Mais il ne reste que le
"cœur"
de l'ensemble, le reste est disparu ou envahi par la
végétation...
Pour s'en faire une idée dans son
état
d'origine, le mieux est encore d'en voir le
plan-relief (et
quelques uns de ses semblables!) au
Musée
des
Beaux-Arts de Lille; d'autres sont au
musée
de l'Hôtel des Invalides (pour en savoir plus sur
l'art des
polygones appliqué à l'art de la
défense...) . Voici quelques images lilloises du
Mathouriste;
vous pourrez en trouver
d'autres
sur le
site
d'un étudiant anglais, consacré aux
places-fortes.
La Citadelle de Lille,
sa position par rapport à la ville: plan relief au 1/600ème
(1668)
Sébastien Le
Prestre, marquis de Vauban (1633-1707), ingénieur et
architecte militaire.
Buste en plâtre par Claude-François Attiret (1777)
Avec Vauban, la géométrie se fait
outil de l'ingénieur, et la démarche,
systématisée, trouve son apogée dans
la rédaction de traités; les gravures
d'illustration soulignent l'aspect géométrique
des fortifications et les instruments: règle, compas...
Le pentagone y est fréquemment
représenté...
le
bastion pentagonal était "théorisé"
dans l'art de
la fortification
On le trouvera
même, plus insolite... parmi les attributs
allégoriques de l'ingénieur! Il cumule dans son
vêtement tous les systèmes de défense
géométrisés,
que l'on retrouve aussi dans une présentation ludique de
l'époque.
Gravure de Nicolas III
Larmessin (1695)
Le Jeu des
Fortifications, par Gilles de la Boissière,
ingénieur de Louis XIV (1699)
Ce jeu était aussi un outil d'apprentissage pour les élèves du... Collège Louis-le-Grand!
Et de fait, il y eut d'autres réalisations:
comme nous l'apprennent les plans
anciens ci-dessous, la Citadelle d'Arras suivait elle aussi un plan
pentagonal, ou décagonal si l'on prend en compte la
légère concavité, qui transforme
chaque
côté en ligne brisée avec un angle
quasiment plat,
où viendra s'inscrire une nouvelle petite pointe. En
fait, c'est ce qu'attestent les images suivantes!
Plan d'Arras , avec sa
Citadelle...
...une forme
déjà présente dans un
Traité de
fortification, XVIème
siécle!
et
recréée, de façon
éphémère, dans un labyrinthe
végétal de maïs à Beaurains,
près d'Arras
( voir une information
sur ce "happening végétal", qui semble changer
tous les ans!)
Pour finir sur ce registre militaire, la ville de Neuf-Brisach,
fortifiée selon un système octogonal, semblait
posséder des bastions pentagonaux. (image sur
ce
site)
N.B: les documents photographiés proviennent de l'exposition
"La Ville Forte dans
tous ses États" ,
présentée à Lille à
l'automne 2007 par les Archives du Nord, dans le cadre de
l'année Vauban.
Le
deuxième exemple est assez curieusement
ignoré d'Hermann Weyl: il s'agit d'un
palais
des Farnese dû à l'architecte
Jacopo
Barozzi da Vignola , vers le milieu du XVIe
siècle. Faute de l'avoir visité (c'est possible,
voir
ici), le
Mathouriste
emprunte cette jolie gravure... d'ailleurs, sauf à le
survoler en hélicoptère, il ne doit
être guère aisé d'en
appréhender la forme au ras du sol!
Palais Farnese de Caprarola (Lazio)
Le troisième exemple
est de petite taille, mais
très
original dans son genre: c'est la sépulture du
poète
et révolutionnaire Cubain
José
Marti
(1853-1895,... mais si, vous le connaissez tous: les
paroles
de
l'immortelle
Guantanamera,
c'est lui! Il a
écrit beaucoup d'autres
poésies
). Le
monument dédié à sa mémoire
dans le
cimetière de
Santiago de Cuba est - curieusement!-
hexagonal
et
plutôt massif. Oublions le... et voyons
à
l'intérieur. Et là, bien sûr, le
Mathouriste
redevient le photographe!
