Le petit coin de la technique: des calculs à lire ... ou à sauter! Chers lecteurs, ce sera
selon vos goûts: les cadres de cette couleur vous signaleront
quelques approfondissements complémentaires par des petits
calculs (niveau Bac ou Bac+1). Ils peuvent être sautés
sans que cela nuise à la compréhension de la
présentation géométrique.
|
"
NICOLAS SCHÕNBERG Rome, le Ier novembre 1536." |
" Je puis fort bien m'imaginer,
Très Saint Père, que, dès que
certaines gens
sauront que, dans ces livres que j'ai écrits sur les
révolutions des sphères du monde, j'attribue
à la
terre certains mouvements, ils clameront qu'il faut tout de suite nous
condamner, moi et cette mienne opinion. Or, les miens ne me plaisent
pas au point que je ne tienne pas compte du jugement des autres. Et
bien que je sache que les pensées du philosophe ne sont pas
soumises au jugement de la foule, parce que sa tâche est de
rechercher la vérité en toutes choses, dans la
mesure
où Dieu le permet à la raison humaine,
j’estime
néanmoins que l’on doit fuir les opinions
entièrement contraires à la justice et
à la
vérité.
Comme donc j’examinais ceci avec moi-même, il
s’en fallut de peu que, de crainte du mépris pour
la
nouveauté et l’absurdité de
mon opinion, je
ne supprimasse tout à fait l’œuvre
déjà achevé.[...] |
en
haut: Alexandre Farnese, quand il n'est que cardinal , par Rafaelo
Sanzio (Musée
de Naples) en bas: le même, âgé, devenu le Pape Paul III, entouré de ses neveux, par Le Titien (Musée de Naples) |
"Mais Ta Sainteté sera peut-être moins étonnée que j’ose faire paraître ces miennes méditations, après avoir pris tant de peine à les élaborer[...], que désireuse d’apprendre de moi comment il m’est venu à l’esprit d’oser imaginer – contrairement à l’opinion reçue des mathématiciens et presqu’à l’encontre du bon sens – un certain mouvement de la terre. C’est pourquoi je ne veux pas cacher à Ta Sainteté que nulle autre cause ne me poussa à rechercher une autre façon de déduire les mouvements des sphères du monde que le fait d’avoir compris que les mathématiciens ne sont pas d’accord avec eux-mêmes dans leurs recherches. " |
"Et je ne doute pas que les
mathématiciens ingénieux et
savants ne s'accordent avec moi si seulement — ainsi que la
philosophie l'exige en premier lieu — ils veulent
étudier
et examiner — non pas superficiellement mais d'une
façon
approfondie, — ce que, dans mon ouvrage, j'apporte
à la
démonstration de ces choses. Et pour que les savants et les
ignorants voient pareillement que je ne veux éviter
aucunement
le jugement de personne, j'ai voulu dédier ces miennes
recherches à Ta Sainteté plutôt
qu'à tout
autre, parce que, même dans ce coin
éloigné de la
terre où je vis,
tu es
considéré comme la personne la plus
éminente,
autant dans l'ordre de la dignité que pour l'amour des
lettres
et même des mathématiques ;
afin que, par ton
autorité et jugement tu puisses réprimer les
morsures des
calomniateurs ; quoiqu'il soit bien connu qu'il n'y a pas de
remède contre la morsure des sycophantes. |
"
AU LECTEUR SUR LES HYPOTHÈSES DE CETTE ŒUVRE |
"
CHAPITRE I Tout d'abord il nous faut remarquer que le monde est sphérique, soit parce que cette forme est la plus parfaite de toutes, totalité n'ayant besoin d'aucune jointure; soit parce qu'elle est la forme ayant la capacité la plus grande, qui convient le mieux à tout contenir et tout embrasser ; soit aussi [...] CHAPITRE
II La terre également est sphérique, car de tous les côtés elle s'appuie sur son centre." |
"
