Comme le
célèbre sextuor de Tchaïkovski, cela
pourrait s'intituler
Souvenir
de Florence, puisque ce mathématicien y passa
toute sa vie (1622-1703). Vous la trouverez
présentée
ici ou
là, mais pourquoi ne
pas la savourer dans un style "d'époque", avec l
'Éloge
de Monsieur Viviani que
Fontenelle,
Secrétaire Perpétuel, présenta
à
l'Académie des Sciences pour lui rendre un hommage posthume.
"VINCENZIO VIVIANI, Gentilhomme
Florentin, naquit à Florence le 5 Avril 1622.
À l'âge de 16 ans, son Maître de
Logique, qui
étoit un Religieux, lui dit qu'il n'y avoit point de
meilleure
Logique que la Géométrie, & comme les
Géomètres qui encore aujourd'hui ne sont pas fort
communs, l'étoient beaucoup moins en ce tems-là,
il n'y
avait alors dans la Toscane qu'un seul Maître de
Mathématique, qui étoit encore un Religieux, sous
lequel
M. Viviani commença à étudier."
C'est donc dans divers lieux de cette ville que nous vous
invitons
à découvrir les traces de sa présence.
Quant
à sa célèbre courbe... c'est, comme on
le
découvrira, ailleurs qu'il conviendra de la chercher!
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Portrait par Pietro
Stoppioni,1806 (Musée Galilée, Florence) |
Médaillon
à La Specola (Museum d'Histoire Natrurelle, Florence) |
Fenêtre de Viviani,
diverses intersections (site Mathcurve.com de Robert
Ferréol) |
Les Lieux
Rien n'explique mieux où le
rencontrer que de poursuivre la
lecture de l
'Éloge
de
Fontenelle:
"Le
grand Galilée étoit alors fort
âgé, & il
avoit perdu, selon sa propre expression, ces yeux qui avoient
découvert un nouveau Ciel. Il n'avoit pas cependant
abandonné l'étude; ni son goût, ni ses
étonnants succès ne lui permettaient de
l'abandonner. Il
lui falloit auprès de lui quelques jeunes gens, qui lui
tinssent
lieu de ses yeux, & et qu'il eût le plaisir de
former. M
Viviani à peine avoit
étudié la Géométrie un an,
qu'il fut digne
que Galilée le prît chez lui, & et en
quelque
manière l'adoptât. Ce fut en 1639."
Viviani a donc 17 ans quand il devient secrétaire et
disciple de
Galilée; et il le restera 3 ans, jusqu'à la mort
de son
mentor. Après quoi, il veillera à ses
funérailles
et à la conservation de sa mémoire...
Dès lors,
c'est en se livrant à un "Parcours Galilée" dans
la
ville (encore de bien belles promenades: il faudra
que le
Mathouriste
prenne le temps de vous les faire partager...) qu'on rencontrera
Viviani.
Deux (ou trois) Musées...
D'abord, le nouveau -et splendide-
Musée
Galilée
(il s'appelait
Museo di Storia della Scienza avant
2010)
abrite, outre le portrait ci-dessus, un tableau représentant
Galilée en compagnie de Viviani. On reconnait mieux le
premier
que le second, mais puisque c'est le site Internet du musée
qui
le dit....
Tito Lessi, Galileo
& Viviani, 1892 (Musée Galileo, Florence)
Sur l'autre rive de
l'Arno -l'
Oltrarno comme
on l'appelle là-bas, le
Museo di Storia Naturelle La Specola,
installé dans le palais Torrigiani sur la Via Romana, non
loin
du très connu Palais Pizzi, possède une salle
remarquable
dénommée
Tribune
de Galilée (Tribuna di Galileo)
décorée de sculptures et peintures à
la gloire de
Galilée et ses disciples. Il s'agit d'un ensemble
pensé
de façon globale, homogène, voulu par
Leopold II, Grand Duc de Toscane,
installé en 1841 dans ce lieu (qui était un
musée depuis
1771, destiné à abriter les collections
d'instruments de
physique et d'espèces naturelles accumulées par
les
Médicis); l'inauguration eut lieu à
l'occasion du
troisième Congrès des Sciences Italiennes.
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Buste de Viviani
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Galilée
et ses deux plus célèbres disciples: Toricelli et Viviani |
Tribune de Galilée
(Musée La Specola, Florence) |
Le buste de Viviani
est du sculpteur Luigi Magi; la statue de Galilée de
Aristodemo Costoli, à qui l'on doit aussi celle de laTribune
des Offices.
Le portrait le plus fréquemment montré (pages
Wikipedia)
est présenté à la Galerie des Offices;
il a
l'avantage d'avoir été peint de son vivant..
