Mais...
quelle réalité pour cette image?
Il est des images fixes comme du cinéma: souvent, partant de
faits authentiques, on romance, on enjolive. Essayons donc de
démêler allégorie et réalité, autant
que faire se peut.
La scène est située sous les arcades de la Place Royale, aujourd'hui Place des Vosges: on la reconnait sans peine.
Le titre
révèle le fond de l'affaire: cette rencontre de
mathématiciens... est en priorité une rencontre de
physiciens (les deux métiers ne se sépareront qu'au XX
ème
siecle)! Le sujet en est le vide, sur lequel Descartes et Pascal n'ont
pas les mêmes vues. Descartes vit à l'époque en
Suède, et on peut dater avec certitude leur confrontation: les
23 et le 24 septembre 1647. Par contre, la rencontre eut lieu au
domicile familial des Pascal. Quant aux protagonistes.... nulle trace
attestée de Desargues, présent à Paris de 1630
à 1648, ni, et c'est bien plus étonnant, de Mersenne.
Pourtant, Descartes et Mersenne s'étaient rencontrés
dès 1625, et correspondent régulièrement.
Mersenne est une véritable plaque tournante épistolaire
entre les savants de son époque: Blaise et son père
Etienne, Desargues, fréquentent son Académie. Et la
question du vide intéresse Mersenne au plus haut point; il ne
cesse de relayer informations et controverses de l'un à l'autre.
Il serait donc logique qu'il soit d'une rencontre aussi
exceptionnelle: après son départ pour la Hollande, puis
la Suède, Descartes ne fera que trois voyages à à
Paris (1644, 1647 et 1648). En revanche, est présent un autre
acteur important de ces discussions scientifiques, membre de
l'Académie de Mersenne:
Gilles Personne de Roberval
(célèbre pour la balance qui porte son nom, application
directe de sa physique des forces, mais aussi bon
géomètre et l'un des srpt fondateurs de l'Académie
Royale des Sciences en 1666).
Les faits historiques,
nous en devons le peu qu'on en sait à un échange
épistolaire entre les sœurs de Pascal, de Jacqueline
à Gilberte.
[M.P.FAUGERE,
Lettres,
Opuscules et Mémoires de Madame Périer et de Jacqueline,
sœurs de Pascal, et de Marguerite Périer, sa nièce. (Vaton, 1845) ,
disponible sur Gallica]
"À Paris, ce mercredi 25 septembre 1647,
Ma très chère sœur,
J'ai différé à t'écrire, parce que je voulais te mander tout au long l'entrevue de M.Descartes et de mon frère, et je n'eus pas le loisir hier de te dire que dimanche au soir, M. Habert vint ici accompagné de M. de Montigny de Bretagne,qui me venait dire (au défaut de mon frère, qui était à l'église) que M.Descartes, son compatriote et intime ami, lui avait fort témoigné avoir envie de voir mon frère, à cause de la grande estime qu'il avait toujours ouï fair e de M. mon père et de lui, et que pour cet effet il l'avait prié de venir voir s'il n'incommoderait point mon frère (parce qu'il savait qu'il était malade) en venant céans le lendemain à neuf heures du matin. "
Pour "ne pas incommoder" Blaise, on transige sur l'horaire,
et Jacqueline énumère les personnes présentes
ce Lundi:
" ...nous
arrêtâmes qu'il viendrait à dix heures et demie le
lendemain ce qu'il fit avec M.Habert, M.de Monligny, un jeune homme de
soutane que je ne connais pas, le fils de M.de Montigny et deux ou
trois autres petits garçons. M. de Roberval, que mon
frère en avait averti, s'y trouva; et là, après
quelques civilités, il fut parlé de l'instrument, qui fut
fort admiré tandis que M.de Roberval le montrait."