CHAPITRE IV Nous allons rappeler maintenant que le mouvement des corps célestes est circulaire. En effet, la mobilité [propre] de la sphère est de tourner en rond; par cet acte même, tandis qu'elle se meut uniformément en elle-même, elle exprime sa forme, celle du corps le plus simple où l'on ne peut trouver ni commencement ni fin, ni distinguer l'un de l'autre." |
"Quant aux autres cinq astres errants, nous les voyons même parfois rétrograder et faire des arrêts entre ces deux mouvements. Et, tandis que le soleil avance toujours sur son chemin, ceux-ci errent de façons diverses, tantôt vers le Sud, tantôt vers le Nord; c'est pourquoi aussi ils sont appelés errants (planètes). [...] Il faut néanmoins reconnaître que leurs mouvements sont circulaires ou composés de plusieurs cercles parce qu'ils exécutent ces inégalités conformément à une loi certaine et se reproduisent périodiquement, ce qui ne pourrait se faire s'ils n'étaient pas circulaires. En effet, le cercle seul peut ramener le passé [...]" |
"
CHAPITRE V [...] Certes il est admis ordinairement parmi les auteurs que la terre est en repos au centre du monde, de telle façon qu'ils estiment insoutenable et même ridicule de penser le contraire. Si cependant nous examinons cette question avec plus d'attention, elle nous apparaîtra comme nullement résolue encore et partant, aucunement méprisable. En effet, tout mouvement local apparent provient soit du mouvement de la chose vue, soit de celui du spectateur, soit d'un mouvement, inégal bien entendu, des deux." "CHAPITRE VIII [...] Pourquoi donc hésiterions-nous plus longtemps de lui attribuer une mobilité s'accordant par sa nature avec sa forme, plutôt que d'ébranler le monde entier, dont on ignore et ne peut connaître les limites ? Et n'admettrions-nous pas que la réalité de cette révolution quotidienne appartient à la terre, et son apparence seulement au ciel ! Et qu'il en est par conséquent comme lorsqu'Énée (chez Virgile) dit : nous sortons du port et les terres et les villes reculent " |
"
CHAPITRE X [...] Or, il faut plutôt se conformer à la sagesse de la Nature qui, de même qu'elle a craint au plus haut degré de produire quelque chose d'inutile ou de superflu, a le plus souvent doté une même chose de plusieurs effets. Et bien que toutes ces choses soient difficiles et presqu'impensables, et assurément contraires à l'opinion de la multitude, néanmoins, avec l'aide de Dieu, nous le ferons par la suite plus clair que le jour, du moins pour ceux qui n'ignorent pas les mathématiques. C'est pourquoi, la première loi restant admise — personne en effet n'en proposera de plus convenable — que, notamment, la grandeur des orbes est mesurée par la grandeur des temps, l'ordre des sphères en résulte, en commençant par le plus haut, de la façon suivante." |
"
CHAPITRE XI [...] Or comme ces choses sont telles qu'il vaut mieux les présenter aux yeux plutôt que les exposer verbalement, nous allons décrire le cercle a b c d qui représentera le circuit annuel du centre de la terre dans le plan de l'écliptique ; et dans son centre, e, sera le soleil. Ce cercle, je le coupe en quatre parties égales par les diamètres sous-tendant [les arcs] a e c et b e d ; admettons que le point a soit occupé par le commencement du Cancer, b par celui de la Balance, c - du Capricorne, d - du Sagittaire." |
(Musée Copernic, Toruń) | Édition de 1543: le chapitre XII (trigonométrie) s'enchaîne après la dernière figure, sans trace d'une soi-disant lettre de Lysis à Hipparque. |
"
CHAPITRE V [...]Philolaus le Pythagoricien, un mathématicien remarquable, pensait, dit-on, que la terre se meut circulairement et même quelle est animée de plusieurs autres mouvements, et est un des astres. C'est pourquoi Platon n'hésita pas à se rendre en Italie, ainsi que le rapportent ceux qui ont raconté sa vie." "
