Fin (s?) de l'histoire...

Le Mémoire de Wantzel

Reçu à l'École Polytechnique en 1832, Laurent Wantzel (1814-1848) poursuit ses études à l'École des Ponts & Chaussées (1834-1837). C'est alors qu' il résoud enfin la question initiale, jusque là sans réponse, constituant avec les deux suivantes  le legs de la Grèce Antique:
Wantzel résoud entièrement (Q4), et par là apporte la réponse négative aux deux premières. Il jette aussi les bases pour que tombe enfin la troisième sous les coups de boutoir successifs de Charles Hermite (1873, Transcendance de e) et Carl Lindemann (1873, Transcendance de e): ce sera Non également!

Le début de l'article de Wantzel dans le Journal de Mathématiques Pures et Appliquées,
dit Journal de Liouville

Il apporte ainsi la preuve d'un résultat que l'on conjecture depuis Descartes, mais à qui il manquait essentiellement une formulation précise:
"...ainsi l'inconnue principale du problème s'obtiendra par la résolution d'une série d'équations du second degré dont les coefficicients seront fonctions rationnelles des données de la question et des racines des équations précédentes. D'après cela, pour reconnaître si la construction d'un problème de Géométrie peut s'effectuer avec la règle et le compas, il faut chercher s'il est possible de faire dépendre les racines de l'équation à laquelle il conduit de celles d'un système d'équations du second degré composées comme on vient de l'indiquer."
Wantzel, Recherche sur les Moyens [...]

"
En somme, à l'époque de Descartes, on savait que toute expression algébrique, ne contenant que des radicaux carrés, est constructible à l'aide de la règle et du compas et inversement.
Nous allons maintenant préciser cet énoncé encore très vague: il faut indiquer par rapport à quoi l'expression est algébrique et quelles sont les données. Cela ne fut exprimé clairement qu'au xtx" siècle par l'introduction de la notion de domaine de rationalité "

Henri Lebesgue, Leçons sur les Constructions Géométriques  (1941)

Ce résultat est aujourd'hui un classique de la Théorie des Corps, mais on pourra constater à la lecture des textes que non seulement il n'est formulé qu'en termes d'équations par Wantzel, mais que la rédaction de Lebesgue, pour impeccable qu'elle soit, est encore très éloignée de celle qu'on peut proposer de nos jours en Licence de Mathématiques!

Lire l'article original de Wantzel (grâce à Wikisource)

N.B.:Avant lui, seul Gauss avait apporté une contribution nouvelle aux  problèmes de constructibilité, en déterminant exactement quels sont les polygones réguliers constructibles. On trouvera dans cette page des corrélations Mathouristiques assez inattendues!

De l'autel de Délos... au tapis de Sierpinski!

Il est intéressant, pour finir, de constater combien l'analyse des erreurs peut être fructueuse. De ce que nous disent Socrate et  Eratosthène à la notion moderne de dimension fractale, si chère à Benoît Mandelbrot (voir aussi sa HomePage), il n'y a en fait qu'un pas!

Un cube à Délos... et un tapis de Sierpinski.

Considérons pour cela cet objet fractal qu'est le tapis de Waclaw Sierpinski (1882-1969): il est construit en retirant à la surface  "pleine" d'un triangle équilatéral le triangle construit sur les mileux des côtés, et en réitérant à l'infini le procédé sur les nouvaux triangles ainsi définis.  Nous ne disons ni courbe (i.e. de dimension 1), ni surface (i.e. de dimension 2), car nous ignorons de quelle nature est cet objet, et notre but est précisément de découvrir sa dimension, si tant est qu'il soit raisonnable de lui en attribuer une! Nous parlerons donc de sa mesure.

Waclaw Sierpinski ( timbre à voir sur le site de Jeff Miller) et son tapis
Comment la mesure m varie-t-elle dans une homothétie de rapport 2? Nommons M la nouvelle mesure:
 Objet de dimension :                M = 2d.m ... si notre théorie de la dimension est cohérente, non?


Comme le carré de Socrate, le cube d'Ératosthène, le tapis de Sierpinki S est déduit du "petit" S1 par une homothétie de rapport 2. On attend donc
M = 2d.m

Mais puisque le tapis S est réunion de 3 petits tapis disjoints identiques à  S1, on doit aussi avoir:

M = Mes (S) = Mes (S1) + Mes (S2) + Mes (S3)= 3.Mes (S1) = 3.m
et par suite
2d= 3
soit

Le tapis de Sierpinski n'est donc ni une courbe, ni une surface: la dimension qu'il est "raisonnable de lui attribuer" est clairement intermédiaire entre 1 et 2!



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