Cette surface est
d'ailleurs connue
depuis l'antiquité Grecque: Perseus est
crédité le
premier de l'étude de ses sections planes (vers 250 avant
J.-C.), et Archytas de Tarente (IV
ème
siècle avant J.-C.) y fait implicitement appel dans sa
solution de la duplication du cube!
Qu'il se fasse élément de décoration
ou
élément de maçonnerie, c'est d'abord
comme "forme
naturelle" que le tore s'introduit dans les monuments...
Le Tore Décoratif
Il est présent à la base des colonnes des
temples; plus
exactement la portion engendrée par le demi-cercle
"extérieur" vient elle border un dique plein qui soutient la
colonne; il peut d'ailleurs recevoir une décoration
à
motifs répétitifs.
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Aphrodisias (Turquie) |
Didymes (Turquie), temple
d'Apollon |
Didymes (Turquie) |
Une telle
maîtrise dans la facture témoigne qu'il s'agit de
monuments relativement tardifs - III
ème
siècle avant J.-C. pour Didymes, II
ème
siècle avant J.-C. pour Aphrodisias; on pourra
vérifier que dans les temples "archaïques" du V
ème
siècle avant J.-C. (Ségeste, Agrigente en Sicile,
par
exemple), le fût est posé à
même le sol. En
revanche, la colonne Romaine adoptera ce style de base.
Et bien sûr, c'est la forme idéale pour un bracelet... témoin, ce superbe exemple, d'origine Carthaginoise.
Musée du Bardo, Tunis
Les Voutes Toriques
De la
Grèce à Rome
Cette fois, place à un tore géant! Le plus ancien
site nous vient du Monde Grec, à
Milet, patrie de Thalès (aujourd'hui en
Turquie);il est plus que probable que les
couloirs de circulation situés
en dessous,
dont le
plafond constitue naturellement un demi-tore, proviennent
de la
transformation Romaine ( II
ème
siècle après J.-C.) du site
créé au III
ème
siècle avant J.-C. En effet, l'accès aux
théâtres Grecs se faisait toujours
extérieurement,
par les gradins; ces
vomitoriums,
ou
vomitoires,
sont une invention des Romains.
Milet (Turquie): aspect
général du théâtre
Milet: les
couloirs, vue intérieure
Milet: les
couloirs, vue supérieure
On retrouvera la
même forme de
voute dans les théâtres Romains, qui conservent le
plan en
demi-cercle hérité de la Grèce (sans
toutefois
s'adosser à une colline, comme on le voit ci-dessous).
Rome (Italie):
théâtre de Marcellus (13 avant J.-C.)
On observe nettement,
à droite, la section semi-circulaire engendrant le (demi-)
tore par rotation. Le théâtre a un
diamètre (extérieur) de 111m, tandis que cette
galerie est large de 2 à 3m: notre qualificatif de tore
géant n'est donc en rien usurpée!
À titre de comparaison, puisque les
accélérateurs de particules ont une chambre
torique (mais bien moins facile à visiter...), le
Cosmotron,
premier synchrotron construit (1953) avait un diamètre
de 23m environ (anneau); celui de la section était
de quelques dizaines de centimètres. Bien sûr, on
a fait beaucoup plus grand depuis: anneau du CERN à
Genève (diamètre de 8,6 km) mais l'ordre de
grandeur est comparable à l'ESFR de Grenoble
(diamètre 320m).
[voir une
liste
des accélérateurs]
On peut aussi comparer au plus grand tokamak actuel, le JET (
Joint
European Torus,
le titre est on ne peut plus explicite) dont les deux rayons sont 2,96m
et 1,25m... (en n'oubliant tout de même pas que le record
visé par tous ces beaux appareils concerne
l'énergie, pas la taille!)
la chambre torique du
Jet, vue de l'intérieur:
cliché EDF-JET mis à disposition de
Wikipédia
Le
"Problème"
des Amphithéâtres... encore!
Et si on remplace le théâtre circulaire par un
amphithéâtre elliptique? Retournons au
Colisée de Rome, déjà
évoqué à la page
Cylindres
&
Cônes. On peut y voir des galeries de circulation
voutées du même type. La vue centrale, malgre les
échafaudages, a au moins l'intérêt de
situer
la position de ces couloirs par rapport au cône des gradins,
partiellement reconstitué..
