Sansepolcro: Naissance de la Perspective, (Re)Naissance de la Géométrie
Piero della Francesca et Luca Pacioli
Prenez, dans n'importe quel pays, un village, un bourg comme on disait autrefois (et justement, l'objet de cette page s'appelait autrefois Borgo San Sepolcro):
il est plus que rare qu'il ait vu naître deux mathématiciens, à des
périodes voisines. Simple effet statistique, augmenté par l'éloignement
des foyers intellectuels: écoles, universités, dont la seule présence,
dans les villes d'une certaine importance, peut plus régulièrement
encourager les jeunes vocations. Torun n'a vu naître qu'un Copernic, Weil-de-Stadt qu'un Kepler, Woolsthorpe qu'un Newton. En France, Beaumont de Lomagne n'a vu nâitre qu'un seul Fermat, Beaumont en Auge qu'un seul
Laplace, Auxerre qu'un seul Fourier. Perdue au fin fond de l'Aveyron,
SaintAffrique est une incroyable exception, patrie de Borel et de
Sarrus -mais l'envergure du second est loin d'égaler celle du premier.
Deux géomètres illustres au même endroit, mais pas tellement un hasard,
s'il existe entre eux un lien fort, du sang (Etienne Pascal et sn fils
Blaise, à Clermont-Ferrand) ou... de filiation intellectuelle, dans le
cas qui nous occupe ici, avec Piero della Francesca et Luca Pacioli.
Chacun a donc sa statue dans ce village de Toscane; ce sont des monuments récents.
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Piero della Francesca
statue réalisée en 1882 par Arnoldo Zocchi (1862-1960)
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Luca Pacioli
statue réalisée en 1994 pour les 500 ans de Pacioli
par Franco Alessandrini (né à Sansepolcro en 1944)
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Mais... quels sont leurs attributs? Qu'ont ils dans les mains? À
Piero, la palette, à Luca, le livre. C'est que Piero est avant tout
connu comme peintre, et Pacioli comme auteur. Mais ils furent tous les
deux mathématiciens, et c'est ce qui justifie leur présence dans nos
pages, d.
Museo Civico, Sansepolcro
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Et le second fut l'élève du premier, filiation plus ou moins
idéalisée par ce tableau d'Angello Tricca (1817-1884), enfant du pays lui aussi!
Il représente un Piero manifestement âgé (checveux blancs, bonnet,
canne, pantouflres...), donnant des conseils par le geste à Luca,
reconnaissable à son habit d'eccléisastique, car, sinon, il est bien
peu ressemblant au portrait que nous avons de lui -contrairement à
Piero.
Le regard est vague, perdu vers le bas, au lieu de se diriger vers le
travail en cours de réalisation: il s'agir de suggérer la dégradation
de la vue de Piero, dont on sait qu'il était devenu aveugle à la fin de
sa vie.
Que fait Luca? Il est devant un chevalet, mais il n'est pas connu comme
peintre. Par contre, il est géomètre, et pour qui en douterait, il
tient dans sa main gauche l'arme absolue de sa fonction, celle qui en
art est au mathématicien ce que le colt est au cowloy hollywoodien: le compas!
Or, une feuille de papier est plaquée sur la toile, probablement
destinée à la réalisation de figures géométriques, sous les conseils du
vieux maître.
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Piero della Francesca, pas seulement peintre...
Il a vécu dans cette maison, presqu'en face du jardin public où nous avons
rencontré sa statue. Une plaque commémorative est là pour nous le
rappeler.
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Cette demeure est aujourd'hui le siège de la fondation Piero Della
Francesca; mais elle ne contient aucune œuvre du peintre; une seule
fresque s'y trouvait, constituant d'ailleurs une exception notoire dans
la thématique exclusivement religieuse de Piero: un portrait d'Hercule
(1465) , aujourd'hui à Boston.
À angle droit, une rue honore également Piero.
