Deux vues de sens opposés, dans la longueur de la place. La maison natale se situe entre la statue et l'église. |
Le sculpteur, August Von Kreling, directeur de l'Académie des Beaux Arts de Nüremberg, a conçu un monument dans les codes typiques de son siècle (on peut comparer, en France, aux œuvres d'un David d'Angers): regard lointain vers les astres qu'il étudie, appui du bras gauche sur une sphère céleste, tandis que la main droite brandit l'arme absolue du géomètre: le compas! |
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Le
socle octogonal comporte quatre niches, chacune abritant la statue d'un
personnage ayant influencé Kepler ou
travaillé avec lui. Un peu de patience, nous vous les ferons découvrir
au fur et à mesure de leur intervention dns la biographie du héros...de
même que les reliefs narratifs décorant les autres faces du socle. Celui qui se situe sur la face frontale est une allégorie d'Uranie, muse de l'Astronomie:
comme celui qu'elle inspire, elle tient dans une main le compas, et
dans l'autre la sphère céleste; derrière elle; les orbes des planètes
sur fond de voûte étoilée (on remarque, au niveau de son genou,
Saturne, son anneau et ses lunes). |
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Cette manière de retracer en raccourci, sur le piédestal, la vie du personnage à qui est rendu l'hommage est, elle aussi, une constante de la statuaire du XIXème siècle. |
Au coin de la maison-musée, la Keplergasse, une ruelle qui démarre en escalier, mène à l'église ou le fragile marmot fut baptisé. |
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(Dans le musée, un buste, un
grand portrait (copie), des panneaux explicatifs clairs, des documents
(souvent,
des fac-simile) retracent sa vie, sa carrière et ses travaux. L'ensemble est aéré et présenté avec soin, comme on peut en juger ci-contre; on vous recommande donc sa visite!. [ Vers le site web du musée. ] |
Le portail roman (1178) |
Le "Paradis" (porche d'entrée) |
Kepler séjourne à Maulbronn de 1586 à 1589, avant d'aller étudier à l'université de Tübingen: là, les choses sérieuses vont vraiment commencer pour lui, du moins en ce qui concerne l'astronomie : il va se découvrir un maître, Michaêl Mästlin (1550-1631). |
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à gauche : Tübingen, gravure ancienne. L'université est repérée par C. à droite : Mästlin, dans une des niches du socle du monument Kepler à Weil |
Mästlin, sur le socle du monument Kepler à Weil |
"Kepler dévisage avec émotion le magister de sa première heure de cours. L'homme a le cheveu pauvre, l'air triste et inquiet et pourtant jovial. Il est affublé d'une barbichette de noble sur un visage de paysan. Son corps est sec comme un sarment. Johannes le reconnaît. En furetant chez Gruppenbach, il a découvert un traité d'astronomie signé Maestlin, professeur de mathématiques à l'université de Tübingen. Il paraît sortir de la gravure qui le représentait devant une tenture sombre, un compas à la main, à côté d'un globe ressemblant à un crâne. [...] « [...] j'ai à vous dire que vous viendrez à mon cours pour parfaire votre intelligence, en faire quelque chose de subtil! Les mathématiques sont là pour charpenter votre esprit, et non l'appesantir. C'est une science qui ne flatte ni ne feint.»" H. Chardak, Johannes Kepler
| Mästlin, portrait à l'université deTübingen, (photo à Weil, ) C'est le portrait auquel le texte ci-contre se réfère. |
Alors que Mästlin enseigne, très officiellement, le système géocentrique de Ptolémée, il fait découvrir à ses disciples, plus secrètement, mais avec un grand enthousiasme, celui de Copernic! Car, entre 1550 et 1600 (en gros), l'église luthérienne est beaucoup plus hostile à l'héliocentrisme (Luther a qualifié Copernic de fou qui contredit l'Écriture) que la Papauté, qui le tolère comme hypothèse de calcul
si elle apparaît plus commode, à la condition expresse de la dissocier
de la "réalité". Tout changera quand, effrayée des progrès du
protestantisme, l'Église catholique intensifiera la Contre-Réforme:
l'ouvrage de Copernic ne sera mis à l'index qu'en 1616, Galilée ne
devra abjurer l'héliocentrisme qu'en 1633. N.B. : la réception du travail de Copernic est détaillée, de manière plus précise, dans notre page nonsacrée au De Revolutionibus. |
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Le nom est inscrit en haut du relief, le soleil est au centre
d'orbites représentées circulaires (conformément aux prmières figures,
simplifiées, de Copernic lui-même), et les diverses lunes de Jupiter ou