Pentagones et Décagones décoratifs
Antiquité
L'exemple le plus ancien
qu'ait pu
voir le
Mathouriste
est ce vase Grec où le bouclier d'un guerrier montre une
division du cercle en 10, sans doute réalisée
empiriquement (il y a une petite maladresse)
Musée
Archéologique,
Palerme (Sicile)
Plus près de
nous, cet autre bouclier d'époque romaine a reçu
un cloutage pentagonal
Musée
Archéologique, Abbaye Saint-Germain (Auxerre)
Civilisation
arabo-musulmane
C'est, de loin, elle qui lui a fourni, jusqu'à
présent, le
plus d'exemples. Commençons avec un grand motif
décagonal en carreaux sur fond de stuc
Mausolée
d'Oljeitu,
Soltanieh (Iran)
Il n'est jamais facile
pour le
décorateur d'introduire des
motifs pentagonaux réguliers dans une mosaïque, car
il est
impossible de paver le plan à l'aide de ceux-ci seulement...
toute l'habileté consiste alors à intercaler
judicieusement quelques quadrilatères "ça et
là" :
admirez deux résultats possibles, mariant des
pentagones
et des étoiles à 10 branches: D5
et D10
sur la même figure!
:
Mosquée du Vendredi, Isfahan
(Iran)
Mausolée d'Oljeitu,
Soltanieh (Iran)
C'est aussi le cas dans ce
pavillon
dont vous avez fait la connaissance dans la page consacrée
aux
miroirs d'eau
Palais des 40 Colonnes
à Isfahan (Iran)
Il est
intéressant
d'observer que cet agencement des motifs se retrouve à
l'identique sur ce travail de marquetterie...
Coffre Turc en bois et
nacre
(Musée du Louvre, Paris)
...dans un (unique!)
panneau décoratif du Fort Rouge d'Agra...
Un
détail du Fort Rouge, Agra (Inde)
...ou dans ces
mucharabiehs
(à
gauche; un autre exemple décagonal,
légèrement
différent, à droite) de l'Inde Moghole, qui se
rattache
à cette culture, puisque l'
Empire
Moghol
fut fondé en 1526 par
Babur,
descendant de Tamerlan: c'est ainsi qu'arrive en Inde la tradition de
la décoration islamique d'Asie Centrale.
Jaïpur,
City Palace (Inde): vue générale et
détail des motifs
Non loin d'Agra, le
mausolée d'
Akbar
(1542-1605) offre lui aussi, sur sa façade, une profusion de
motifs combinant pentagones et décagones (ou
les étoiles correspondantes).
L'effet de symétrie décorative est
renforcé par la présence de panneaux à
symétries D
6, D
12 ou R
4. Noter l'énigmatique
rupture de symétrie qui place sur le portail, en
haut, un motif
D6 à gauche et
D5 à droite.
Mausolée
d'Akbar, Sikandra (Inde)
On retrouvera enfin des
étoiles à cinq branches (et
d'autres à six) dans ces muqarnas ; la décoration florale
supplémentaire est caractéristique de l'Inde du Nord.
Jaïpur, City
Palace (Inde)
Il est encore possible
d'organiser une figure autour d'une
étoile à 10 branches... mais avec une
symétrie
générale d'ordre 4, et de plus petits motifs
d'ordre 8.
Mosquée du
Vendredi, Isfahan
(Iran)
Plus difficile
à trouver sur
des églises? Pas impossible, cependant! L'influence
musulmane
est particulièrement marquée à la
cathédrale de Monreale, près de Palerme (deux
siècles d'occupation ont laissé des traces dans
l'art de
vivre en Sicile); un beau motif pentagonal peut être vu
à
l'extérieur, sur l'abside... mais il demeure en unique
exemplaire, et logé dans un "recoin"...
Cathédrale de
Monreale,
Palerme (Sicile)
Entre Orient et Occident, il y a aussi l'île de Rhodes... C'est dans le
château de la ville, et plus
précisément sur des
mosaïques, qu'on retrouvera des étoiles
à cinq
branches. C'est intéressant en soi, mais observons mieux: elles sont... assemblées en une couronne
répétant 20 fois le motif
! On double encore le nombre de côtés du décagone ;
c'est donc une symétrie dérivée de la
symétrie pentagonale, qu'on pourra assimiler à
R20 plutôt que D
20,
compte-tenu de l'entrelacement dessus/dessous de la "tresse" dans laquelle s'inscrivent les étoiles. Ce qui en fait le
seul exemple Rn de cette page, et une authentique rareté.