" Ensuite on se mit sur le vide, et M. Descartes avec un grand
sérieux, comme on lui contait une expérience et qu'on lui
demanda ce qu'il croyait qui fût entré dans la seringue,
dit que c'était de sa matière subtile; sur quoi mon
frère lui répondit ce qu'il put, et M. de Roberval,
croyant que mon frère avait peine à parler, entreprit
avec un peu de chaleur M.Descartes (avec civilité pourtant), qui
lui répondit avec un peu d'aigreur qu'il parlerait à mon
frère tant que l'on voudrait, parce qu'il parlait avec raison,
mais non pas à lui, qui parlait avec préoccupation; et
là-dessus, voyant à sa montre qu'il était midi, il
se leva parce qu'il était prié de dîner au faubourg
Saint-Germain, et M.de Roberval aussi, si bien que M. Descartes
l'emmena dans un carrosse où ils étaient tous deux
seuls, et là ils se chantèrent goguettes, mais un peu
plus fort que jeu, à ce que nous dit M.de Roberval, qui revint
ici l'après-dînée"
Bref, Pascal et Descartes se parlèrent peu ce jour-là;
reste une scène cocasse qui semble bien amuser Jacqueline, pour
le début qu'elle en a vu ... et la suite, qui n'eut
pas d'autre témoin que le carrosse. Passons au mardi:
"J'avais
oublié à te dire que M.Descartes, fâché d'avoir si peu été céans,
promit à mon frère de le venir revoir le lendemain à huit heures. M.
d'Alibray, à qui on l'avait dit le soir, s'y voulut trouver, et fit ce
qu'il put pour y mener M.Lepailleur, que mon frère avait prié d'avertir
de sa part; mais il fut trop paresseux pour y venir [...] M.Descartes
venait ici en partie pour consulter le mal de mon frère, sur quoi il ne
lui dit pas pourtant grand'chose, seulement il lui conseilla de se tenir
tous les jours au lit jusques à ce qu'il fût las d'y être, et de
prendre force bouillons. Ils parlèrent de bien d'autres choses, car il
y fut jusques à onze heures mais je ne saurais qu'en dire, car pour hier
je n'y étais pas, et je ne le pus savoir"
Le mystère de leur échange demeure donc. Pascal parla de
théologie... mais avec Roberval, et, puisque courrier il y eut,
l'absence de Mersenne est confirmée, à défaut
dêtre expliquée:
"Lundi, [Blaise] parla
fort toute la journée, le matin à M. Descartes et l'après-midi à M.
Roberval, contre qui il disputa longtemps touchant à beaucoup de choses
qui appartiennent autant à la théologie qu'à la physique [...] Mon
frère écrivit au Père Mersenne l'autre jour pour savoir de lui quelles
raisons M. Descartes apportait contre la colonne d'air [...]Je lus
pourtant que ce n'était pas M. Descartes (car au contraire il la croit
fort, mais par une raison que mon frère n'approuve pas), mais M. de
Roberval qui était contre. "
Complément Touristique... et Physique!
C'est en raison des expériences liées à cette
controverse que Pascal est statufié sous la Tour Saint-Jacques
à Paris; c'est donc le Physicien qui y est
représenté, mais le
Mathouriste
ne va faire ni sectarisme déplacé, ni
schizophrénie abusive: les mânes de Pascal et Descartes
pourraient fort bien se trouver d'accord pour l'en blâmer! Promis,
il vous parlera plus loin de
Pascal mathématicien ... Promenons nous donc en touristes dans la Physique, pourquoi pas!
Une petite chronologie ne sera peut-être pas inutile pour saisir comment tout cela interfère avec la scène qui nous occupe:
- 1630: Galilée constate, et les fontainiers le confirment
par leur expérience: une pompe ne peut faire monter l'eau au
delà d'une hauteur fixe (10,33m), indépendante du
diamètre du dispositif et du lieu.
- 1644: Torricelli et Viviani construisent le premier
baromètre: le mercure remplace l'eau, la hauteur limite passe
à 76cm.
- 1644-45: Mersenne voyage en Italie. Il ne réussit pas à extorquer tout ce qu'il souhaiterait à Torricelli ("Ces Messieurs Italiens sont si reservez qu'on ne peut rien voir de leurs ouvrages"), mais il a vu l'expérience...