Saturne (la plus lointaine connue à cette époque) sont figurées. Copernic lui-même est montré sans une niche d'angle, tenant une tablette où est dessiné son système. |
" Il se prépare à passer son examen théologique de 1594 qui lui permettra de prêcher. Mais ses maîtres en ont décidé autrement. Le lendemain de son vingt-deuxième anniversaire, au lieu de la nomination eccliésiastique promise dans le Wurtemberg, Kepler est officiellement et cruellement sollicité par les États de Styrie pour le poste de Mathematicus de la Stiftschule de Graz. La Styrie autrichienne et catholique vient de perdre son professeur de mathématiques, le protestant Georg Stadius, et c'est une aubaine pour des maîtres frileux qui veulent envoyer leur brillant élève en enfer! " H. Chardak, Johannes Kepler
|
" À Graz, l'enseignement,
d'un niveau assez bas, l'ennuyait; d'ailleurs il n'avait presque pas
d'élèves. Les travaux auxquels sa charge de mathématicien des États de
Styrie l'obligeait, consistaient à établir des calendriers
et des horoscopes, et n'avaient rien de plus
enthousiasmant. Du moins lui laissaient-ils des loisirs pour ses
recherches personnelles et ses méditations extatiques.sur la structure
de l'univers. Le Mysterium Cosmographicum, qu'il écrivit en 1595, et publia, grâce au soutien de Maestlin, en 1596, fut le fruit de ces méditations. "
A. Koyré, La Révolution Astronomique: Copernic, Kepler, Borelli
|
page de titre du Mysterium Cosmographicum |
la célèbre figure | Modèle de Hermann Müller (Stuttgart) Musée Kepler, Weil der Stadt |
"
[La sphère de] la Terre est la mesure pour toutes les autres sphères.
Placez autour, tangentiellement, un dodécaèdre, et la sphère qui
lui est circonscrite sera celle de Mars. Tangentiellement à celle-ci,
placez un tétraèdre, et la sphère circonscrite sera celle de Jupiter; enfin disposez tangentiellement à celle-ci un cube, et la sphère circonscrite sera celle de Saturne.
À présent, placez à l'intérieur de la sphère de la Terre un icosaèdre tel qu'elle lui soit circonscrite; la sphère tangente intérieurement sera celle de Vénus; inscrivez y un octaèdre, la la sphère tangente intérieurement sera celle de Mercure. Et voilà ce qui explique le nombre des planètes. " J. Kepler, Mysterium Cosmographicum
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à gauche : Cube et tétraèdre sont bien en évidence.. |
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à droite : à l'intérieur du tétraèdre, on rencontre
|
" Cela advint le 9, ou le 19 juillet 1595. Je souhaitais montrer à mes étudiants comment les grandes conjonctions sautent huit signes zodiacaux et passent successivement d'un triangle à un autre. Je dessinais un grand nombre de triangles (si on peut les appeler ainsi) dans un cercle, de telle manière que la fin de l'un soit le début du suivant. Alors, les points en lesquels s'intersectent ces trianglesforment un petit cercle; car le rayon du cercle inscrit à un trl triangle est moitié du rayon du cercle circonscrit. Le rapport entre les deux cercles était, à vue, exactement le même que celui qu'on trouve entre [les orbites de] Saturne et Jupiter; et le triangle est la première des figures géométriques, tout comme Saturne et Jupiter sont les premières des planètes. J'essayai immédiatement d'ajuster la deuxième distance, de Mars à Jupiter, au moyen d'un carré, la troisième à l'iade d'un pentagone, la quatrième au moyen d'un hexagone" J. Kepler, Mysterium Cosmographicum
|
"Christina se tut un instant, songeuse, puis reprit: - Il doit se passer quelque chose sur la Lune au moment d'une conjonction des planètes Jupiter et Saturne, elle -même en quadrature avec le Soleil. Et ce moment doit approcher puisqu'Elena a commencé son observation hier. - Qu'est-ce qu'une quadrature et une conjonction? demanda Angélique, l'air complètement dépassé. - Une conjonction est l'alignement de deux planètes par rapport à la Terre, ou, dans ce cas-ci, peut-être par rapport à la Lune, répondit Christina.C'est comme si l'on voyait les deux planètes l'une derrière l'autre. Une quadrature, quant à elle, appparaît lorsqu'un angle de quatre-vingt dix degrés se présente dans l'espace entre deux corps célestes." B. Sagaro, La Conjonction Dorée (2020)
|
"
La fin de cette tentative malheureuse fut le point de départ de la
suivante, qui réussit. Je compris qu'en fait, si je voulais poursuivre
ainsi l'agencement des figures, je ne parviendrais jamais au soleil, et
que je trouverais jamais la raison pour laquelle il y a six planètes,
plutôt que vingt ou cent. [...]