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Le Museo Civico nous donne à voir aussi des images du jeune homme, par
exemple ce buste coloré, exécuté par le même artiste que le tableau
précédent. N'est-il pas ressemblant au jeune soldat endormi de la très
célèbre Résurrection (1463) de Piero? Car il est communément admis qu'il s'est représenté dans sa toile (pratique alors on ne peut plus courante)
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Buste de Piero (1875), par Angello Tricca |
La Résurrection du Christ; détail du soldat endormi représentant l'artiste (Museo Civico, Sansepolcro)
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Mais gare au piège! Cette similitude ne prouve rien, car,
compte tenu des dates... c'est Tricca qui, pour son buste, s'est
inspiré du soldat de la Résurrection.
Le Museo Civico possède une autre œuvre majeure de Piero, le Polyptique de la Vierge de la Miséricorde
(commandé en1445, mais terminé en 1462). Le panneau central représente
la Vierge et, parmi les personnes en adoration, le jeune homme à côté
de l'encagoulé ressemble fortement à celui de la Résurrection. La similitude dans les deux œuvres accrédite fortement l'idée qu'il s'agit bien d'un autoportrait dans chacune d'elles.
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Polyptique de la Vierge de la Miséricorde, panneau central et détail
(Museo Civico, Sansepolcro) |
C'est un autre tableau, toujours
dans le même lieu, qui nous révèle ce qui nous intéresse le plus ici du
jeune Piero: non pas sa tenue chic et bourgeoise (mais c'est bien
la classe sociale dont il est issu), non pas sa frimousse, inspirée ou
pas des autoportraits. C'est qu'il est décrit par le texte comme développeur (amplificator: "celui qui augmente") de la peinture, de l'arithmétique et de la géométrie, et encore mieux par l'image: sur la table, à côté de lui, deux ouvrages essentiels de l'antiquité grecque, enfin redécouverts (traduits en latin depuis l'arabe, seulement au XIIème siècle pour Euclide, XIIIème siècle pour Archimède...) et l'inévitable et symbolique compas.
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portrait par Santi di Tito (1536-1603)
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Or, c'est par une copie manuscrite des livres d'Archimède
que commence sa carrière de mathématicien, vers 1450; il est important
de souligner que e'est aussi, sinon le début de sa carrière de peintre,
du moins le début de son essor personnel et des premières commandes qui
lui vaudront la célébrité. Ironie de l'histoire, c'est enfin
l'époque de l'apparition de l'imprimerie! Mais les Éléments
d'Euclide, appelés à devenir le texte ayant connu le plus d'éditions
après la Bible, ne sera édité pour la première fois qu'en 1482... c'est
à dire l'année de la mort de Piero.
On jugera du soin apporté par Piero à ce travail avec ces trois pages (source: Wikipedia)
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première page:
aucune indication de titre, encore moins
du copiste et de la date de ce travail.
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aire du cercle
(on reconnaît l'encadrement d'Archimède,
par les polygones inscrits et exinscrits.
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illustrations soignées pour le
traité des spirales
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Mais,
direz vous, comment sait-on qu'il s'agit bien de l'écriture de Piero?
En fait, on ne le sait pas depuis très longtemps! C'est grâce aux
travaux de James Banker (professeur émérite à la North Carolina State
University, qui a comparé en 2005 l'écriture de ce manuscrit à celle du
testament de Piero, et conclu qu'il n'y a aucun doute possible. La datation reste toutefois difficle à fiver avec plus de précision que dans l'intervalle 1450-1460.
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ous vous suggérons de visionner sa conférence sur ce thème:
"Three Geniuses and a Franciscan Friar"
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En même temps, ou à la suite, dans la foulée, il écrit son premier ouvrage mathématique, une commande, précise-t-il. Le Trattato d'Abaco sera
donc conçu comme essentiellement pratique, à usage des marchands... et
afin d'assurer l'éducation de leurs enfants... et donc, d'assurer la
succession dans l'affaire familiale! Divisé en trois livres, il tient
sa promesse dans le premier, où l'on trouve de l'arithmétique
élémentaire d'école primaire, par exemple calculs sur les fractions et règle de trois,
choses qui ont longtemps faits les délices de l'école primaire
française, avant que la majorité des écoliers ne s'avère incapable de
comparer 1/2 et 2/3 , et que des ministres de l'éducation ne sèchent
sur une règle de trois...