- 1645: .... et,à peine rentré, se
dépêche de la communiquer à tous ses
correspondants, dont Pierre Petit, ami d'Etienne Pascal.
- 1646: Pierre Petit, de passage à Rouen, refait l'expérience de Torricelli devant les Pascal père et fils.
Expérience de Torricelli, à voir en détail sur U-Tube
(instantané: le tube plein de mercure est retourné sur la cuve)
- 1647, Septembre: rencontre Pascal-Descartes.
- 1647, Octobre: Pascal publie un petit fascicule exposant ses idées sur le vide.
- 1647, Novembre: Pascal écrit à son
beau-frère, Florin Périer, pour lui demander d'effectuer
l'expérience à Clermont-Ferrrand et au Puy de
Dôme.
- 1648, Septembre: enfin, Périer peut envoyer son compte-rendu... Mersenne vient de mourir, trois semaines avant.
Joseph Bertrand, dans son
Blaise Pascal,
évoque la scène à la tour Saint-Jacques comme
une tentative non probante, qui détermine Pascal à
entreprendre la célèbrissime expérience au Puy de
Dôme:
"Une première expérience faite à Paris, sur la tour Saint-Jacques, dit-on, peut-être suivant des conjectures plus récentes, sur l'une des tours Notre-Dame, ne lui parut pas entièrement concluante; la dépression de la colonne était trop faible et de même ordre que les variations observéesd'un jour à l'autre;il pria Perier son beau-frère, d'observer la colonne le même jour à Clermont et sur le sommet du puy de Dôme."
N.B.: la tour est tout ce qui reste de l'
église Saint-Jacques de la Boucherie,
détruite en l'an V de la Révolution. La date de
réalisation de l'œuvre de Cavelier tord le cou à la
légende selon laquelle la tour n'aurait été
sauvegardée qu'en raison de la présence de la statue de
Pascal et en souvenir de son expérience... certes, pas besoin de
la statue pour la considérer comme un haut-lieu scientifique!
Une clause de la vente à un industriel qui fit une
carrière de l'ancienne église s'opposait à ce
qu'on touchât à la tour. En 1836, un archéologue
réussit à convaincre Arago de son importance, et ce
dernier pesa avec succès pour que la tour devienne
proprriété de la Mairie de Paris.
Pour en savoir plus sur l'histoire de la tour :
En lisant les textes sources
Acte I: Pascal confirme lui-même comment il a découvert l'expérience:
"Cette expérience ayant été mandée de Rome
au R.P . Mersenne, minime à Paris, il la divulgua en France en
l'année 1644, non sans l'admiration des savants et curieux, par
la communication desquels étant devenue fameuse de toutes parts,
je l'appris de M. Petit, Intendant des Fortifications, et très
versé en toutes les belles lettres, qui l'avait apprise du R.P .
Mersenne lui-même. Nous la fîmes donc à Rouen, le
sieur Petit et moi, de la même sorte qu'elle avait
été faite en Italie, et trouvâmes de point en point
ce qui avait été mandé de ce pays-là, sans
y avoir pour lors rien remarqué de nouveau."
Acte II: Pascal publie son petit livret (noter la dédicace à son père).
C'est là que nous avons tiré l'extrait précédent; son avertissement aussi est savoureux:
Mersenne, comme à son habitude, s'active auprès de tout
ses correspondants pour faire connaître le nouvel ouvrage. Il
vante l'ouvrage à toute l'Europe, ...
jusqu'à Gdansk (Pologne), auprès de l'astronome
Johannes Heweliusz (1611 – 1687) : c'est lors des études à Paris de celui-ci que Mersenne a fait sa connaissance!
Dans sa ville natale, Gdansk
La première polémique que suscite l'opuscule oppose
Pascal au... Père Noël : rassurez vous, ce n'est qu'un
Jésuite! (
artcle détaillé de O. Jouslin pour la Revue
Etudes Epistémé) Quant à Descartes, qui le reçoit via le père de Christian Huyghens, il le juge d'un peu haut
"Il me semble que le jeune homme qui a fait ce livret a le vide un peu trop en sa teste, et qu'il se haste beaucoup."