Viviani, par Domenico
Tempesti (1690)
...et un Palais!
Viviani habitait
près de l'église Santa Maria Novella (et donc,
aujourd'hui, près de la gare centrale) le Palazzo dei
Cartelloni, parfois désigné en
Français comme Palais
des Placards. Il avait fait décorer la
façade de sculptures représentant des affiches
(les placards),
sur lesquelles est écrit en Latin un texte à
la
gloire de son maître, dont un buste orne le portail. La rue
Sant'Antonino est particulièrement étroite, on
regrette
donc le manque de recul pour admirer cette façade, l'une des
plus originale de Florence!
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La rue
Sant'Antonino et l'entrée du Palais. |
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Détail
: buste de Galilée au dessus du porche |
Le
"placard" de droite |
Cette demeure fut conçue par l'architecte Giovan Battista
Nelli au XVème siècle, ornée d'un
buste de Galilée en 1610, œuvre deGiovanni Caccini
; Viviani y fit installer les panneaux gravés en 1693. Elle
st aujourd'hui occupée par
SACI
Studio Art Centers International, organisation Américaine
à but non lucratif pour l'enseignement artistique.
Élévation
de la façade, XVIIIème siècle (source:
page Wikipedia Italienne).
La Fenêtre dans
le Dôme
Un Curieux Problème...
C'est avec une certaine
facétie -au point d'user d'un
pseudonyme- que Viviani pose, en 1692, le problème dit de la
Voûte
quarrable, dont la célèbre courbe
sera solution: il s'agirait de pratiquer des ouvertures dans un
dôme hémisphérique, de façon
à laisser subsister une portion de
sphère
quarrable
: par là, il faut entendre que son aire s'exprime
algébriquement en fonction de son rayon. (Rappelons qu'en
l'absence d'ouverture, l'aire d'une hémisphère de
rayon
R
s'exprime par 2π
R2
et fournit un exemple "non quarrable" au sens donné par
Viviani, quoique l'
irrationnalité de π ne soit pas
encore prouvée! )
Une traduction (avec
quelques coquilles sur le nom de l'auteur)
Voici ce qu'en dit Fontenelle:
"Ce
problème de la Voute quarrable faisoit partie d'un Ouvrage
que
M. Viviani donna la même année 1692,
intitulé :
La Struttura, & Quadratura esatta dell'intero, e delle parti
d'un
nuovo Cielo ammirable, ed uno degli antichi, delle volte regolari degli
Architetti. Il y traite
tant en
Géométre, qu'en Architecte, des Voutes anciennes
des
Romains, & d'une Voute nouvelle qu'il avoit
inventée, &
qu'il nommoit Florentine.
Il
avoit souvent rappelé la Géométrie
à
l'usage des Arts, & il en préféroit
l'utilité
à une excessive sublimité ."
Quelques remarques s'imposent:
- A.D. PIO
LISCI PUSILLO GEOMETRA est un anagramme de POSTREMO GALILAEI DISCIPULO. Galilée
aimait ce genre de jeux -dans sa correspondance avec Kepler, par
exemple- et Pascal avait lui aussi eu recours à un
pseudonyme en
lançant son défi sur la cycloïde.
- Ce texte est un défi de
"géomètre
à l'ancienne" (déjà!) à
ceux de la nouvelle
vague, tenants du Calcul Différentiel naissant (et loin
d'être alors d'une limpidité à toute
épreuve): c'est le sens à donner au premier
paragraphe.
On en perçoit l'ironie, puisque Viviani,
tenant de
la "Pure Géométrie" a une solution dans sa
poche...
- Si le problème figure dans un ouvrage
à vocation
architecturale, le problème n'en est pas moins...
imaginaire. On
évoque parfois l'étude de la coupole du Duomo de
Florence: il suffit de l'observer (notre fond de page) pour voir
qu'elle n'a rien d'hémisphérique; d'autre part
elle fut
conçue en 1418 par Brunelleschi...
Que Viviani ait, souvent, été consulté
par les
Médicis sur des questions de travaux publics ne peut
justifier
un tel anachronisme! Un "temple à la Féconde
Géométrie" est encore une façon pour
l'auteur
d'affirmer le camp qu'il a choisi.
- Tel qu'il est posé, le problème est
en fait
très indéterminé. La solution de
Viviani aura pour
aire 4R2,
ce qui répond au problème; mais on
conçoit qu'au
prix de courbes "plus compliquées" on puisse obtenir
d'autres
multiples rationnels de R2
.