Je me dis alors que j'obtiendrais ce que je cherchais, si cinq figures particulières, parmi l'infinité des possibles, pouvaient être mises en relation par leur taille avec les six sphères de Copernic. Alors, je fis un pas supplémentaire. Qu'avaient à faire les figures planes avec les sphères des corps célestes? Il fallait clairement avoir recours à des solides. Voici donc maintenant, cher lecteur, ma découverte et le contenu de ce court traité. Quiconque possédant un bagage minimum de géométrie pensera immédiatement aux cinq polyèdres réguliers et à leur relation avec leurs sphères inscrites et circonscrites." J. Kepler, Mysterium Cosmographicum
|
" - Père, quand arrive-t-on chez grand-papa?
- Dans une heure à peu près. Mais quand je reviendrai vous chercher, au printemps, ton voyage durera aussi longtemps que celui des Argonautes. Veux-tu que je te raconte la légende de Jason parti conquérir la Toison d'Or? - Un jour, jolie amazone, tu raconteras celle de Kepler allant s'emparer du trésor de Tycho, ajouta le baron Hoffman. - Qui est donc ce Tycho, dont vous parlez tout le temps, Monsieur le baron? demanda la petite fille. - Tycho, c'est le Goliath de l'Astronomie. Et ton père, mon enfant, c'est le roi David. " J.-P. Luminet, La Discorde Céleste
|
"Le
philosophe vraiment utile aux progrès des sciences, est celui qui
réunissant à une imagination profonde, une grande sévérité dans le
raisonnement et dans les expériences, est à la fois tourmenté par le
désir de s’élever aux causes des phénomènes, et par la crainte de se
tromper sur celles qu’il leur assigne. Kepler dut à la nature, le
premier de ces avantages et Tycho-Brahé lui donna pour le second,
d’utiles conseils dont il s’écarta trop souvent , mais qu’il suivit
dans tous les cas où il put comparer ses hypothèses aux observations;
ce qui, par la méthode d’exclusion, le conduisit, d’hypothèses en
hypothèses, aux lois des mouvemens planétaires . Ce grand observateur
qu’il alla voir à Prague, et qui dans les premiers ouvrages de Kepler,
avait démêlé son génie à travers les analogies mystérieuses des
figures et des
nombres, dont ils étaient pleins, l’exhorta à observer, et lui procura le titre de mathématicien impérial." P.-S. de Laplace, Précis de l'Histoire de l'Astronomie
ci-contre: modèle en plâtre peint, à l'École Polytechnique (réplique, en plus petit, du monument à Beaumont sur Auge, sa ville natale) |
Prague: le couvent Saint Emmaus, et les flèches de son église, Sainte Marie des Slavons |
"
Voilà ce que je pense de Tycho: il nage dans les richesses, mais il ne
sait pas les exploiter de mannière correcte, comme c'est le
cas de la plupart des gens riches. Il faudrait donc essayer de les lui
soutirer (et moi même, modestement, j'ai joué mon rôle) en mendiant
presque, pour que ses observations soient divulguées de manière sincère
et complète. "
J. Kepler, lettre à Mästlin, février 1599
| Tycho, sur le socle de Kepler à Weil
|
Dans l'entrée du lycée, une plaque rappelle que c'est sur e terrain qu'était bâtie la maison, de style Renaissance, où logeaient Tycho et sa famille. Il envisageait d'y aménager un observatoire, mais il n'en a pas eu le temps. |
Mais revenons à notre tandem. Travailler avec Tycho n'est pas si facile, non seulement parce qu'il garde jalousement scellés ses relevés, mais aussi parce qu'il s'entête à conserver son propre système cosmographique, intermédiaire entre Ptolémée et Copernic: pour lui, le Soleil tourne autour de la Terre (comme chez Ptolémée), et toutes les autres planètes autour du Soleil: un joli ballet céleste! Et ce ne sont pas ses excellentes mesures qui pouvaient lui faire abandonner cette idée saugrenue: comme il ne s'agit, pour passer dun système à l'autre, que de changements de repères, chacun des trois modèles est également prédictif! | ||