Rome (Italie):
intérieur du Colisée(70-80 après J.-C.)
Coupe du
Colisée montrant les vomitoires (source :
Wikipédia)
Et si nous disons que le
problème de la forme esr reposé de facto, c'est
que... si
la courbe lieu des centres des cercles (formant les sections de la
voute) est une ellipse, les exrémités des
diamètre
décriront, eux, des
courbes
paralléles à l'ellipse!
Ôtons d'emblée des illusions aux naïfs:
ce ne sont
pas des ellipses, mais des courbes de degré 8
appelées
toroïdes.
Toutefois,
si l'ellipse
a été approchée par une quadrarc de
Serlio,
c'est à dire une succession de 4 arcs de cercle, nos
couloirs
sont autant de portions toriques mises bout à bout... et le
tore
reste bien présent, pluôt que d'avoir recours
à une
surface notablement plus compliquée.
Insistons enfin sur le fait que la différence entre ellipse
et
quadrarc, mesurée sur le rayon de courbure à
l'ellipse,
n'excède pas 1,5%. Elle n'est donc évidemment pas
appréciable à l'œil nu... pour ne rien
dire sur les
"tolérances" qui sont d'usage, encore aujourd'hui, dans le
bâtiment!
Des couloirs à voute cylindrique "alimentaient" cet anneau
de
circulation. De sorte que dans un bâtiment intact, on aurait
sans
doute pu admirer une intersection tore-cylindre (courbe de
degré
8)... dont il nous semble voir une esquisse à l'endroit
fléché.
Il ne restera donc plus
qu'à découvrir... un
amphithéâtre en meilleur état. Et
le
Mathouriste recevra avec un
plaisir gourmand les suggestions de ses lecteurs, pour vous en montrer
encore plus un jour prochain!
Les Sections Circulaires du Tore: une Géométrie... à déguster!
L'image d'accueil de cette
page mettait en évidence deux familles de cercles
"immédiates", que
l'on peut appeler méridiens et parallèles, par
analogie avec la sphère
terrestre: Mais il y en a deux autres familles, moins
évidentes... pour
ne pas dire: bien cachées! On les obtient
en coupant le
tore par un plan bitangent, et c'est le
théorème de Villarceau (1848), que
Marcel Berger,
fasciné depuis son enfance par ce résultat,
vous
présente sur BibNum en commentant et
développant le minuscule article (une demi-page!) de
l'auteur.
Mais au fait, ça ressemble à quoi, une
section
bitangente ?
C'est facile... en théorie. En pratique, bonne chance, mais
vous allez forcément comprendre... ce que vous devriez
obtenir; la suite ne dépend que de votre adresse. Prenez un
superbe tore, bien appétissant, oui, celui-ci, sur le sommet
de la pile:
Puis, passez une lame de couteau à travers l'anneau, en
lui faisant toucher le beignet dessus et dessous,
comme sur
ce schéma. Vous n'avez plus qu'à couper dans
cette direction, de part en part du tore: sous vos yeux, deux cercles
sécants! (dans le plan rouge, celui de la lame) À
vous de jouer...
Quel rapport avec le tourisme et l'architecture? De tels cercles sont
visibles sur l'escalier en colimaçon du Musée de
l'Œuvre Notre Dame, à Strasbourg (attenant
à la Cathédrale).
Et ce qui est hautement remarquable, c'est que cette sculpture a
été réalisée par Thomas
Uhlberger, vers 1580: l'artiste a
précédé le mathématicien!
Yvon
Villarceau (1813-1883) était essentiellement un
astronome. On ne sera donc pas surpris de trouver la rue qui lui rend
hommage, à Paris, à proximité de
celles dédiées à Copernic et
Galilée.
Un inconscient a
garé son scooter sous la plaque, exposant ses pneus
aux lames avides d'expériences
géométriques amusantes...
En guise de conclusion...
Terminons sur une question pratique: vous ne savez sûrement comment ranger vos tores... Aussi, le
le
Mathouriste a
déniché pour vous la solution idéale, à
Istanbul (où avaient déjà été
photographiés les tores proposés ci-dessus à
vos couteaux):