"La" Courbe Solution
Le mérite de Viviani est
d'obtenir sa solution de
manière
très élémentaire, par intersection de
deux
surfaces les plus simples possibles: une sphère et
un
cylindre tangents dont les rayons sont dans un rapport de 2
à 1.
L'opération est symétrisée avec un
deuxième
cylindre tangent en un point diamétralement
opposé de la
sphère, afin d'obtenir les quatre ouvertures
souhaitées.
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Courbe de Viviani; (S1)
et (S1)
sont tangentes en S.
(dessin manuel de
l'auteur)
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Application
au "temple de la féconde Géométrie"
Image de R. Caddeo, S. Montaldo et P.Piu dans [ 3
]
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On peut
imager l'opération de manière très
simple: et très parlante pour le
non-mathématicien: c'est le résultat de l'action
d'un dénoyauteur à cerises (indispensable
à la réalisation d'un bon clafoutis),
(S1)
sur la figure ci-dessus, dont la perforation n'est pas
centrée sur un axe de la sphère
(S2),
mais la frôle tangentiellement...
On donne souvent la description équivalente: lieu
des
points dont la longitude est égale à
la latitude. Un bateau qui naviguerait dans l'Océan
Pacifique (choisi pour qu'il y ait la place...) en suivant toujours
cette règle décrirait une fenêtre de
Viviani. C'est d'ailleurs la manière choisie par Jakob
Bernoulli pour la décrire, en la donnant comme solution du
problème; mais ni lui, ni Viviani n'explicitent leur calcul
d'aire; ils se contentent d'affirmer le résultat.
Pour les amateurs
d'équations, précisons ces deux
formes, en coordonnées cartésiennes d'origine O,
centre de la sphère, puis en coordonnées
sphériques: θ, φ désignant
respectivement longitude et latitude, il suffit de faire
θ = φ dans la représentation de la
sphère en coordonnées sphériques.
x2 + y2 + z2 = R2
x2 + y2 - Rx = 0
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x = R cos2
θ
y =
R cos θ
sin θ
z =
R sin
θ |
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Coordonnées
cartésiennes d'origine O
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Paramétrage |
Du
paramètrage, on tire facilement
R x = R2
(1 - sin2 θ)
= R2 - z2
ce
qui place la courbe sur un cylindre parabolique de direction (Oy). On obtient
d'ailleurs le même résultat en retranchant membre
à membre les deux équations
cartésiennes du cylindre et de la sphère. On
connait ainsi deux projections, sur (xOy) et (xOz); on
achève la détermination de la projection frontale
-ie sur (yOz) en
éliminant x
entre les deux équations; il suffit pour cela de prendre le
système sphère-cylindre parabolique
définissant la courbe de manière
équivalente
x2 + y2 + z2 = R2
R x = R2 - z2
|
et de reporter la
deuxième dans la première; on trouve la
définition équivalente
z4 + R2 ( y2 - z2
) = 0
R x = R2 - z2
|
dont la
première équation montre que la projection
frontale est une lemniscate (nom
générique des courbes en forme de 8), certes,
mais pas de
Bernoulli comme on pourrait être tenté de
répondre trop impulsivement...
C'est ce qu'on appelle
la lemniscate de Gerono ; toutefois
son paramétrage y =
(R/2)
sin (2θ) ; z =
R sin
θ permet
de la reconnaître aussi comme courbe de Lissajous
particulière.
Une
représentation "à la Monge", par
l'épure des trois projections.
Quant au défi...apprenons ce qu'il en fut en reprenant notre
lecture de la
lecture de l
'Éloge
de
Fontenelle:
"Il marquoit que l'on attendoit
cette Solution de la Science secrète des illustres Analistes
du tems. Ce qu'il entendoit par cette Science
secrète, étoit sans doute , la
Géométrie des Infiniments petits, ou le Calcul
différentiel, quà peine connaissoit-on de
Réputation en Italie.
Le Problème de M. Viviani fut en effet bientôt
expédié par cette Méthode. M. Leibnits
[sic] le
solut le même jour qu'il le vit, & le donna dans les
Actes de Leipsic [sic] en une infinité de
manières, aussi bien que M. Bernoulli de Bâle. Le
nom de M. le Marquis de l'Hôpital ne parut point alors dans
les Actes, parce que la guerre l'avoit empêché de
recevoir ce Journal. Mais l'envoyé de Florence à
Paris lui ayant proposé cette Enigme qui étoit
sur une feuille volante, M. de l'Hôpital lui en
donna aussitôt trois solutions, & lui en auroit
donné une infinité d'autres, sans la trop grande
facilité qu'il y trouva ."