Exemple : " 7 longueurs de tissus coûtent 9 livres. Combien coûtent 5 longueurs ?"
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Mais le second s'oriente vers l'algèbre, et constitue même une
tentative de classifier et résoudre les équations algébriques de degré
3,4,5., tandis que le troisième ébauche l'étude des polyèdres
réguliers, qu'il reprendra plus substantiellement dans son dernier
ouvrage. La partie relative aux équations reste inaboutie, malgré ses 55 cas, entre la solution géométrique d'Omar Khayyam au XIème siècle et celle, algébrique, de Cardano et autres au milieu du XVIème.
az "7 longueurs "
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Perspective (s)...
Piero en Pratique
"Inventée" essentiellement à
Florence par Brunelleschi et Alberti, la perspective est encore peu
diffusée: le premier traité, celui d'Alberti, De Pictura,
n'est écrit en Toscan qu'en 1435 (mais aucun exemplaire de ce manuscrit
n'a été retrouvée), rédigé en latin entre 1439 et 1441, et ne connaîtra
un édition imprimée qu'en 1540. Mais Piero passe quelques années à
Florence, où il côtoie les maîtres et observe leurs travaux avec
intérêt. On est sûr de sa présence en 1439, mais son séjour a dû être
plus large, entre 1435 et 1442, date de son retour à Sansepolcro.
Avant de voir comment Piero l'applique, rappelons en quelques principes sur un tableau où Raphaël la maîtrise parfaitement en 1504:
Le Mariage de la Vierge.
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l'original... et son cadre (1504)
Pinacothèque de Brera (Milan)
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lignes de fuite des perpendiculaires au plan du tableau
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source du schéma: article Vanishing Point (Wikipedia)
nous avons passé en vertles lignes correspondent aux lignes vertes du tableau précédent.
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Toutes les lignes parallèles, dans la réalité, à une direction
donnée, se rejoignernt en un point de fuite, impact sur la toile de
l'horizontale issue de l'œil de l'observateur. Pour une autre
direction, le point de fuite est différent, mais tous les points de
fuite sont alignés sur l'horizon, droite à hauteur de de l'œil de
l'observateur.
La pinacothèque du Palais Vitelli, à Città di Castello, a eu la bonne
idée de confronter une maquette tri-dimensionnelle à une copie du
tableau. Une copie, parce que l'original, commandé pour l'église San
Francesco de la ville, est passé fugitivement entre plusieurs mains
avant de rejoindre définitivement la pinacothèque de Brera, fondée par
Napoléon, dès son ouverture (1809).
Thème
et construction sont inspirées d'un travail de son maître, le Pérugin.
La perspective y est présente, mais moins spectaculaire; Raphaël a
donné à la sienne beaucoup plus de profondeur.
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installation à la pinacothèque du Palais Vitelli (Città di Castello)
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Commençons par comparer deux œuvres de Piero: la scène de La Bataille entre Héraclius et Chosroes, partie de La Légende de la Vraie Croix (visible à la basilique San Francesco d'Arezzo; un article très complet lui est consacré sur Wikipedia) et sa célébrissime Flagellation du Christ, assez peu éloignées dans le temps d'après les
datations admises (incertitudes comprises, souvent +/- 5 ans selon les
auteurs, hélas!), mais néanmoins fort différentes dans la maîtrise de
la perspective à points de fuite.
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Légende de la Vraie Croix à la cathédrale d'Arezzo, entre 1452 et 1466
panneau: la bataille entre Héraclius et Chosroès.