Ci-contre, page de titre du traité sur la Lune, Selenographia, de l'astronome Jan Heweliusz. Il contient une description et une figure du système de Tycho. Nous
avons rajouté le point jaune figurant la position du Soleil qui sert de
centre aux cinq autres planètes; ce point tournant autour de la Terre,
les 5 orbites se retrouvent entraînées dans ce mouvement, engendrant
"naturellement" des trajectoires épicycliques, dont le déférent est l'orbite solaire.
|
||
Jan Heweliusz (1611-1687) Astronome polonais, né à Gdansk, il a étudié à Paris, y a rencontré Mersenne. Ils ont ensuite continué à correspondre. Il est ici statufié à Gdansk. |
"
- Je
vais vous le prouver, Monsieur le Conseiller. Abandonnons ce Tokay, qui
ne convient qu'aux femmes et aux Italiens. Je vous parie, Messieurs,
une coucherie avec ma fille Céline contre un tonneau de vin français
que je peux boire coup sur coup six pintes de bonne bière de mon ami
Scultetus, et que je reste ensuite une heure en contenant mon eau!
- Six pintes? Une heure sans pisser? C'est impossible! s'exclama le baron. Vous allez éclater! Je m'y refuse.- - Pourquoi, grinça Tycho, ma chaste Cécile ne vous convient-elle pas? Les préférez vous un peu plus expérimentées, comme Sophie la sage? [...] Mais j'ai mieux encore! Faute de Cythère, que diriez vous de'un voyage à Lesbos? Mon ainée Madeleine vous y conviera. Désolé, Monsieur le baron, de ne pouvoir vous offroir ma femme. Une paysanne encore crottée... D'ailleurs, elle ne vaut rien dans le déduit. Croyez moi, je sais de quoi je parle. [...] Jugeant qu'il était temps de faire partir ses invités, le baron vint lui tapoter l'épaule: - La journée a été éprouvante, cher ami, allons nous reposer. Tycho se redressa, le nez de travers, frappa du poing contre la table et lança: - Ah, non! Je vous ai lancé un défi, je le tiendrai. Six pintes, une heure sans pisser. [...] Ils se goinfrèrent pendant une heure. Puis, par défi, Tycho attendit encore cinq minutes avant de se diriger vers le laquais porteur d'un seau d'aisance. Rien ne vint.[...]Il se sentait balloné, une vague douleur lui pesait dans les reins. Il décida de rentrer seul, à pied, par les jardins, estimant que cette belle nuit d'octobre klui ferait le plus grand bien. - Et puis, ajouta-t-il, un sycomore ou quelque autre essence rapportée des Indes inspireront ma vessie. Adieu, Messieurs, [...] Son envie d'uriner devenait douloureuse. Faute de sycomore, il essaya sous un orme. En vain. Il songea que la Lune était en conjonction avec Saturne. " J.-P. Luminet, La Discorde Céleste
|
" À un moment, Brahé se soulève et hurle: - Kepler, approche et jette-moi tout ce monde dehors, j'ai à te parler. Sans attendre, il continue à voix basse! - Promets moi d'achever mon catalogue, mes tables surtout... Dieu, que ma langue est sèche! Tant pis, je veux encore boire, à m'en éclater. Du vin, pour un homme plein d'eaux. Ah, Kepler! Que je ne parraisse pas avoir vécu en vain. Kepler, ne frustra vixisse videor. Tu vas t'atteler à la tâche; l'œuvre de Brahé, tu l'accompliras jusqu'à la fin. Jure! - Je jure devant Dieu d'achever ton œuvre. Je te le promets." H. Chardak, Johannes Kepler
|
Night
and Day sur Notre Dame de Tynn; à l'intérieur, la dalle ancienne
(redressée) de la sépulture de Tycho et la récente insciption au sol
|
"La
mort deTycho, arrivée peu d’années après, mit Kepler en possession de
