Alamut!
Sexe, drogue et roc... Violence, légende et... Jeux vidéos! Qu'allait faire un savant en cet endroit? |
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Un parfumeur Florentin a choisi ce nom pour une ligne de produits. Pas trop innocemment: les noms de parfums évoquent qui une drogue, qui une héroïne de Sade, du sulfureux, de l'interdit... |
Vladimir Bartol, Alamut (1938) | Un voyageur en Orient...(????) |
"Alamut.
Une forteresse sur un rocher, à six mille pieds d'altitude, un
paysage de monts nus, de lac oubliés, de falaises raides, de
cols étranglés. [...] Entre les montagnes règne le Shah-Rud, surnommé "fleuve fou", qui au printemps, à la fonte des neiges de l'Elbourz, se gongle et s'accélère, arrachant sur son passage arbres et pierres. Malheur à qui ose s'approcher, malheur à la troupe qui ose camper sur ses rives! En dialecte local, Alamut siginifie «la leçon de l'aigle». On raconte qu'un prince qui voulait bâtir une forteresse pour contrôler ces montagnes y aurait lâché un rapace dressé. Celui-ci, après avoir tournoyé dans le ciel, vint se poser sur ce rocher. Le maître comprit qu'aucun emplacement ne serait meilleur. Hassan Sabbah a imité l'aigle. Il a parcouru la Perse à la recherche d'un lieu où il puisse rassembler ses fidèles, les instruire, les organiser. [...] [Dans] une grande ville, l'affrontement avec les Seldjoukides serait immédiat, et, inévitablement, tournerait à l'avantage de l'empire. Il lui faut donc autre chose, un réduit montagneux, inaccessible, imprenable, à partir duquel développer son activité tous azimuts. [...]Ce site a été pour lui une révélation. Dès qu'il l'a aperçu de loin, il a compris que c'était ici, et nulle part ailleurs, que s'achéverait son errance, que s'élèverait son royaume." Amin Maalouf, Samarcande.
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Le roc et la forteresse (indiquée par la flèche!) | Une certaine verticalité... | En arrière plan, la chaîne de l'Alborz |
"Ils s'enfonçaient au plus fort des montagnes et le Chah Rud mugissait avec
une violence accrue. Ils arrivèrent enfin devant un
éperon rocheux coiffé d'une tour de guet. Un drapeau
blanc flottait sur son faîte. Le cours de la rivière
contournait cet escarpement naturel, prisonnier d'un étroit
défilé. [...] Ils pénétrèrent
dans une gorge froide et sombre. Le chemin était étroit
mais bien tracé, taillé par endroits à même
la roche. Au fond du ravin, le torrent se déchaînait.
À un tournant, le chef s'arrêta et tendit son bras vers
les monts [...] - Alamut! cria le chef en éperonnant son cheval. Les deux tours disparurent à nouveau derrière le versant abrupt. Le chemin continuait sa course sinueuse le long du torrent, jusqu'à un brusque évasement du défilé. Le petit-fils de Tahir écarquilla les yeux. Devant lui, un puissant éperon couronné de fortifications partiellement encastrées dans la roche se dressait vers le ciel. Le Chah Rud à cet endroit se divisait en deux bras qui enserraient le roc nu comme une fourche. Isolé de la sorte, le domaine que commandait la forteresse s'élevait par paliers à flanc d'abîme, ses quatre angles flanqués de tours dont les deux dernières, tout en haut, surveillaient l'ensemble. La citadelle, étroitement cernée par la rivière qui s'engouffrait entre deux parois à pic parfaitement inaccessible, fermait le défilé comme un verrou." Vladimir Bartol, Alamut.