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Croquis de Leibniz
|
Croquis
de Bernoulli |
Bref, en ce
tournant de siècle, le Calcul Infinitésimal
(plutôt le Calcul Intégral que
le Calcul Différentiel, d'ailleurs, preuve que pour
Fontenelle emploie indifféremment les trois
dénominations) affirme son écrasante
supériorité sur les méthodes
géométriques basées sur des
découpages, qui ont faitt les beaux jours des calculs
d'aires planes d'Archimède à Cavalieri, en
passant par
Roberval
et Pascal pour la Cycloïde). S'il a cru mettre les
"Analistes" en
difficulté, Viviani en est pour sa tentative... et
Fontenelle de conclure avec élégance:
"Il
est facile de juger qu'avec de pareilles dispositions, quoiqu'il
eût été nourri dans l'ancienne
Géométrie, & qu'il fut d'un Pays si plein
d'esprit,
il auroit reçu sans répugnance, s'il eut
vécu plus
long tems, la nouvelle Géométrie du Septentrion
[...]."
Quel joli nom pour le Calcul Infinitésimal, il est vrai
inventé bien plus au Nord par Leibniz et Newton! Quant au
calcul proprement dit,
vous pouvez le trouver
ici (fin de la page), par exemple,
ou dans [
2].
[
2] montre
également plusieurs façons d'usiner un
modèle:
- la manière de Viviani d'abord,
à partir d'un
bloc de bois parallélépipédique dans
lequel on a
percé deux trous cylindriques tangents,
l'extérieur
étant ensuite poli pour obtenir la sphère;
- une réalisation récente en aluminium.
Aussi sur un Cône, Pourquoi?
On peut, certes, continuer à
manipuler les équations.
Celles des cônes étant plus aisées
à
établir... ou à reconnaître (annulation
d'une
fonction homogène) quand l'origine est au sommet,
on
commence
par translater le repère en
S (
R,0,0) ; notant
X,
Y,
Z les
coordonnée dans ce nouveau repère, les
équations de la sphère et du cylindre deviennent
X2 + Y2 + Z2 + 2RX = 0
X2 + Y2
+ RX = 0
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Coordonnées
cartésiennes d'origine S
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Une
combinaison
évidente (retrancher à la première
deux fois la
seconde) permet de définir la courbe comme intersection du
cylindre et d'un cône, reconnu comme promis à
l'homogénéité de l'équation
X2 + Y2 - Z2 = 0
X2 + Y2+ RX = 0
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Coordonnées
cartésiennes d'origine S |
Reste à en voir
l'intérêt. C'est une technique inventée
par
Monge,
dans sa
Géométrie
Descriptive, pour trouver les tangentes à
l'intersection de deux surfaces en un point où elles ont
même plan
tangent. Clairement, en ce cas, le théorème :
"
La tangente en M à la courbe d'intersection de deux surfaces
est
l'intersection de leurs plans tangents respectifs en M" ne
s'applique plus; c'est ici le cas en
S.
Monge a alors l'idée de prouver que
"la
tangente au sommet du cône à un arc
tracé sur
celui-ci est encore une génératrice du
cône". C'est facile analytiquement,
mais un argument "d'époque" -si l'on ose dire- est le
suivant: pour tout point
P
de la courbe voisin de
S,
la sécante SP est une génératrice;
sa limite, qui est la tangente en
S, en est encore une.
Dès lors, la tangente à tout arc passant par S
est située:
1) sur le cône de sommet S et directrice la courbe de Viviani
(nous venons d'en obtenir l'équation par manipulation
élémentaire);
2) dans le plan tangent en S au cylindre (commun avec la
sphère).
Les tangentes sont donc les génératrices
d'intersection
du cône avec ce plan, ce qui en fournit la construction sans
aucun calcul!
|
Cône de Monge
et quelques unes de ses génératrices: SNN', SPP', ...
(P est un point quelcnoque de la courbe de Viviani; le cône
est l'ensemble de ses génératrices. Elles ont
été prolongées jusqu'à un
point P' d'un plan z = K dans laquelle une diretrice de ce
cône est circulaire.
SS' est l'une des
deux tangentes en S:
elle est l'intersection du cône de Monge avec le plan tangent
commun, reprsenté en moucheté.
|
LA figure qu'il
fallait oser
faire!
Sphère, cône, cylindre... et le plan tangent en
S.
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Quelle réalité architecturale?
Commnençons par un constat
amusé: la
propre demeure de Viviani se prêtait fort mal à un
passage
à l'acte architectural de son idée; il s'en est
donc bien
gardé. Il n'est pas sûr qu'il y ait
songé; ce
n'était pour lui qu'un plaisant exercice de l'esprit.