la collection précieuse des observations de son illustre maître; et il
en fit l’emploi le plus utile, en fondant sur elles, trois des plus
importantes découvertes que l’on ait faites dans la philosophie
naturelle. Ce fut une opposition de Mars, qui détermina Kepler à
s’occuper de préférence, des mouvemens de cette planète. Son choix fut
heureux, en ce que l’orbe de Mars étant un des plus excentriques du
système planétaire, et la planète approchant fort près de la-terre,
dans ses oppositions, les inégalités de son mouvement sont plus grandes
que celles des autres planètes, et doivent plus facilement et plus
sûrement en faire découvrir les lois."
P.-S. de Laplace, Précis de l'Histoire de l'Astronomie
|
page de titre du De Stella Nova |
Carte céleste insérée dans le traité.'étoile nouvelle, notée N par Kepler, est dans la zone que nous avons entourée en rouge. | Kepler et son facteur d'instrument, Jöst Bûrgi sur le socle du monument Kepler à Weil der Stadt |
Il est temps de présenter
le quatrième et dernier personnage à figurer dans un angle du monument
de Weil der Stadt, qui est aussi celui que le relief montre, observant dans la lunette à côté de Kepler, debout. Il s'agit de Jöst Bürgi (1552-1632), technicien remarquable ès horlogerie, Suisse comme il se doit...
Il est d'une grande aide pour Kepler dans la fabrication de nouvelles lunettes, il est aussi un mathématicien d'une réelle compétence -il a inventé avant Néper son propre système de logarithmes! Outre des horloges très précises, il a réalisé de magnifiques globes célestes (certains mécanisés), d'où la représentation choisie par le sculpteur. Des quatre personnages représentés sur le socle à Weil, il est donc le seul à ne pas être un prédécesseur, un maître pour Kepler, mais plutôtun compagnon de travail. |
page de titre de l'Astronomia Nova |
Comparaison: Systèmes de Copernic, Ptolémée, Tycho |
figure et calculs... | l'Astronomia Nova est en ligne sur le site Internet Archive |
Des images qui ont leur beauté propre, même pour celui à qui la signification géométrique échappe (laquelle ne peut être comprise que par une étude approfondie du contexte). La meilleure preuve est sa capacité suggestive pour l'artiste chargé de réaliser un timbre commémorant en Allemagne fédérale le 400ème anniversaire de la naissance de Kepler. Plus d'une cinquantaine de timbres rendent, de part le monde, hommage à Kepler; ils sont à découvrir sur le très complet site de Jeff Miller (auquel nous avons emprunté celui-ci) |
"Kepler
trompé comme lui, par l’opinion que leurs mouvemens devaient être
circulaires et uniformes, essaya longtemps de représenter ceux de
Mars, dans cette hypothèse. Enfin, après un grand nombre de tentatives
qu’il a rapportées en détail dans son ouvrage De Stella Martis, il
franchit l’obstacle que lui opposait une erreur accréditée par le
suffrage de tous les siècles: il reconnut que l’orbe de Mars est une
ellipse dont le soleil occupe un des foyers, et que la planète s’y
meut de manière que le rayon veçteur mené de son centre à celui du
soleil , décrit des aires proportionnelles au temps . Kepler étendit
ces résultats à toutes les planètes, et il publia en 1626, d’après
cette théorie, les Tables Rudolpbines à jamais mémorables en
Astronomie, comme ayant été les premières, fondées sur les véritables
lois du système du monde, et débarrassées de tous les cercles qui
surchargeaient les tables antérieures. Si l’on sépare des recherches
astronomiques de Kepler, les idées chimériques dont il les a souvent
accompagnées, on voit qu’il parvint à ces lois de la manière suivante."