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La Flagellation du Christ, 1455
Galerie Nationale des Marches, à Urbino
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courbure du panneau-support
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Á droite, dans la Flagellation du Christ,
il révèle indiscutablement sa maîtrise du sujet. L'impression générale
dégagée suffit, et y poser des lignes serait légèrement illusoire, car
le support s'est fortement cintré avec le temps, par le travail du bois
: curieusement, ce fait reste peu mentionné, alors que, dixit Wikipedia
"Célèbre pour sa maîtrise absolue de la perspective, sa complexité géométrique et symbolique en fait l’une des œuvres les plus commentées de l’histoire de l’art."
Certains ont quand même essayé, et, soyons honnête,
ça ne marche pas trop mal quand-même, fût-ce grâce à l'épaisseur des
traits et la possibilité de "tricher" un peu sur l'inclinaison de telle
ou telle droite.
Quant au dallage au sol, ce n'est pas un artefact gratuit pour
réhausser la maîtrise géométrique: Saint-Jean l'évangéliste affirme que
la scène se déroule dans le Salle du Pavement du paliais de Pilate.
Pour en savoir plus sur la symbolique et les questions débattues sur
cette œuvre, qui ne sont pas notre objet, vous pouvez commencer par cette vidéo de KTO (donc, on peut le supposer, point de vue "religieusement correct"...), ou celle-ci, assez complète, en 4 épisodes: 1, 2, 3 , 4.
Nous avons mis en évidence le deuxième épisode, dévolu à la géométrie
du tableau. Un film plus long, d'Alain Jaubert pour l'émission Palettes (Arte),
en fait une analyse approfondie, ainsi que cet article de Franck Mercier (2017), dont il n'est pas exclu... qu'il surinterprète:
Et vous en trouverez bien d'autres, de quoi vous faire votre propre idée... si vous n'êtes pas noyé!
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illustration de Wikipedia
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Á gauche, dans le panneau représentant labataille entre Héraclius et Chosroès, partie de la Légende de la Vraie Croix, il est frappant de constater que le dais, à droite, est plutôt représenté en perspective cavalière: dans celle-ci,
- [1] tout ce qui est dans un plan frontal (i.e. parallèle à celui du tableau) est représenté en vraie grandeur, sans déformation;
- [2] les fuyantes sont toutes parallèles entre elles (au lieu de converger vers un point de fuite), avec une réduction des distances fonction de leur inclinaison.
Elle correspond moins à notre vision, mais reste un outil simple,
commode -donc largement employé- en dessin d'architecture. Explicitons
dans le cas de cette fresque:
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Une
première tentative entre un bord du dais, une autre horizontale et le
bras de la croix confirme l'impression initiale: respect de la
propriété [2] sur les fuyantes. Quant au dais, il paraît avoir la forme d'un cylindre de révolution, et là encore un tracé renforce le sentiment "au jugé".
Perspective cavalière, donc?
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Il reste difficile d'être catégorique.
Si l'on ajoute d'autres horizontales du dais, des rencontres deviennent
possibles, sans qu'on trouve un point de fuite bien net, comme dans la
flagellation. Les bords du dais ne sont pas tout à fait des
cercles, mais l'écart entre les deux diamètres est faible; le vert est
légèrement plus petit que le rouge alors qu'ils devraient être de la
même,taille dans une vraie perpective cavalière. On s'en écarte très
peu, ce qui explique l'impression à l'œil nu.
D'ailleurs, d'autre petits
problèmes surgissent: en fait, le bord du dais n'est pas tout à fait
frontal, s'il est disposé bien parallélement aux bords du siège: la
ligne de devant de celui-ci s'incline légèrement vers la droite, au
lieu de rester parfaitement horizontale. Auquel cas le bord du dais
serait elliptique (à supposer toujours, bien sûr, que l'objet de
l'espace représenté demeure un cylindre de révolution). Sauf qu'il faut
penser à la réalisation pratique: tracer volontairement une ellipse de
cette taille ne serait pas commode -à supposer qu'il maîtrise la construction du jardinier,
alors que tracer l'esquisse avec un morceau de charbon de bois au bout
d'une ficelle est immédiat. Et à cette taille, il semble difficile
d'opérer à main levée pour un aussi bon résultat; d'autant que la
technique de la fresque rend la reprise très difficile, voire
impossible. zzzzzzzz
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avec 4 lignes
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avec 5 lignes |
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C'est enfin une partie très secondaire de la scène, contrairement au cas de la flagellation du Christ;
elle peut donc avoir été moins soignée géométriquement. Tous ces faits
nous poussent à penser qu'il s'agit d'une œuvre antérieure, usant d'une
perspective plus "primitive",
encore pas totalement maîtrisée. Mais la volonté géométrique est en
marche, et tant qu'on ne surcharge pas de lignes l'image de la fresque (avec d'inévitables incertitudes angulaires),
l'impression de cohérence globale d'une perspective cavalière domine.