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"Les plus puissantes catapultes ne pourraient effleurer ses murs." |
"-
Mon père m'a prié de transmettre ses salutations au chef
suprême. Quand penses-tu que je pourrai lui être
présenté? Suleïman eut un sourire. - Ôte-toi cette idée de la tête, mon cher. Il y a déjà un an que je suis ici, et je ne sais toujours pas qui il est. Aucun d'entre nous ne l'a encore vu. - Il ne vit donc pas au château? - Si, mais il ne quitte jamais sa tour. Tu entendras dire encore bien d'autres choses. Et de telles que tu en resteras la bouche ouverte..." |
"On a pendant six cents ans rebattu le conte du Vieux de la Montagne, qui enivrait de voluptés ses jeunes élus dans ses jardins délicieux [...] et les envoyait ensuite assassiner des rois au bout du monde pour mériter le paradis éternel." |
Nicolas-Guy Brenet (1728-1792)
Louis IX recevant les ambassadeurs du Vieux de la Montagne Musée Carnavalet (Paris) |
Une démonstration de Hassan, selon l'ambassadeur croisé Henri Ier de Champagne : sur ordre du chef ,un fedayin de jette du haut d'une tour d'Alamut, tandis qu'un autre se poignarde au cœur. |
D'un certain fameux tyran et de ses affaires.
"Il y a par
là un. certain canton nommé Mulète (=Alamut), où
commande un très méchant prince,- appelé le Vieux
des Montagnards, ou Vieux de la Montagne, dont j'appris beaucoup de
choses, que je vais rapporter [...]Ce vieillard [...] entretenait hors de ce lieu des jeunes hommes courageux jusqu'à la témérité, et qui étaient les exécuteurs de ses détestables résolutions. Il les faisait élever dans la loi meurtrière de Mahomet, laquelle promet à ses sectateurs des voluptés sensuelles après la mort. Et afin de les rendre encore plus attachés et plus propres à affronter la mort, il faisait donner à quelques uns un certain breuvage, qui les rendait comme enragés et les assoupissait. [...] Alors le tyran, qui leur faisait croire qu'i1était prophète de Dieu, les voyant en l'état qu'il souhaitait, leur disait « Écoutez moi,ne vous affligez point; si vous êtes prêts à vous exposer à la mort, au courage, dans toutes les occasions que je vous ordonnerai, je vous promets que vous jouirez des plaisirs dont vous avez goûté. » En sorte que ces misérables, envisageant la mort comme un bien, étaient prêts «à tout entreprendre, dans l'espérance de jouir de cette vie bienheureuse." Marco Polo, Livre des Merveilles
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"Ils débouchèrent sur une terrasse - ni l'un, ni l'autre,
à ce jour, n'avaient encore été admis à
découvrir ce lieu. C'était un véritable
observatoire. [...] (**) Contre celui-ci, on avait aménagé une sorte de serre, dont le toit vitré était à présent relevé. Il n'y poussait rien d'autre qu'une sorte d'herbe à longue tige, dont les pousses ressemblaient à s'y méprendre à de petits balais renversés. [...] Hassan planta dans ses yeux un regard pénétrant. - Voici la clef donnant accès aux richesses du paradis! articula-t-il avec patience. - Cette mauvaise herbe? [...] - L'herbe que je vous ai montré n'est autre que du chanvre indien; sachez que son suc recèle des propriétés exceptionnelles. Je vais maintenant vous décrire de quelle nature sont ces propriétés. À Kaboul, il y a de cela longtemps, j'ai été un jour, moi parmi d'autres, l'hôte d'un riche prince natif de l'Inde.[...] Supposons que vous ayez été à Kaboul avec moi chez ce prince, leur dit-il. Vous avez avalé vous aussi cette pastille de haschisch et vous avez éprouvé avec moi toutes ces magnificences dont je vous ai parlé, puis vous avez perdu connaissance. Si vous vous réveillez ensuite, non pas dans la sombre pièce où vous avez dormi, mais dans ces jardins qui sont à vos pieds, au milieu de jeunes filles splendides qui vous servent juste ainsi qu'il est décrit dans le Coran, quelles pensées vous viendront alors à l'esprit?" |