CHAPITRE XI [...] Or, si nous reconnaissons que les mouvements du soleil et de la lune peuvent se déduire de l'immobilité de la terre, celle -ci ne s'accorde que très peu avec ceux des autres planètes. On peut donc croire que c'est pour de telles causes ou pour des causes semblables que Philolaus avait admis la mobilité de la terre -opinion qui, selon certains, était aussi celle d'Aristarque de Samos. " |
"
CHAPITRE X [...] Or, il faut plutôt se conformer à la sagesse de la Nature, qui[...]a craint au plus haut degré de produire quelque chose de d'inutile ou de superflu [...] Et bien que toutes ces choses soient difficiles et presque impensables, et assurément contraires à l'opinion de la multitude, néanmoins, avec l'aide de Dieu, nous le ferons plus clair que le jour, du moins pour ceux qui n'ignorent pas les mathématiques." [...] Nous trouvons donc dans cet ordre admirable une harmonie du monde, ainsi qu'un rapport certain entre le mouvement et la grandeur des orbes, tel qu'on ne peut le retrouver d'une autre manière. [...]Tellement parfaite, en vérité, est cette fabrique divine du meilleur et suprême Architecte. " |
"SALVIATI: Dans
Ptolémée il y a les infirmités, et
dans Copernic les remèdes. [...] Il
y a de tels mouvements difformes dans la construction de
Ptolémée, alors que, dans celle de Copernic, tous
les
mouvements sont uniformes autour de leur propre centre. Chez
Ptolémée, on devait attribuer aux corps
célestes
des mouvements contraires, ils devaient aller d'est en ouest, mais
aussi tous ensemble d'ouest
en est
; avec Copernic, toutes
les révolutions célestes vont dans le
même sens, d'ouest
en est. Et que dire du mouvement apparent des planètes? Il est si difforme que non seulement elles vont tantôt plus vite tantôt plus lentement, mais aussi s'arrêtent parfois et parcourent même un long chemin en arrière! Pour sauver cette apparence, Ptolémée a introduit d'énormes épicycles, les adaptant un par un à chaque planète,avec certaines règles concernant les des mouvements incohérents: tout cela disparait avec un mouvement très simple de la terre.[...] "SAGREDO: Ces stations, ces retours en arrière, ces mouvements directs m'ont toujours paru fort improbables: j'aimerais comprendre mieux comment tout cela se produit avec le système de Copernic. SALVIATI: Vous allez les voir se produire, signor Sagredo, et, sauf obstination ou incapacité d'apprendre, cette hypothèse devrait suffire pour qu'on donne son assentiment à toute cette théorie." Galileo
Galilei, Dialogue
sur les Deux Grands Systèmes du Monde
|
par Copernic, dans le De Revolutionibus |
par Galilée, dans le Dialogue |
par la NASA, en animation! |
"SALVIATI: Pour que
vous compreniez tout cela facilement, je vais en tracer la figure. Supposez que le Soleil soit en O, et traçons l'orbe décrite par la Terre autour de lui dans son mouvement annuel, soit BGM; le cercle que décrit par exemple Jupiter autour du Soleil en 12 ans, ce sera BGM, et, sur la shère étoilée, le zodiaque sera yus. Prenons aussi sur l'orbe de la Terre des arcs égaux BC, CD, DE, EF, FG, GH, HI, IK, KL, LM, et, sur le cercle de Jupiter , notons les arcs que cette planète parcourt dans les mêmes temps où la Terre parcourt les siens, soit BC, CD, DE, EF, FG, GH, HI, IK, KL, LM [...] Supposons maintenant que, la Terre étant en B, Jupiter soit en B, Jupiter nous paraîtra sur le zodiaque en p, sur la ligne droite BBp. Quand la Terre va de B en C, Jupiter, qui va dans le même temps de B en C, nous apparaîtra arrivé sur le zodiaque en q, ayant eu un mouvement direst selon l'ordre des signes p et q.quand ensuite la terre se trouve en D et Jupiter en D, c'est en r qu'on verra Jupiter, [...]toujours en mouvement direct. Mais