Rhodes (Grèce)
On sait que les Croisés
empruntèrent largement aux arts et techniques des pays
d'Islam
qui furent le théâtre de leurs
opérations. D'une
symétrie décorative pentagonale rare, mais
présente dans leurs bâtiments, faut-il penser
qu'ils ont
copié l'existence, la rareté... ou qu'il n'y a
qu'une
simple coïncidence? Voici, en tout cas, un
témoignage sur
place!
Retour à l'Europe!
Un trait
formidable du
Mathourisme
(activité de
Mathouriste),
c'est de visiter un endroit avec une idée bien
précise en tête... et d'y faire la rencontre
imprévue d'autres émotions que celles avec qui
l'on avait rendez-vous. Parti à Auxerre sur les traces
de
Fourier,
le
Mathouriste a
eu la surprise d'y faire deux rencontres de première
importance pour cette page!
Nous retrouvons à
l'abbaye
Saint-Germain ce motif pentagonal, en 3 exemplaires; de plus,
la symétrie D5 donne le ryhtme général
du grand cercle; il se mélange avec goût
à des motifs ternaires qui habitent chacune des 5 "branches"
de l'étoile. (Noter aussi la présence, en
complément, de plus classiques motifs D4, et dans deux
positions se déduisant l'une de l'autre par une rotation de
45°)
Cloître de
l'Abbaye Saint-Germain, fin XIIIéme
siècle, Auxerre (Yonne)
Le deuxième
édifice religieux important de la ville, dont la
construction s'étala sur près de trois
siècles (notamment en raison de la Guerre de Cent Ans), est
la
cathédrale
Saint-Étienne,
qui servit partiellement de
modèle pour l'abbaye Saint-Germain. La rosace a la
symétrie décagonale, avec un motif central
entouré
de deux pentagones enlacés, et une complétion par
des
motifs ternaires et quaternaires.
Cathédrale
Saint-Étienne, XIIIéme-XVéme
siècle,
Auxerre (Yonne)
Il y a toutefois
beaucoup plus
extraordinaire, et dans les
deux
monuments! La voute de l'abside s'y organise en étoile
décagonale. Presque régulière dans la
cathédrale Saint-Étienne (mais ne peut-on penser
que
l'intention était de faire le plus régulier
possible,
tout en tenant compte des contraintes de raccordement aux trois murs
rythmés par leurs vitraux), elle atteint une perfection
à
couper le souffle à Saint-Germain. Qu'on en juge!
Cathédrale
Saint-Étienne, Auxerre (Yonne)
Église de
l'Abbaye Saint-Germain, Auxerre (Yonne)
C.Q.F.D. !
Crypte
de
l'Abbaye Saint-Germain, Auxerre (Yonne)
Toujours mieux? À la verticale exacte de la
précédente, la crypte offre la même
figure! (les
photos y sont interdites... il faut donc ici se contenter d'une carte
postale...) Évidemment, on ne peut qu'inviter le
visiteur
virtuel de cette page à se transformer en visiteur bien
réél de ce monument, exceptionnel à
bien des
titres. Pour ce qui nous occupe ici, à savoir la voute
décagonale, il n'y en aurait selon les guides de l'abbaye
que trois
exemplaires connus en Europe: deux à
Auxerre,... et un autre en Allemagne (mais où? Le
Mathouriste
n'a pu l'apprendre. Un quatrième candidat pourrait se situer
en Espagne, hélas, même flou...).
Conclusion... provisoire?
Reste un certain mystère dans le peu d'engouement des
artistes
pour la symétrie d'ordre 5. En effet, d'une part la
construction
du pentagone est connue depuis les
Eléments
d'
Euclide,
d'autre
part -et Weyl ne manque pas de le remarquer- cette symétrie
est
de loin
la
plus fréquente chez les fleurs! L'observation de
la
nature cesserait-elle soudain d'être source d'inspiration?
Flore
Pyrénéenne, près de Gavarnie:
Gentianes Printanières (à gauche), ? (à droite)
Sur le portail du mausolée d'Akbar à
Sikandra, au moins, les décorateurs ont retenu la
leçon de la nature, en plaçant des fleurs
à symétrie pentagonale au centre d'autres fleurs
à symétrie hexagonale!
On reste en outre dans l'attente de la
découverte d'une utilisation de la symétrie R5 ou
R10...