Acte III: Pascal écrit à son beau-frère Florin
Périer pour requérir son aide: le juge de paix, ce doit
être le Puy de Dôme!
Admirons la roublardise de l'entame...
"Monsieur,
Je n'interromprais pas le travail continuel où vos
emplois vous engagent pour vous entretenir de méditations
physiques, si
je ne savais qu'elles serviront à vous délassser en vos
heures de relâche, et qu'au lieu que d'autres en seraient
embarassés, vous en aurez du divertissement. J'en fais d'autant
moins de difficulté que je sais le plaisir que vous recevez en
cette sorte d'entretien. Celui-ci ne sera qu'une continuation de ceux
que nous avons eu ensemble touchant le vide."
Et d'insister sur l'implication de son correspondant comme un prolongement de son vécu antérieur:
"Je ne saurais mieux vous témoigner la circonspection que
j'apporte avant que de m'éloigner des anciennes maximes que de
vous remettre dans la mémoire l'expérience que je fis ces
jours passés en votre présence [...]. Certainement,
après cette expérience, il il y avait lieu de se
persuader que ce n'est pas l'horreur du vide, comme nous estimons, qui
cause la la suspension du vif-argent dans l'expérience
ordinaire, mais bien la pesanteur et la pression de l'air, qui
contrebalance la pression du vif-argent."
Se convaincre soi est une chose... mais le débat est vif, il
faut convaincre les autres (terrasser les adversaires?). Il en vient
donc à son idée et à sa requête:
"Je me tiens [...] résolu néanmoins de chercher
l'éclaircissement entier de cette difficulté par une
expérience décisive. J'en ai imaginé une qui
pourra seule suffire pour nous donner la lumière que nous
cherchons, si elle peut être exécutée avec
justesse. C'est de faire l'expérience du vide plusieurs fois en
un même jour, dans un même tuyau, avec le même
vif-argent, tantôt au bas et tantôt au sommet d'une
montagne élevée pour le moins de cinq à six cents
toises. [...]"
"Mais comme la difficulté se trouve d'ordinaire jointe aux
grandes choses, j'en vois beaucoup dans l'exécution de ce
dessein, puisqu'il faut pour cela choisir une montagne excessivement
haute, proche d'une ville dans laquelle se trouve une personne capable
d'apporter à cette épreuve toute l'exactitude
nécessaire. [...] Et comme il est aussi rare de trouver
des personnes hors de Paris qui aient ces qualités que des lieux
qui aient ces conditions, j'ai beaucoup estimé mon bonheur
d'avoir, en cette occasion, rencontré l'un et l'autre, puisque
notre ville de Clermont est au peid de la haute montagne du Puy de
Dôme, et que j'espère de votre bonté que vous
m'accorderez la grâce d'y vouloir faire vous même cette
expérience; et sur cette assurance, je l'ai fait espérer
à tous nos curieux de Paris, et entre autres au R.P. Mersenne,
qui s'est déjà engagé par lettres qu'il a
écrites en Italie, en Pologne, en Suède, en Hollande,
etc. d'en faire part aux amis qu'il s'y est acquis par ses
mérites."
Voilà le destinataire investi à la fois d'une
immense confiance et d'une responsabilité internationale.
Comment serait-il possible de refuser? C'est ce qui s'appelle
savoir manœuvrer son interlocuteur; quel habile homme, et quel
habile épistolaire que ce Pascal! Il nous rappelle enfin le
rôle central de Mersenne dans ce débat.
Acte IV: Descartes revendique la paternité de l'idée du Puy de Dôme!
En Décembre, deux mois après la rencontre au cours de laquelle
"on se mit sur le vide", il écrit à Mersenne:
"J'avois averti M. Pascal d'expérimenter si le vif-argent
montoit aussi haut, lorsqu'on est au dessus d'une montagne, je ne scay
s'il l'aura fait"
Deux ans plus tard, il écrit à un autre correspondant,
Carcavy (autre habitué de l'Académie de Mersenne):
"Je me promets que vous n'aurez pas désagréable que je vous prie de m'apprendre le succès d'une expérience qu'on me dit que M. Pascal avait faite, ou fait faire, sur les montagnes d'Auvergne. J'aurais le droit d'attendre cela de lui plutôt que de vous, parce que c'est moi qui l'ai avisé, il y a deux ans, de faire cette expérience, et qui l'ai assuré que, bien que je ne l'eusse pas faite, je ne doutais pas du succès, mais parce qu'il est l'ami de M.de Roberval qui fait profession de n'être pas le mien, et que j'ai déjà vu qu'il a déjà tâché d'attaquer ma matière subtile dans un certain imprimé de deux ou trois pages, j'ai lieu de croire qu'il suit la passionde son ami."
L'imprimé de deux ou trois pages, c'est évidemment
l'opuscule des"Nouvelles Réflexions", envers lequel le
procédé de style marque un mépris plus que
certain... La rancune tenace vis à vis de Roberval semble ne
rien arranger!
Acte V: "lettre de Monsieur Périer à Monsieur Pascal le Jeune, du 22 Septembre 1648":
"Monsieur,
Enfin j'ai fait l'expérience que vous avez si longtemps
souhaitée. Je vous aurais plus tôt donné cette
satisfaction; j'en ai été empêché, autant
par les emplois que j'ai eus en Bourbonnais, qu'à cause que,
depuis mon arrivée, les neiges et les brouillards ont tellement
couvert la montagne du Puy de Dôme où je devais la
faire, que, même en cette saison qui est ici la plus belle de
l'année, j'ai eu peine à rencontrer un jour où
l'on pût voir le sommet de cette montagne, qui se trouve
d'ordinaire au dedans des nuées, et quelquefois au dessus,
quoiqu'en même temps il fasse beau dans la campagne; de sorte que
je n'ai pu joindre ma commodité avec celle de la saison, avant
le 19 de ce mois. Mais le bonheur avec laquelle je la fis ce
jour-là m'a pleinement consolédu petit déplaisir
que m'avainet donné tant de retardements ."
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Le
Puy de Dôme au mois d'Août 1980... et comme le disent les
montagnards, "le temps change vite en montagne!" La première
image est typique des jours où M. Périer était
indisponible en raison de son travail. Quant à la neige...
serait-ce l'indice d'un réchauffement climatique? En deux ans de
vie Clermontoise,le Mathouriste ne l'a pas vu si souvent sur cette montagne! |
Suit un rapport très précis: nombreux témoins
(ecclésaistiques et laïcs!), vérifcations à
des étapes intermédiaires à la montée... le
protocole scientifique est d'une qualité exemplaire. Le
lendemain, un prêtre de la cathédrale lui demande de
réitérer l'expérience au pied et en haut d'une
tour de la cathédrale Notre Dame de Clermont! (Faut-il y voir une
source de localisation indue à Notre Dame de Paris?)
Clermont-Ferrand, depuis le sommet du Puy de Dôme (Août 1980)
La cathédrale "des charbonniers" (dixunt les frères Goncourt!) est bien visible (flèche sur l'imagette)
Pour lire intégralement l'échange de lettres entre Pascal et son beau frère, rendez-vous sur Gallica:
Récit
de la grande expérience de l'équilibre des liqueurs,
projectée par le sieur B. P. pour l'accomplissement du
traicté qu'il a promis dans son abbrégé touchant
le vuide, et faite par le sieur F. P.en une des plus hautes montagnes
d'Auvergne
On appréciera pa précision: qui l'a conçue, qui l'a réalisée...
.... et la saveur de l'expression "en vue des plus hautes montagnes d'Auvergne"
D'après
ces lettres, Pascal indique lui-même avoir fait son
expérience parisienne, à la Tour Saint-Jacques, et non
à Notre-Dame . Le billet Français de 500F montrait
d'ailleurs Pascal entre la Tour Saint-Jacques, à gauche, et
le Puy de Dôme, bien reconnaissable à sa forme, à
droite (ainsi que Clermont).