P.-S. de Laplace, Précis de l'Histoire de l'Astronomie
|
Porche d'entrée... Karlova str. No 4 | Sous le porche |
Dans la cour, la fontaine
| |
On n'y trouvera pas de pièces originales, pas de beaux livres anciens, en particulier... C'est un peu dommage; mais les panneaux explicatifs - du même genre qu'à Weil- sont clairs, en deux langues (tchèque/anglais), et l'accueil est sympathique. Ou faut-il dire était? Au moment d'inscrire le lien vers le musée (il y a aussi une petite page Wikipedia), le Mathouriste découvre qu'il indique un transfert vers le réputé Musée National des Techniques de la ville... N'est-ce pas un peu dommage? Bien sûr, il a une collection d'instruments astronomiques, mais, vue l'importance du travail de Kepler à Prague, la solution antérieure nous semblait plus judicieuse; on peut craindre que des considérations économiques aient prévalu. |
| ||
le
ticket d'entrée est très original: évoquant la grande horloge
astronomique, il vous délivre l'heure exacte légale, mais aussi
sidérale, bohémienne.... de votre venue. Sans compter les positions
zodiacales de la lune et de soleil. Un seul conseil: aggrandissez pour le voir! |
" Matthias entra dans Prague, mais n'y resta que le temps de faire signer à son aîné un acte d'abdication
de ses ultimes titres, excepté celui dempereur dont ni l'un, ni lautre
ne disposaient. Puis il repartit à Vienne, ne laissant à son frère que
la couronne de Charles Quint et son château. [...]
Hors de l'enceinte du quartier du château, rien ne changea. Partout en ville, la mort continuait de frapper. Comme toujours et partout, outre le fer, le feu, l'eau et la corde, la soldatesque avait apporté la peste et le typhus avec elle. Cette épidémie -là, on l'appela «la fièvre hongroise». Les hauts murs cernant le Hradschin n'auraient pu interdire l'accès à ses miasmes putrides. " J.-P. Luminet, L'Œil de Galilée
|
Hauptplatz; l'ancien hôtel de ville est le bâtiment avec une tour. La Rathausgasse est la ruelle à gauche du bâtiment. |
La Rathausgasse (soit, rue de l'hôtel de ville!) | Maison de Kepler au n°5 |
La plus récente des deux
plaques est aussi la plus précise: Kepler a habité ici de 1621 à 1626;
c'est son dernier domicile à Linz.
la maison du 7, Hofgasse Et avant? Si la rue était connue (Hofgasse), l'emplacement exact demeurait un mystère, percé en 2018 par un ingénieur et astronome amateur, Erich Meyer. En exploitant plusieurs documents, et l'impossibilité d'observer de chez lui une éclipse de lune, obstruée par une tour, il a réussi à établir que seul le n°7 convenait! | ||
|
Cet ouvrage est autre chose, et beaucoup plus qu'un "simple" traité d'astronomie. Il suffit de regarder sa division en 5 livres pour s'en convaincre: rien de ce qui touche à des proportions harmonieuses ne doit y échapper: géométrie évidemment, mais tout autant architecture, musique, et, le plus étonnant au livre IV: métaphysique (!), psychologie (!!) et astrologie (!!!)