quand ensuite la Terre commencera à à s'interposer plus directement entre Jupiter et le Soleil , c'est à dire quand elle arrivera en F et Jupiter en F, Jupiter apparaîtra en t, ayant commencé à revenir apparamment en arrière sur le zodiaque; et pendant que la Terre aura parcouru l'arc EF, Jupiter sera revenu en arrière de s en t, [...] quand la Terre arrivera en I et Jupiter en I, Jupiter se sera apparamment déplacé sur le zodiaque de la faible distance xy, il semblera alors stationnaire. Quand ensuite la Terre arrivera en K et Jupiter en K, Jupiter aura parcouru sur le zodiaque l'arc yn en mouvement direct; continuant sa course, la Terre en L verra en z Jupiter qui est en L; finalement, quand Jupiter est en M, il paraît, vu de la Terre, être arrivé en a selon un mouvement direct à nouveaau; toute sa rétrogradation apparente sera égale sur le zodiaque à l'arc sy que semble parcourir Jupiter quand il parcourt, sur son propre cercle, l'arc EI pendant que la Terre, sur son cercle, parcourt l'arc EI ." Galileo
Galilei, Dialogue
sur les Deux Grands Systèmes du Monde
|
"
CHAPITRE X [...] Mais ceux qui placent Vénus, puis Mercure, au-dessous du soleil, ou les ordonnent d'une autre manière, quelle raison allégueront-ils [du fait] qu'ils n'effectuent pas des circuits indépendants et différents du soleil, de même que les autres planètes, à moins que le rapport de rapidité et de lenteur n'en fausse pas l'ordre ? Il faudrait donc, soit que la terre ne soit pas le centre auquel se réfère l'ordre des astres et des orbes, soit encore qu'il n'y ait pas de raison de leur ordre, et qu'on ne sache pas pourquoi le lieu supérieur est dû à Saturne plutôt qu'à Jupiter ou qu'à n'importe quel autre." |
Le petit coin de la technique:
les épicycles, un jeu d'enfant! Si vous
vous êtes déjà amusés avec
le célèbre
jouet Spirograph,
vous savez ce que sont des épicycles. Comme leur nom
l'indique,
ce sont des courbes décrites par un point fixe d'une roue qui
roule sur une autre roue. Voici un exemple de
démonstration pour étudiants (probablement de la
fin du XIXème siècle):
On en montre ci-dessous une version "à l'ancienne", dérivée d'un premier modèle de Suardi (1752): divers jeux d'engrenages interchangeables permettent une grande variété de tracés. On trouve aujourd'hui de nombreux sites Internet dédiés; le Mathouriste vous suggère de faire vos propres expériences sur celui-ci, qui est d'un emploi très simple: R et r sont les rayons du déférent et de l'épicycle; d est la distance du point marqué au centre de la roue.) Pour plus de détails mathématiques, voir sur les sites:
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Fig. 1 | Fig. 2 | Fig. 3 |
Le petit coin de la technique:
calcul de la trajectoire exacte Pour simplifier, on a fait tourner la figure de 90° vers la droite, ainsi la position de départ est horizontale. Le but est d'écrire l'équation dans le repère bleu. |
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étape 1: Dans le repère vert, l'épicycle a pour équation z1
= - r eiωt
Le "-" est dû à la position
initiale, matérialisée par le point jaune.étape 2:
Dans le repère rouge, l'épicycle a toujours pour équation z1
= - r eiωt
Mais ce
repère a tourné, à la même
vitesse angulaire ω
; si on voulait exprimer l'équation dans un
repère de même origine, d'axes
parallèles aux axes bleus (ou verts),
on aurait donc:
z2
= eiωt . z1
= - r ei2ωt
étape 3: Enfin, pour revenir au repère bleu, on ajoute l'origine mobile sur le "grand" cercle, de rayon R z = R eiωt
+
z2 = R eiωt - r ei2ωt
C'est
l'équation de la trajectoire de la planète; elle
est du quatrième
degré (tout exprimer en u = tan t/2): ce n'est
donc pas
une ellipse!