"On
a souvent dit, au vu de ces scènes irréelles, que les
hommes de Hassan étaient drogués. Comment expliquer
autrement qu'ils aillent au devant de la mort avec le sourire? On a
accrédité la thèse qu'ils agissaient sous l'effet
du haschisch.. Marco Polo a popularisé cette idée en
Occident [...]. Le mythe des Assassins n'en a été que plus terrifiant. La vérité est autre. [...] Il est vrai que Sabbah était passionné par les plantes, qu'il connaissait à merveille leurs vertus curatives, sédatives ou stimulantes. Lui-même cultivait toutes sortes d'herbes et soignait ses fidèles quand ils étaient malades .[...]. On connait ainsi l'une de ses recettes, destinée à activer le cerveau de ses adeptes et à les rendre plus aptes aux études. C'est un mélange de miel, de noix pilées et de coriandre. On le voit, une bien douce médecine. En dépit d'une tradition tenace et séduisante, il faut se rendre à l'évidence: les Assassins n'avaient pas d'autre drogue qu'une foi sans nuances. Constamment raffermie par le plus serré des enseignements, la plus efficace des organisations, la plus stricte répartition des tâches." |
"C'était un véritable observatoire. Le sol offrait l'aspect d'un véritable cadran, où se trouvaient dessinés les orbes de la terre et des planètes autour du soleil, la trajectoire de la lune et tous les détails du zodiaque. De petites tables de calcul couvertes de chiffres, elles aussi gravées dans la pierre, laissaient apparaître ici et là des figures géométriques: cercles, ellipses, paraboles et hyperboles. Un peu partout étaient disposés des instruments de mesure et de dessin; il y en avait de toutes les sortes et de toutes les tailles: astrolabes, compas, matériel de relevés trigonométriques, et autres ustensiles plus ou moins mystérieux. Au milieu de la terrasse, une horloge solaire indiquait avec précision les divisions du temps. Un petit hangar avait même été prévu pour abriter tous ces délicats appareils en cas de mauvais temps ." |
"Après
avoir inspecté les lieux avec ses lieutenants, [Hulagu] ordonna
aux soldats de tout détruire, de ne plus laisser pierre sur
pierre. Sans excepter la bibliothèque. Cependant, avant d'y
mettre le feu, il autorisa un historien de trente ans, un certain
Juvayni, à s'y rendre. [...] Il put donc entrer dans ce lieu mystérieux où des dizaines de milliers de manuscrits
étaient rangés, empilés ou enroulés; au
dehors l'attendaient un officier mongol et un soldat muni d'une
brouette Ce qu'elle pourrait contenir serait sauvé, le reste
serait la proie des flammes. Il n'était pas question de lire les
livres, ni même de répertorier les titres. Sunnite fervent, Juvayni se dit que son premier devoir était de sauver du feu la Parole de Dieu. Il se mit donc à ramasser à la hâte les exemplaires du Coran, reconnaissables à leur reliure épaisse et regroupés en un même endroit. Il y en avait bien une vingtaine; il les transporta en trois voyages jusqu'à la brouette, qui se trouva quasiment pleine. Et maintenant, que choisir? [...] il s'arrêta devant un ensemble d'ouvrages consacrés aux sciences occultes et s'y plongea, oubliant l'heure. L'officier mongol qui vint la lui rappeler [...], à la main, portait une torche. Pour bien montrer qu'il était pressé, il approcha le feu d'un tas de rouleaux poussiéreux. L'historien n'insista pas, il prit dans les mains et sous les aisselles tout ce qu'il pouvait emporter, sans chercher à faire le moindre tri, et quand le manuscrit intitulé Secrets éternels des astres et des nombres lui échappa, il ne se baissa pas pour le ramasser. C'est ainsi que la bibliothèque dess Assassins brûla sept jours et sept nuits, que d'innombrables ouvrages furent perdus, dont il ne reste pas copie. On prétend qu'ils contenaient les secrets les mieux gardés de l'univers. " |