Cela démarre sans surprise au degré zéro: qu'est-ce qu'une figure réulière? Suibvent les polygones... Quand enfin on parvient au livre V, on se dit, que, cette fois, il va (enfoin) être question de lespace et des planètes... |
Traduction: "Mais s'il est une chose la plus certaine et la plus exacte, c'est que la proportion qui existe entre les périodes de deux planètes est précisément une fois et demi comme le rapport de leurs distances moyennes [au Soleil]" Autrement dit: T1 / T2 = k ( R1 / R2 ) 3 / 2
car le préfixe sesqui signifie: "une fois et demi" (les mathématiciens l'emploient encore, notamment dans l'expression forme sesquilinéaire ). Le "raayon moyen" peut sans inconvénientêtre remplacé par le demi grand axe pour une orbite elliptique. |
Après quoi, notre astronome revient à ses obsessions de correpsondances musicales, cette fois avec les intervalles de la gamme. C'est dans le rapport des vitesses au périhélie ou à l'aphélie de chaque planète qu'il pense trouver la simplicité cherchée. Les planètes sont représentées par leurs symboles usuels; on trouve, de haut en bas (et dans l'ordre décroissant de l'éloignement au Soleil) Saturne (pour qui le rapport en celui de la tierce majeure), Jupiter (tierce mineure), Mars (quinte) , Terre (demi-ton), Vénus (demi-yton chromatique), Mercure (octave + tierce mineure). [ sur la correspondance entre intervalles musicaux et rapports, voir notre page sur l'harmonie et l'analyse de Fourier] Le tableau contient en fait des mesures angulaires, correspondant à l'arc parcouru en un jour au voisinage du sommet considéré. |
Il rédige aussi à Linz une défense et synthèse de l'astronomie
copernicienne telle qu'il l'a adaptée avec ses mouvements elliptiques,
l'Epitomes astronomiae copernicanae . Elle paraît en 1618 et recèle un nouveau joyau, sa réinvention de la Méthode des Approximations successives, afin de donner les éphémérides de Mars qui seront inclus dans les Tables Rudolphines. Réinvention, parce que le procédé a déjà eu un inventeur de génie, Al-Kashi, ami et collaborateur d'Ulugh Beg à l'Observatoire de Samarcande (les liens pointent vers nos pages dédiées). Il est plus qu'imporbable que Kepler ait eu connaissance de ses travaux, de deux siècles antérieurs
(vers 1420-1430), mais fort éloignés dans l'espace. L'histoire des
sciences fourmille de découvertes multiples, indépendantes... toujours
par des génies de premier ordre! Mais de tout cela, nous reparlerons
dans la page dédiée à la traque de Mars, qui en est ele cadre naturel.
|
|
Source de l'image: Wikimedia Commons |
Prague: le célèbre château, et sa non moins célèbre fenêtre |
Voir cette scène, dirigée par Jean Vilar (1958) (extrait, archives de l'INA) | " LE SECRÉTAIRE - Et la paix, qu’est-ce que vous en faites de la paix?
Moi je suis de Bohème et je voudrais bien rentrer chez moi. L'AUMÔNIER - Rentrer chez vous, la paix... Que reste-t-il du trou après avoir mangé le fromage ? Mais oui, d’une façon ou d’une autre la guerre s’en sort toujours. Pourquoi voulez-vous qu’elle finisse? [...]
L'AUMÔNIER - Souvent
je vous admire, à vous voir comme cela, de mener votre commerce et vous
tirer toujours d’affaire, je comprends qu’on vous appelle Courage !MÈRE COURAGE - Faut du courage aux pauvres gens, sans quoi ils sont fichus. Rien que se lever le matin, labourer un champ en temps de guerre, ou mettre au monde des enfants quand l’avenir est sans espoir, ça suppose un sacré courage. Vous pourriez fendre un peu de bois ! L'AUMÔNIER - Je suis pêcheur d’âme, Courage, je ne suis pas bûcheron ! MÈRE COURAGE - Et moi je n’ai pas d’âmes à prêcher, j’ai du bois à couper Tout ce que je cherche c’est à nous tirer d’affaire au mieux, moi, mes enfants et la roulotte. J’ai pas le coeur à la romance. En ce moment je cours un gros risque en achetant du matériel. Le maréchal d’Empire est mort et tout le monde parle de paix. Que deviendriez-vous, si je perdais tout mon bien, hah, ben vous voyez, vous n’en savez rien. Alors fendez-nous du bois, on aura chaud le soir, et par le temps qui court, c’est pas si mal." Bertolt Brecht, Mère Courage et ses enfants (1938)
inspiré de H. Grimmelshausen, les Aventures de Simplicius Simplicissimus (1669)
| |
N.B. sur la pièce de Brecht, l'article Wikipedia en Allemand est bien plus complet que celui en Français (donc conseillé à ceux à qui connaissent un peu la langue). On trouvera le synopsis suivi d'une analyse ici, une autre analyse là, |
"
Le retour des moines et des prêtres catholiques à Linz avait mis le feu
aux poudres à toute la Haute Autriche. On redoutait en effet qu'avec
l'Église romaine revienent également dîme, taxes, indulgences,
interdiction de pratiquer librement son culte, bûcher, torture et
Inquisition. À quoi s'ajoutait l'occupation de la capitale par les Bavarois, ennemis héréditaires des Autrichiens. [...]
