Attention,
ce ne serait pas
la célèbre
fenêtre
de Viviani, car elle
n'est pas
sphérique... Sa projection horizontale serait certes une
lemniscate (courbe en forme de 8), mais du modèle
( x²
-y²)² + a²y² - b²x²
= 0 ; a > b
|
Ajoutons qu'un seul nœud ne fait pas la
décomposition: il en faudrait deux, et cela n'arrive que si
les
deux cylindres sont de même rayon.
Cette chose rare architecturalement, plus encore que la
décomposition, le
Mathouriste pense
l'avoir trouvée dans les vomitoires du
théâtre
de Milet: la courbe est nodale (on n'en voit qu'une portion
-à
droite-, puisque le cylindre défini par la voute de
l'escalier
ne se prolonge pas au dela de l'intersection), et pour autant qu'il
se souvienne, les cylindres n'étaient pas
isométriques!
Milet (Turquie),
théâtre: la
sortie vers les gradins (lumière) est moins large que
l'escalier intérieur
d'accès (dans l'ombre)
Lorsque le matériau est la pierre, le travail exige une
grande
expertise dans la coupe: en témoignera l'Observatoire de
Paris,
de
l'architecte
Claude Perrault.
Paris, l'Observatoire
(1667-1669)
Intersections de Cylindres:
Génératrices Horizontales et Verticales
Même s'il n'y
a pas de
différence géométrique, notre
perception n'est pas
la même: on passe de deux toits à un toit et un
mur.
Sainte-Sophie, à Istanbul, sera de nouveau
convoquée
comme témoin: une voute cylindrique y est percée
par un
mur cylindrique; des colonnes matérialisent même
quelques
génératrices verticales!
Istanbul (Turquie),
Sainte Sophie (achevée en 537)
Le
Mathouriste a
eu l'heureuse surprise de découvrir un exemple plus ancien
à Ostie, le port de la Rome antique. L'emploi de la brique a
permis un travail précis sur la courbe d'intersection -qu'on
en
juge par les détails ci-dessous- sans faire appel
à une
expertise sur les coupes de pierre qui, pas mal
d'années
après (voir plus haut nos images de l'Observatoire de
Paris), mobilisera des géomètres aussi
fameux que
Desargues et Monge... Ce bâtiment date probablement du II
ème
ou III
ème siècle de notre
ère.
Ostia Antica (Italie)
Quelques angles
variés pour apprécier le caractère
gauche de la courbe...
Plus près de
nous,
l'architecture baroque, qui aime exposer à la rue la face
concave du cylindre, offre une autre vision du même objet
géométrique. Mias attention: dans l'image qui
suit,
plusieurs cylindres à génératrices
horizontales
sont utilisés, et le tracé de la
fenêtre est une
réunion de biquadratiques d'intersection.
Noto (Sicile)
Et si l'on veut voir
trois cylindres
-deux à génératrieces horizontales, le
troisième d'axe vertical), rendez-vous dans le quartier de
Galata, à Istanbul
Istanbul (Turquie):
Yeralti Camii, la mosquée souterraine (XVIIèmesiècle )
N.B. : Voici un
exemple d'un autre domaine, qui certes nous éloigne un peu
de l'architecture, mais qui est révélateur du
caractère très courant de ces intersections dans
l'industrie du XIX
èmesiècle
et de la première moitié du XX
èmesiècle:
le
dôme
de vapeur et la chaudière d'une
locomotive constituaient deux cylindres de révolution d'axes
concourants. Donc se rencontraient suivant une bien jolie
biquadratique! Si vous visitez un musée des chemins
de fer,
vous n'y échapperez pas: on le trouve sur tous les
modèles.
Le dôme de
vapeur se situe juste derrière la cheminée
Avec des Cylindres Elliptiques...
La
Salle de
l'Écho, à l'
abbaye
de La Chaise-Dieu,
a pour plafond une voute formée de deux portions de
cylindres
elliptiques, d'axes perpendiculaires. Ils ont été
construits
pour que leur intersection soit décomposée en la
réunion de deux ellipses,
dans les plans verticaux ayant pour bases les diagonales de cette salle
rectangulaire: c'est ce qui permet d'exploiter la
propriété bifocale de l'ellipse pour garantir le
secret
des conversation. (voir
cet
encadré de notre page
Apollonius
à Pergé).
Le caractère cylindrique est évident au premier
regard:
les maçons ont manifestement travaillé avec des
règles, et c'est naturel. Dès lors; chacune des
surfaces
est un cylindre, et, les
génératrices s'appuyant sur une des deux
ellipses de
l'intersection voulue,les deux cylindres sont
elliptiques.
Nous en avons aidé la visulisataion sur l'image de droite,
en
coloriant en rouge les génératrices de l'un, en
bleu
celles de l'autre :
|
|
|
vue latérale |
vue de face |
illustration des
génératrices des deux cylindres |
Les génératrices rouges, quasi frontales,
conservent leur
parallélisme dans l'image, tandis que les bleues,
elles-aussi parallèles entre elles, par effet de perspective
de
la photo, convergent vers un point de fuite approximativement
situé en bas et à droite (sur le montant droit de
la
fenêtre).
Ces deux cylindres ont une une intersection
décomposée en
les deux ellipses dont le tracé est
matérialisé
par les décorations du plafond; ce sont elles dont on
utilise la
propriété de réflexion d'un foyer
à l'autre
pour transmettre deux conversations à voix basse
(confessions),
inaudibles des autres points de la salle.