étape 3bis : D'ailleurs, ses équations paramétriques s'écrivent: x = R cos t - r cos
2t
y = R sin t - r sin 2t Soit,
en X = x - r , Y = y
x = R cos t - 2r cos² t
= (R - 2r cos t ) cos
t
y = R sin t - 2r cos t .sin t = (R - 2r cos t ) sin t D'où
l'équation polaire dans un repère
d'origine Ω (r,0)
ρ = R - 2r cos t
On
reconnait... un limaçon d'Etienne Pascal;
l'équation cartésienne s'obtient facilement, confirmant le degré 4:
(X²
+
Y²
+2rX)²
- R²(X²
+
Y² ) = 0 |
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Manuscrit (fac-simile) et plomb
de composition pour l'édition de Torun (1873) (Musée Copernic, Toruń) |
Édition de Nuremberg (1543) |
Plomb de composition de la page de gauche | On a rajouté, en rouge, le déférent constitué par l'orbite terrestre, dont Copernic n'a tracé que le rayon. |
Le petit coin de la technique:
pourquoi on ne peut que réussir avec les
épicycles! Un
mouvement circulaire s'écrit
z = R1 eiω1t =
R1
(cos ω1t + i sin
ω1t )
Avec
un premier épicycle, on obtient la forme
z = R1 eiω1t + R2 eiω2t
et avec
un second
z
= R1 eiω1t + R2 eiω2t + R3 eiω3t Or, le
mouvement est périodique
et régulier
(pas de saut brusque des vitesses ou des
accélérations). Ces hypothèses
suffisent pour pouvoir le développer
en série de FOURIER:
z = c1 eiωt + c2 ei2ωt + c3 ei3ωt
+ ...
Autrement dit, on s'approchera d'aussi près
que l'on
veut du mouvement réel en "entassant" de plus en plus
d'épicycles! chaque
troncature constituant une approximation, de plus en précise.
On peut donc voir en Ptolémée, et en Copernic, qui reprend ce principe à sa suite, les premiers pionniers géométriques de l'analyse de Fourier. |
Fig. 4 | Fig. 5 | Fig. 6 |
" Certains ont prêté attention à un astrologue parvenu qui s'efforce de montrer que c'est la Terre qui tourne et non le ciel ou le firmament, le soleil et la lune [...] Ce fou souhaite renverser toute la science de l'astronomie;
mais l'Écriture Sainte nous dit (Josué X,12) que
Josué commanda au Soleil de s'arrêter, et non à la
Terre." Martin Luther, Tischreden (1539)
" S'il y avait une vraie preuve que le Soleil est au centre de l'Univers, [...] que le Soleil ne tourne point autour de la Terre mais la Terre autour du Soleil, alors il faudrait entreprendre avec une grande circonspection d'expliquer les passages de l'Écriture qui paraissent enseigner le contraire, et nous
devrions dire que nous ne les comprenons pas plutôt que de
déclarer fausse une opinion démontrée comme vraie. Mais je ne crois pas qu'il y ait une telle preuve, puisqu'on ne m'en a pas présenté.
Démontrer que l'on sauve les apparences en supposant le Soleil au centre et la Terre dans le ciel, ce n'est pas démontrer qu'en fait le Soleil est au centre et la Terre dans le ciel." Cardinal Robert Bellarmin, lettre au père Foscarini (1615)
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Luther et LE Livre Dresde, église Frauenkirche |
Le cardinal Robert Bellarmin Rome, église du Gesu (source: Wikipedia) |
"Qui se hasarderait à placer l'autorité de Copernic au dessus de celle du Saint-Esprit?"
Jean Calvin, Commentaire sur la Genèse (vers 1550)
"Nous en verrons d'aucuns si frénétiques
[...] qu'ils diront que le soleil ne se bouge, et que c'est la terre qui
se remue et quelle tourne. Quand nous voyons de tels esprits, il faut
bien dire que le diable les ait possédés, et que Dieu
nous les propose comme des miroirs, pour nous faire demeurer en sa
crainte. "
Jean Calvin, 8ème sermon sur la Première Épitre aux Corinthiens (vers 1556)
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Statue de Giordano Bruno, par Ettore Ferrari, 1889. (Rome, Campo de' Fiori) Sur le socle, plaques de bronze représentant le procès, puis le supplice du bûcher. |
Une édition du Dialogue
(Musée Galilée, Florence) |
En 1616, en même temps que la mise à l'index de l'ouvrage, Galilée
s'est vu interdire l'enseignement de l'héliocentrisme... toujours par
le
cardinal Bellarmin. Mais assortie de la libéralité théorique déjà
concédée, on l'a vu, à Foscarini. Et dont Galilée entend bien user, en
présentant, en 1632, son Dialogue sur les Deux Systèmes du Monde,
qui fait mine de présenter à égalité le système de Ptolémée contre
celui de Copernic, chacun avec son champion, devant un "arbitre", un
honnête homme qui joint la soif de savoir à l'impartialité de jugement.
Ni le père Riccardi, chargé de son examen, ni l'Inquisiteur de
Florence, ny trouvent à redire, et le livre obtient l'Imprimatur. Mais les Jésuites, eux, ont su lire... même pas entre les lignes: ce match de boxe n'est que le massacre du tenant de l'ancien système par celui du nouveau; pire: le premier est constamment ridiculisé! On pourrait sans doute pardonner bien des choses à l'érudit Galilée, que Bellarmin lui-même estimait et qu'il mettait en garde plus qu'il ne le condamnait, mais pas son ironie mordante. Dès lors, les Jésuites vont convaincre le pape Urbain VIII, l'ami de Galilée quand il n'était que le cardinal Maffeo Barberini, que le savant se moque de lui et qu'il faut lui donner une leçon: le 22 Juin 1633, Galilée doit abjurer. Le pape ne peut que commuer sa peine de prison en une assignation à résidence: le symbole compte plus qu'un châtiment effectif. |
"GALILÉE: Il faut que je te dise quelque chose, Andrea: ne parle pas aux autres gens de nos idées. ANDREA: Pourquoi? GALILÉE: L'Autorité l'interdit. ANDREA: Mais c'est pourtant la vérité. GALILÉE: Mais elle l'interdit. Dans le cas présent, s'y ajoute autre chose. Nous, physiciens, ne pouvons pas toujours démontrer ce que nous tenons pour vrai. Même la théorie du grand Copernic n'est pas encore démontrée. Elle n'est qu'une hypothèse. [...] ANDREA: C'est quoi, une hypothèse? GALILÉE: C'est quand on suppose vraisemblable quelque chose mais qu'on n'a pas de preuves matérielles. [...] Les vieilles théories auxquelles on a cru pendant mille ans sont devenues totalement vétustes; il y a moins de bois dans la construction de ces immenses bâtisses que dans les échafaudages censés les retenir. Beaucoup de lois pour expliquer peu de choses, là où la nouvelle hypothèse, avec peu de lois, explique beaucoup de choses. ANDREA: Mais vous m'avez tout démontré! GALILÉE: Seulement qu'il peut en être ainsi. Tu comprends, l'hypothèse est très belle, et rien ne s'y oppose. ANDREA: Moi aussi, je veux devenir physicien, Monsieur Galilée!" Bertolt Brecht, La Vie de Galilée
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"J'ai
voulu entièrement supprimer le traité que j'en avais
fait, et perdre presque tout mon travail de quatre ans, pour rendre une
entière obéissance à l'Église en ce qu'elle
a défendu l'opinion du mouvement de la Terre. Et toutefois, pour
ce que je n'ai point encore vu que ni le pape ni le concile ayant
ratifié cette défense, faite seulement par la
Congrégation des cardinaux établie pour la censure des
livres, je serais bien aisé d'apprendre ce qu'on en tient
maintenant en France et si leur autorité a été
suffisante pour en faire un article de foi. "
René Descartes, Lettre à Mersenne (Février 1634)
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"Toutes les puissances du monde ne peuvent par autorité persuader un point de fait, non plus que le changer car il n'y a rien qui puisse faire que ce qui est ne soit pas. [...] Ce fut en vain que vous obtîntes contre Galilée ce décret de Rome, qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la Terre. Ce ne sera pas cela qui prouvera qu'elle demeure en repos et si l'on avait des observations constantes qui prouvassent que c'est elle qui tourne, tous les hommes ne l'empêcheraient pas de tourner, et ne l'empêcheraient pas de tourner aussi avec elle." |