Ce fut bel et grand massacre sur les deux rives du Danube. Pris en tenaille, les restes de l'armée paysanne n'eurent d'autre resource que de se réfugier dans Linz et tenter d'y résister le plus longtemps possible. Ils défoncèrent les portes de la ville et pénétrèrent dans la cité en hurlant leur désespérance, jetant des torches allumées dans les premières maisons qu'ils avaient réussi à atteindre. La cavalerie bavaroise, qui était dans leur dos, les sabra jusqu'au dernier. Parmi les quelques maisons brûlées, il y eut l'imprimerie de Kepler. Seul le papier vierge, manuscrit ou imprimé fut épargné par les flammes, vite roulé dehors dans ses tonneaux. Mais la presse et l'horloge à calculer étaient parties en fumée, et les caractères destinés aux Tables Rudolphines transformées en une marre de plomb fondu. La pais revint en Haute Autriche. [...] La situation à Linz devenait intenable. [...] Le mathematicus impérial n'avait donc plus rien à y faire. Il proposa Nuremberg ou Ratisbonne comme nouvelle résidence possible, espérant que, en croyant lui nuire, l'empereur l'enverrait à Franfort. Ce fut Ratisbonne." J.-P. Luminet, L'Œil de Galilée
|
(Source: Wikimedia Commons) |
En fait, ces quatre dernières années de sa vie tiennent plutôt d'une errance entre Ratisbonne, Ulm
-où il réussira à faire enfin imprimer les fameuses Tables Rudolphines- et
Sagan,
chez son dernier protecteur, le duc de Wallenstein, façon pour ce
dernier de le remercier, bien des années après, du radieux horoscope
que Kepler lui avait dressé en 1608. Chance pour l'astronome, les
prédictions de l'astrologue ne s'étaient pas trop mal accordées à la
réalité...
Quant aux Tables, Kepler fut moins heureux: tirées à 1000 exemplaires, elle s ne suscitèrent guère d'enthousiasme, notamment à la Foire de Francfort(!), pour laquelle Johannes avait de plus grandes espérances. Il devait noter: "Il y a peu d'acheteurs: c'est toujours le cas des ouvrages mathématiques, particulièrement en ces temps de chaos."
La situation a-t-elle beaucoup changé, 4 siècles plus tard ?
|
||||
La gravure de la page de gauche est une allégorie, celle d'un temple à l'Astronomie (tout ce qu'il y a de plus imaginaire). Sur les quatre colonnes à l'avant, on distingue, de gauche à droite, les noms d'Hipparque, Copernic, Tycho Brahé et Ptolémée; chaque astronome se tient près de sa colonne avec un signe de reconnaissance: un grand quadrant pour Tycho, une tablette faisant apparaître le point équant, dont on pense qu'il est l'inventeur. Notez qu'en fin géomètre, Kepler a choisi pour base de son temple un décagone, ce qui est particulièrement rare dans la réalité! . |
Source: page Maison de Kepler dans Wikipedia |
Kepler fut inhumé au cimetière de Regensburg, ravagé lors de la
guerre de 30 ans: sa sépulture n'a pas été retrouvée.
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Toutefois un monument commémoratif, quelque peu néo-classique (rappelant le temple imaginé en frontispice des Tables Rudolphines), a été édifié. Inauguré en 1808, endommagè en 1809 lors de la bataille (page plus complète en Allemand) ayant opposé les troupes napoléoniennes aux Autrichiens, il a été restauré, et déménagé en 1859 dans la Fürst-Anselm-Allee lors de la construction de la gare ferroviaire. |
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Source: page Kepler-Monument (Regensburg) dans Wikipedia... en attendant de faire une visite sur place. |