demeurant à Paris, 10 rue Viollet-le-Duc. M. Herbrand était parti dimanche avec trois camarades, MM. Jean Brille, Pierre Delair et Henri Guigner, pour faire l'ascension des Bans. A la descente, un piton de rocher auquel était attachée la corde céda, entraînant une petite plate-forme sur laquelle se trouvait M. Herbrand, qui fut précipité dans le vide. Une caravane de secours est partie pour rechercher le cadavre, qu'elle espère atteindre aujourd'hui ". |
Affiche de la journée ENS | Note d'Emmy Noether sur Herbrand, à lire ici (en Allemand) |
"Jacques
Herbrand est mort d'un accident de montagne, à La
Bérarde, le 27 juillet 1931, et il n'avait que vingt-trois ans,
mais il comptait déjà au monde, comme l'ont écrit
à son père les professeurs Helmut Hasse et Richard
Courant, parmi les plus grands des mathématiciens de la jeune
génération. Fils unique de parents qui avaient compris
son génie précoce et s'étaient efforcés par
leur affection et leur appui d'en assurer le plein
développement, il n'avait jamais su qu'être le premier
partout : au concours général, à dix-sept ans au
concours de l'Ecole, à l'agrégation en 1928. [...]
Il aimait en effet extrêmement la philosophie, la philosophie des
sciences tout d'abord, mais aussi et surtout celle qui traite
abstraitement des sentiments et des désirs de l'âme. Il
n'y cherchait pas un système de l'homme ; le problème
pratique ne l'intéressait pas ; il n'en parlait pas, ni n'en
discutait jamais. [...]
Cette pratique toujours poursuivie de
la pensée rigoureuse allait ainsi, de l'avis de tous, donner au
monde savant un de ses grands esprits, mais il semblait à
Herbrand, certains jours, qu'elle entraînait sa conscience dans
un monde aussi stérile que le vide qu'il trouvait parfois au
plus profond du dépouillement de lui-même. Il souffrait de
la dure loi qui l'engageait sans trêve dans ces abstractions,
où il sentait son être disparaître comme dans une
mort ; et c'est dans un espoir de pleine harmonie intérieure
qu'il formait le projet d'une vie héroïque où
soutenir le génie de son esprit. Cette plénitude de joie
et d'ardeur dont il se croyait parfois privé pour toujours,
c'est dans les émotions puissantes de la haute montagne qu'il
s'en approchait le plus. Il est mort dans une ascension, et toutes ces
pensées qu'il avait formées, tous ces sentiments qu'il
avait éprouvés, il ne les poursuivra plus ; mais ses amis
en avaient tant compris près de lui la sublime beauté
qu'ils ne pourront jamais s'écarter des voies que leur montrait
cet être adoré. "
Claude Chevalley et Albert Lautmann in Ecrits logiques de Jacques Herbrand
|
Les Bans, vue opposée (depuis la vallée d'Entre Aygues, accès Pelvoux-Ailefroide) |
Buste de Jacques Herbrand Bibliothèque de l'ENS Ulm, Paris (auteur inconnu) |