Ajoutons que même hors saison, le temps d'observation du visiteur est
strictement limité!
ellipse/volume
Piero le Théoricien
"Simultanément" (mais une fois
de plus, la fourchette reste bien imprécise: 1460-1480), Piero rédige
le traité qui fera date et le consacre, plus que l'initiateur Alberti
avec son De Pictura (1435), comme le premier théoricien de la perspective : le De Prospectiva Pingendi. Le manuscrit original est perdu, mais il en existe 7 codex (copies manuscrites reliées en forme de livre), ce qui est suffisant pour connaître l'ouvrage, car ces versions diffèrent peu. Ils sont tous disponibles en ligne sur le site du Museo Galileo de Florence.
Le début de l'ouvrage
s'appuie sur les Éléments d'Euclide, dont il applique les résultats
(théorème de Thalès, par exemple) pour fonder les constructions
géométriques rigoureuses des vues en perspective.
Une première application, dès les premières pages, est la construction de la vue en perspective d'un carré qui se trouve au sol:
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portrait d'Euclide (probablement par Juste de Gand) dans le studiolo aux somptueses marquetteries (1476)
d'un des protecteurs de Piero, Federico da Montefeltro (Urbino, palais ducal)
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Elle est expliquée sur la page wikipedia du traité,
mais on peut dire, sans entrer dans le détail, que c'est une
préfiguration de la Géométrie Descriptive de Monge: il mêle habilement
sur le plan de la figure des vues situées dans divers plans de
l'espace.
Et de celle-ci, il dérive celles de figures planes, puis
tridimensionnelles, de plus en plus complexes: surface carrelée en 2D,
puis volume cubique en 3D, matrice d'un sujet plus ambitieux mais
adapté à la réalité de la peinture comme du dessin architectural: une
maison avec ses fenêtres. Après le carré, la perspective est appliquée,
avec la même maîtrise, à d'autres polygones réguliers, ainsi l'hexagone
et le dodécagone: c'est aussi manifestement une façon de s'approcher de
la représentation du cercle en perspective, comme Archimède l'avait
fait pour son calcul de surface -rappelez vous le premier manuscrit de
Piero!
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codex de Londres, p.8 recto
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codex de Parme, p.27 recto |
codex de Londres, p.9 recto |
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Le très célèbre tableau qui suit, même s'il n'est plus attribué à Piero lui-même
comme ce fut longtemps le cas, témoigne de la parfaite application du
traité de Piero, et particulièrement des trois constructions ci-dessus:
maisons parallélépipèdiques, base polygonale (20 ou 24 côtés?) du
temple central, dallage au sol... la maîtrise du traité est totale.
Anonyme: La Cité Idéale
, Galleria Nazionale delle Marche (Urbino)
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La suite du traité de
Piero s'orient plus carrément encore vers le dessin d'architecture, en
témoignent les pages où il trace une coupole à caissons (sans doute
inspirée par le Panthéon de Rome) ou l'intersection de deux voutes
cylindriques.
Certes, cette dernière est traitée strictement en approximations
polygonales, mais on touche là à un sujet géométrique non trivial:
l'intersection de deux cylindres de révolution tangents peut, selon que
les deux sont de même rayon ou non, être constituée de deux ellipses
ou, au contraire, former une courbe irréductible du 4ème degré! Un sujet passionnant que le Mathouriste a développé dans cette page, avec de nombreux exemples en images.