Il s'agit
donc dans ce cas d'une propriété des courbes, et
non des surfaces (cylindres elliptiques, ou
ellipsoïdes).
Où l'on
vérifie qu'une ellipse est dans un plan vertical au dessus
de la diagonale de la salle
Pour les amateurs d'équations ...
... le calcul est très facile.
En considérant une salle de longueur 2L et de largeur 2l
(le facteur 2 n'est là que pour simplifier nos équations
: amateur ne signifie pas masochiste!), un plafond de hauteur 2h
(du haut du mur vertical au point le plus haut) , les deux cylindres
s'écrivent, dans un système d'axes selon les directions
naturelles de la pièce:
x2 / L2 + z2 / h2 = 1 ( C1 )
y2 / l2 + z2 / h2 = 1 ( C2 )
|
Remplaçant la deuxième équation par la
différence des deux, on définit désormais
l'intersection par un des deux cylindres et la réunion de deux
plans, qui sont les plans verticaux construits sur les diagonales de la
salle.
x2 / L2 + z2 / h2 = 1
x2 / L2 - y2 / l2 = 0 = ( x/ L - y / l ) . ( x/ L + y / l )
|
L'intersection est donc la réunion ce ces deux ellipses verticales
x2 / L2 + z2 / h2 = 1
x/ L - y / l = 0
|
x2 / L2 + z2 / h2 = 1
x/ L + y / l = 0 |
|
Quand le Soleil décompose les
Intersections...
Cône et Sphère
Supposons qu'un cône et une sphère aient un cercle
en
commun. L'application du théorème initialement
rappelé fait qu'ils auront une deuxième conique
en
commun. Et comme celle-ci est une section plane de la
sphère...
ce sera un deuxième cercle!
La figure est banale si le cône est de révolution,
et la
sphère centrée sur son axe: les deux cercles sont
parallèles. Elle l'est beaucoup moins lorsque le
cône est
quelconque et oblique! Or, il existe un endroit où l'on peut
admirer ce cas, et où il résulte de la
volonté
architecturale. Beaucoup de gens le voient chaque année, ...
mais bien peu en voient la géométrie: c'est le
Panthéon
de Rome. Son ouverture sommitale circulaire
définit, avec le soleil pour sommet, un cône de
lumière...
qui
recoupe la coupole sphérique suivant un autre cercle, quelle
que soit l'heure
(et l'inclinaison du soleil, qui correspond à un
déplacement apparent du sommet du cône). Il faudra
bien
sûr, pour cela, faire abstraction des caissons
décoratifs.
Le Panthéon d'Hadrien (Rome, 125)
" J’avais
voulu que ce sanctuaire de tous les Dieux reproduisît la
forme du globe
terrestre
et de la sphère
stellaire,
du globe où se renferment toutes les semences du feu
éternel, de la sphère creuse qui contient tout. [...] Ce temple ouvert et secret
était conçu comme un cadran solaire. Les heures tournaient en rond
sur ces caissons soigneusement polis par les
artisans grecs ; le disque du jour y resterait suspendu comme
un bouclier d’or. "
(Marguerite Yourcenar, Mémoires
d’Hadrien, 1951, Plon)
Ainsi peut-on écrire un roman à
succès, gagner une place à l'Académie
Française, et n'avoir pas vu l'essentiel... pour un
mathématicien.
Cône et Cylindre
Un grand bon dans le temps va nous mener à un temple... de
l'art contemporain, le
Hirshhorn Museum de Washington
(USA), œuvre de l'architecte Américian
Gordon Bunshaft (1974).
Extérieurement, le musée apparait comme un
cylindre sans ouverture...
le Hirshhorn Museum, sur
le Mail, à Washinton DC.
Sculpture: Henry Moore, Three-Way Piece n°3:
Vertebrae
(1968, working
model)
... mais c'est en fait un
double
cylindre, les espaces d'exposition se trouvant
entre
les deux cylindres coaxiaux. Le visiteur féru d'Art et de
Géométrie y fera d'ailleurs
d'intéressantes
rencontres, et
le
Mathouriste compte bien vous en
reparler prochainement, et tout particulièrement d'Hnery
Moore.
Pour l'instant, contentons nous de pénétrer dans
sa cour
centrale, où un jet d'eau matérialise l'axe des
cylindres
concentriques.
Au soleil du soir -ou du matin (il faut, pour apprécier au
mieux, une certaine inclinaison des rayons du soleil), le
cône de
lumière coupe le cylindre intérieur selon son
cercle
sommital, et le recoupe donc suivant une deuxième conique -
une ellipse,
cette fois, puisque c'est une section oblique du cylindre. Voici le
résultat!
|
|
L'ellipse d'intersection comme
ligne de séparation ombre-lumière |
Le grand diamètre de l'ouverture interdit de voir l'ellipse
dans
sa totalité -il faudrait pour cela que le bâtiment
soit
beaucoup plus haut. La portion tracée
permet
de bien se rendre compte de sa nature, y compris d'en
apprécier
la planéité, en se positionnant sur son axe
projeté, et en jetant alternativement son regard
à droite
et à gauche.
Remarque:
L'ensemble des rayons solaires frappant le cercle sommital peut aussi
être considéré comme un cylindre
(rayons
parallèles: le cylindre n'est qu'un cône dont le
sommet
est rejeté à l'infini.)
Cela ne change rien aux résultats
énoncés:
l'intersection est décomposée (deux quadriques
ayant une
conique commune), et l'intersection reste une ellipse au Hirshhorn, un
cercle au Panthéon, parce qu'il reste section plane de la
sphère!
Vers
les autres sections: