Le Bâtiment, les Instruments


Le Bâtiment

   Initiative d' Ulugh Beg, l'observatoire a été construit -en tout cas achevé- en 1428; auparavant l'activité  astronomique se faisait à la medersa.  Les documents d'époque attestent qu'il était de forme circulaire (diamètre: 48m), et haut de trois niveaux : un rez de chaussée et deux étages (45m).


La représentation ci-dessous exagère un peu la hauteur par rapport au diamètre, mais respectele nombre d'étages... si l'on observe bien sur la coupe qu'il y a deux fenêtres superposées dans chaque niveau.



On trouvera ici une photo des fondations mettant bien en évidence le plan circulaire.

Le Quadrant

   Le tableau (XXème siècle!) suivant, qui illustre la phase de construction, met en vedette son imposant quadrant fixe (rayon: 40m). Orienté très précisément selon le méridien du lieu, il était gradué en degrés et minutes, et permettait une mesure précise de la hauteur du soleil sur l'horizon, ou plus généralement  d'une étoile ou d'une planète au moment ou sa trajectoire coupait le plan du méridien.
C'est grâce à cet instrument que put être réalisée la mesure, remarquablement précise, de l'obliquité de l'axe terrestre sur le plan de l'écliptique (plan de l'orbite terrrestre autour du soleil), comme on le verra dans la partie suivante.



Ce quadrant était partiellement enterré, comme le montre la coupe présentée plus haut, ou le timbre émis en 1994 pour le 600-ème anniversaire de la naissance d'Ulugh Beg



que l'on trouvera sur le très complet site Images of Mathematicians on Postage Stamps (Jeff Millner).

   Le Principe du quadrant est ancien, puisque décrit dans l'Almageste par  Claude Ptolémée  (~85 - ~165), avec des croquis explicatifs repris  dans la référence ??? de la bibliographie. Ptolémée ne semble pas en avoir supervisé, de près ou de loin, la réalisation pratique. De toutes façons, les instruments d'observation des astronomes  des époques hellénisitique et romaine étaient portatifs, et en tout état de cause de petite taille.( un quadrant, son utilisation sur le site du département d'Histoire des Sciences de l'Université de Cambridge))
   L'invention du quadrant mural fixe est à porter au crédit d'Al Battani (~850 - 929), auteur d'autres appareils -dont un tube d'observation, véritable lunette à laquelle ne manquaient que... les lentilles (ce qui permettait tout de même de concentrer le regard sur l'objet observé, et qu'il avait conçu pour scruter l'apparition sur l'horizon du premier croissant de lune). Un quadrant de 6m de rayon environ avait été construit à Bagdad et utilisé par Abu-al-Wafa (940-998)., vers 990. Il devait rester un instrument privilégié des astronomes jusqu'à l'invention des lunettes et téléscopes au XVII-ème siècle;  l'image célèbre du  quadrant de Tycho Brahé  est la preuve de son utlisation  jusqu'au point culminant de l'observation à l'oeil nu qu'est l'oeuvre de l'astronome danois.

Observatoires: Ancêtres et Successeurs.

   Deux observatoires en Orient méritent l'attention,  car ils préfigurent celui de Samarcande.
D'abord, celui de Rayy (près de Téhéran), construit sur le même principe d'un cadran semi-enterré, comme le montre le croquis ci dessous, tiré de la référence bibliographique [RA1]. Une telle disposition favorisait, à l'évidence, une taille maximale de l'arc de cercle tout en évitant la construction d'un bâtiment trop élevé.




Une petite ouverture dans le toit laissait passer un rayon solaire; lors du passage du soleil au méridien, un disque de 18cm de rayon se formait sur l'arc de lecture, son centre indiquant l'inclinaison solaire sur l'horizon. Un degré d'arc correspondait à environ 35cm, il avait donc été possible de le graduer en 360 parties, chacune représentant 10" d'arc.
Grâce à ce quadrant, Al-Khujandi (~940-1000) avait évalué, en 994, l'obliquité de l'écliptique à 23°32'19".

   Le second est l'observatoire de Maragha qui servit de modèle à celui de Samarcande.



Edifié entre 1259 et 1263, dans le Nord-Ouest de l'Iran, il était justement renommé par le très haut niveau de ses astronomes: son directeur Nasir al-din al-Tusi  (1201-1274), qui avait su convaincre le prince Mongol Hulaghu Khan de financer le projet,  et al-Urdi (mort en 1266) pour la conception des  instruments.
Al-Tusi avait conçu un programme d'observations de 30 ans, de façon à observer une révolution complète de Saturne, la plus éloignée des cinq planètes du sstème solaire alors connues; il fut ramené à 12 ans, période d'une révolution de Jupiter. En activité connue jusqu'en 1316, il était en ruines en 1350... Toutefois, Ulugh Beg l'aurait visité dans sa jeunesse..
On trouvera sur le site http://nineplanets.org/ une  liste des instruments  et de leurs inventeurs; ce seront les mêmes d'Al-Tusi (Maragha) à Tycho Brahé (Uraniborg) , en passant par Ulugh Beg et son observatoire de Samarcande. Il est tout à fait remarquable, à titre d'exemple, que le quadrant azimuthal de Tycho, le premier à être construit à Uraniborg en 1576, soit une invention d'Al-Tusi! Plus concrètes encore dans la ressemblance entre l'outil et la réalité (supposée), les sphères armillaires inventées par Hipparque (190 av JC, 120av JC) y occupaient également une place non négligeable.

   Maragha et Samarcande seront les modèles des derniers grands observatoires sans téléscopes: Istanbul en Turquie(XVI-ème siècle) et Jaïpur en Inde (Jantar Mantar, XVIII-ème siècle; autre lien 1, autre lien 2).
   Les observatoires chinois ont eux aussi subi l'influence de l'observatoire de Maragha: dès 1267, des plans d'instruments sont envoyés en Chine, par la Route de la Soie. Entre 1272 et 1279, l'astronome Gua Shoujing réorganise l'observatoire de Pékin pour en faire un équivalent de Maragha; celui de Nankin lui est aussi très similaire. Mais ceux que l'on peut y voir aujourd'hui (PékinNankin, et des clichés de détail)  sont dûs à l'apport des jésuites dans ce pays aux XVI-ème et XVII-ème siècles; il s'agissait de copies des instruments de Tycho Brahé.

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