Complément:
Quelques Conceptions du Vide à travers les Âges
Complément Théâtral
Revenons à la rencontre des 23 et 24 Septembre et à ses mystères: elle n'a pas
inspiré que le peintre de la Sorbonne; elle a aussi excité
l'imagination de l'écrivain
Jean-Claude Brisville, qui en a
tiré, en 1985, une pièce de théâtre:
L’Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune
Le duo de forts personnages lui va plutôt bien, puisqu'il a acquis une certaine célébrité avec
le Souper, confrontation entre Fouché et Talleyrand (1989).
Créée en octobre 1985 au Théâtre de l'Europe
dans une mise en scène de Jean-Pierre Miquel, avec Henri
Virlogeux (René Descartes) et Daniel Mesguich (Blaise Pascal),
la pièce a été reprise en 2007 au
Théâtre de l'Œuvre dans une mise en scène de
Daniel Mesguich, avec Daniel Mesguich (Descartes) et William Mesguich
(Pascal).
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in Télérama, 05/09/2009 |
texte édité |
Visionner
quelques brefs extraits.
Même si la Science n'en est pas absente, la pièce est plus
axée sur philosophie et religion... et sur les
différences d'attitude des deux personnages. C'est ce dernier
point qui intéresse l'auteur et sert de tremplin au
dialogue qu'il a librement tissé à partir de leurs
écrits, de l'histoire et de l'engagement personnels de chacun
des deux protagonistes. Si librement d'ailleurs qu'il a pris... des
libertés avec les dates: à la véritable date de
leur rencontre (1647), Pascal n'est pas encore l'exalté
religieux qu'il nous montre, et de très loin: il entre dans sa
"période mondaine"; il désapprouvera l'entrée de
Jacqueline à Port-Royal en 1651, ne connaîtra sa
crise mystique qu'en 1654, et ne prendra publiquement position en
faveur d'
Antoine Arnault et du
Jansénisme qu'un an plus tard.
C'est un texte dense, quoique
court: une seule audition ne suffit pas à tout saisir! (Il est
disponible aux Éditions Actes Sud)
DESCARTES (souriant). C'est que nous avions des choses à nous dire. (Un temps). On
m'a parlé de vos expériences, à Rouen. J'ai
moi-même réfléchi sur le Vide et je serais
intéressé par ce que vous pensez de sa nature.
PASCAL. J'ai écrit là-dessus un Traité qui est en
ce moment chez l'imprimeur , et qui répondra, je
l'espère, à votre curiosité. Si vous le permettez,
je vous le ferai parvenir sitôt sorti des presses.
DESCARTES. Je le lirai très volontiers, mais ce ne sera pas
à Paris. La reine Christine à bien voulu penser à
moi, et malgré les hivers du septentrion que je crains à
mon âge, j'ai répondu à son invite. Adressez moi
donc, je vous prie, votre ouvrage à Stockholm. Je gage qu'il
sera le sujet d'un de mes entretiens avec cette grande princesse. Elle
est savante et ne répugne point aux disputes les plus
austères.
PASCAL. J'e lui ai envoyé ma machine arithmétique; elle ne l'a peut-être pas oubliée.
[...........................................................]
DESCARTES. Eh oui, Monsieur, je
suis prudent, et quand je dis prudent.... Savez vous que j'ai
travaillé trois ans à un ouvrage où je soutenais
l'opinion de Copernic touchant au mouvement de la Terre autour du
Soleil? Or lorsque j'ai appris la condamnation de Galilée pour
avoir soutenu la même thèse, j'ai renoncé à
publier mon livre. Et cependant, tout comme lui, je suis
persuadé que la la Terre tourne autour du Soleil. Mais
cette vérité pouvant être pour moi source d'ennuis,
j'ai préféré ne pas la dire.
PASCAL. Jene vous savais pas si soucieux de votre accord avec l'Église.
DESCARTES. Elle est puissante et soupçonneuse... et je ne suis pas courageux tous les jours.
PASCAL. Cette franchise vous honore.
[...........................................................]