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coupole à caissons, codex de Londres, p.102 recto
intersection de voutes, codex de Reggio-Emilia, p.37 verso
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Et
lorsqu'il s'agit
d'étudier une tête humaine, on pourrait presque dire qu'il invente le
scanner avant l'heure!Elle est en effet "découpée" selon des plans
horizontaux successifs, comme l'on ferait pour établir des lignes de
niveaux d'une carte géographique! Une fois encore, on observera que la
disposition des vues est celle qu'adoptera Monge pour sa géométrie
descriptive (le profil et la vue de dessus formant la colonne de
gauch; les deux projections d'un point sont sur une même verticalee);
avec ajout d'une troisième vue pour montrer le visage de face.
Cela permet de représenter avec précision la même tête morsqu'elle
s'incline vers le haut -c'est à dire qu'on effectue sur le profil
une rotation d'axe perpendiculaire à la page. Nous avons augmenté le
contraste afin de mieux voir les plans de coupes successifs, toujours
parallèles, mais tournés de l'angle choisi. Grâce à la position des
points dans cette vue, il peut retrouver immédiatement les mêmes points
dans la vue de face, donc obtenir une représentation fidèle de cette
même tête inclinée.
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codex de Londres, p. 74 recto
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codex de Londres, p.83 verso
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Une édition critique complète en Italien (réalisée d'apès 4 codex) par Chiara Gizzi est disponible en ligne ici.
Et surtout, n'oublions pas que ce principe de figurenen perspective d'une autre sera la clé de l'obscur Brouillon Project... de Desargues, de sa probable application lumineuse par Pascal pour son Théorème de l'Hexagramme Mystique, et de sa théorisation ultime: la Géométrie Projective par Jean-Victor Poncelet, au fond de sa prison à Saratov (Russie), en 1813.
Piero della Francesca, son dernier Livre
Le Libellus de Quinque Corporibus Regularibus
n'est connu que par un seul codex, conservé à la Bibliothèque du
Vatican, et atdivement reconnu comme l'œuvre de Piero, notamment grâce
à des annotations marginales qui sont de sa propre main.
Fidèle à son titre, le Libellus de Quinque Corporibus Regularibusprésente
les cinq solides platoniciens, les seuls polyèdres réguliers de
l'espace, mais aussi bien d'autres choses. C'est un traité dédié
uniquement à la Géométrie, extension de ce qu'il a esquissé dans le Trattato d'Abaco. Il s'ouvre sur des rappels préalables de géométris plane, et se poursuit au delà des cinq polyèdres réguliers (qui s'inscrivent dans la sphère) par l'étude de polyèdres inscrits dans un autre polyèdre, puis des polyèdres tronqués.
À tout seigneur, tout honneur... le dodécaèdre, aux douze faces pentagonales, qu'on ne sera, du coup, pas surpris de retrouver dans le décor des villes où nous suivons Piero!
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page 32 recto du codex (à gauche)
figure en contraste renforcé,
pour mieux voir les arêtes du solide
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à Sansepolcro, en taille géante!
| à Urbino, en décor de rue...
c'est Noëm toute l'année!
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N'oubliez pas pour autant d'aller... jouer avec, dans notre page consacrée à Hamilton: le génial Irlandais avait inventé un jeu dont la piste est un dodécaèdre aplati, un jeu qui pose un joli problème de Théorie des Graphes.
Quant à l'icosaèdre
et ses 20 faces (chacune est un triangle équilatéral), il illumine tout
à la fois le traité du maître et à Urbino, les déambulations
estudiantines et festives (c'était apparamment un jour de remise de
diplômes...) comme les ruelles les plus calmes.
page 36 recto du codex
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figure en contraste renforcé, pour mieux voir les arêtes du solide
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Peut-être pensez-vous que les
figures auraient mérité d'être plus belles, mieux mises en valeur?
Patience et rendez-vous au prochain épisode! Avec son disciple, Luca...
Luca Pacioli, pas vraiment copieur!
à voir dans la page suivante (bientôt en lingne)
Références