PASCAL. Et à quoi parviendrais-je? À une équation? Ne me faites pas rire.
DESCARTES. À une équation, en effet. À
une équation où viendraient s'éclairer en se
fondant toute les lois de l'Univers. N'est-ce donc rien, cela?
PASCAL. Ce tout vers quoi j'aspire est au delà de la mathématique.
|
Dossier de Presse de la pièce
La presse en a parlé :
« Deux hommes dissemblables, si ce n’est qu’ils sont chrétiens
tous les deux, et d’une intelligence supérieure. De quoi alimenter un
texte ciselé avec soin par Jean-Claude Brisville. On se régale à écouter
cette joute interprétée avec ferveur par Daniel Mesguich, un Descartes
qui a de la griffe et ne fait pas patte de velours face à son jeune
concurrent interprété par son fils William, ravi de conduire le duel. » Marion Thébaud, Le Figaro
« La rencontre des deux savants philosophes – dont l’admiration
qu’ils éprouvent l’un pour l’autre n’est pas feinte – n’est pas sans
provoquer de passionnants affrontements d’idées dans une perspective
entre le savoir et le croire, la raison raisonnante et le dogmatisme
sectaire. » Henri Lépine, La Marseillaise
« [Daniel Mesguich] passe le flambeau à son fils William, pour se
glisser dans le costume de Descartes. Et comme ça lui va bien ! Et
comme il semble heureux, à cette place-là, dans ce théâtre ami ! C’est
pour ce bonheur partagé, pour ce duo de virtuoses à la troublante
ressemblance qu’on aimera la pièce. » N.V.E, Le Point
et le
Mathouriste ajoute:
« J'ai eu souvent l'occasion de subir, je dis bien, j'insite: subir
les mises en scènes de Daniel Mesguich. Et de souffrir en lieu
et place de Racine ou Hugo, trop morts pour pouvoir protester. Mais
là, franchement, il est excellent, et son fils ne le lui
cède en rien. Sans la liberté de blâmer...»
Rencontres de Pierre
Pascal et Descartes n'ont cependant pas fini de se rencontrer... post
mortem. Et pas même à la Sorbonne, à commencer par
son grand amphithéâtre où tous deux figurent en
bonne place aux côtés de Sorbon, Richelieu, Lavoisiser et
Rollin
|
|
à ma gauche, Pascal... |
à ma droite, Descartes! |
et, pour suivre, dans l'amphithéâtre Richelieu, en
peinture, cette fois. Comme dans le grans amphi, il y a toujours
quelqu'un pour les séparer... Bossuet, en l'occurrence!
On les retrouve, probablement faits
par le même sculpteur, si l'on en juge par l'unité des
socles, à la Bibliothèque Sainte-Geneviève
(Paris)
Pour (Oser) Conclure: Art et Vérité Historique
Faut-il déplorer la double inexactitude du
peintre, qui ne représente pas les bons témoins, et de
l'auteur de théâtre, qui les escamote sciemment? Le
Mathouriste se garde bien de le penser. Qui songerait à reprocher au
Macbeth de Shakespeare, à l'
Andromaque de Racine, à la
Marie Tudor
de Hugo de n'être pas seulement un compte-rendu historique?
Où serait alors ce qui nous les fait apprécier comme des
chefs d'œuvre? L'auteur n'est ni un journaliste, ni un historien,
et nous n'irions pas au théâtre nous faire lire le
journal! Si, par contre, l'œuvre d'art nous invite à nous
plonger dans l'histoire et dans la science, n'est-elle pas allé bien plus loin que son but?
Le
Mathouriste
avouera humblement que rédiger ces quelques
éléments lui a apporté une salutaire clarifcation
sur l'histoire de cette controverse; il espère donc que ses
lecteurs, et particulièrement ceux qui ne sont pas scientifques
de formation, trouveront aussi quelque intérêt
à ce résumé. Qu'ils n'hésitent pas à
réagir, critiquer, compléter...En attendant, il trouvera
dans le cinéma un ultime pardon à ces torsions du
réel:
"When the legend becomes fact, print the legend".