Néanmoins, trouver dans un
monument une
intersection sphère-cylindre exactement
positionnée reste
un défi intéressant, que le
Mathouriste
n'a pas encore été capable de relever.
Examinons de plus près les contraintes:
- En
extérieur, très peu de monuments
exhibent une coupole
sphérique.
Il y a bien une intersection entre une sphère et deux
cylindres... au Grand Palais à Paris; mais la biquadratique
d'intersection des deux surfaces n'a
pas de point double! Et notons que cela ne suffit pas: si
les rayons ne sont pas dans le rapport 2:1 , on obtient "seulement" une
hippopède d'Eudoxe...
Paris, Grand Palais.
Deux cylindres, une sphère, une rencontre... mais pas celle
que l'on souhaite!
- En
intérieur, on peut observer beaucoup d'intersections cylindre-cylindre
avec un point double et un plan tangent commun; mais la courbe
d'intersection (bicylindrique) n'est pas
sphérique et ne ressemble à celle de Viviani que
par son
aspect nodal! Mais beaucoup de coupoles à
l'intérieur des
églises, des mosquées....ont, en revanche,
la forme
sphérique, symbole de la perfection céleste,
alors que
leur aspect externe est plus allongé. Il n'y a plus
qu'à
leur faire rencontrer tangentiellement un cylindre de rayon
moitié...
- Les auteurs de [ 3
] mentionnent -ils ne sont pas les seuls- l'intérieur de
l'église San Fedele à Milan.
La seule image disponible ne montre hélas
pas clairement la
chose -et du reste ne prétend pas la montrer (on la verra plus bas,
comparée à une photo de l'intérieur), c'est le moins qu'on puisse dire!
Le Mathouriste avait en vain lancé, en 2013, un appel aux nombreux mélomanes partis célébrer le bicentenaire de Verdi
à
la Scala de Milan, excellente occasion car
San Fedele en est à moins de deux minutes à pied, encore moins de la
galerie commerciale Vittorio Emmanuelle II, à peine plus du Duomo...
Les fanatiques verdiens ne doivent pas connaître With a littrle help from my friends, puisqu'aucune réponse ne lui parvint, et il ne restait plus au Mathouriste que
la solution d'y aller voir lui-même. Avec au cœur une légère
accélaration, il s'approcha de la place, dut ronger son frein et une
portion de pizza pour attendrela réouverture de l'église (les églises
italiennes ont la fâcheuse habitude de fermer pendant deux heures au
moins à l'heure du déjeuner...)
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Piazza San Fedele: vue générale, avec
au fond la façade d'entrée de l'église
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Aucun doute en entrant: on est
bien dans l'église représentée sur la gravure, tous les détails
coïncident: arches, colonnes, fenêtres à l'étage supérieur, petit
"kiosque" derrière l'autel, voutes sphériques (du moins peut-on
raisonnablement le supposer), décoration du plafond....
Mais où diable (si tant est que le mot convienne à l'endroit...) pourrait-il y avoir une fenêtre de Viviani?
Ce dessin est, au demeurant, de bonne qualité dans sa représentation en
perspective. S'il en fait voir une, cest que deux arcs dessinés se
rejoignent à gauche de l'image, non par illusion perspective, mais dans
la réalité; de quoi laisser sceptique avant même d'avoir fait le
voyage. Pour être franc, leMathouriste
n'a jamais été convaincu que cette gravure montrât quoi que ce soit,
mais l'intime conviction n'a pas cours en mathématiques, et quel juge
trancherait sur un dossier aussi léger, où l'unique pièce ne se laisse
guère lire cliarement?
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"Le" dessin de
l'intérieur de San Fedele (source inconnue) |
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Le plan fait voir une nef
composée de deux "cellules" identiques, à base rectangulaire (presque
carrée... ce qu'elle est probablement hors "ameublement", donc au
niveau des voûtes!) .
Or, et c'est là le point capital, chacune a sa propre voûte sphérique -ou voulant l'être.Si une seule sphère dominait les deux cellules, nous pourrions retrouver la configuration
mais ce n'est absolument pas le cas, comme le fait voir notre cliché.
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plan de l'église
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vue vers l'entrée
(sens opposé à celui de la gravure)
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Rien non plus du côté du dôme, qui surmonte un tambour sur pendantifs -rien que du très classique!
Encore une précision qui pourrait avoir son importance: un bombardement
allié, le 16 août 1943, a détruit, presque totalement, l'église. Plutôt
incroyablement, seule était restée debout sur la place la statue de
l'écrivain Alessandro Manzoni.
Mais l'église a été reconstruite à l'identique -à l'exception des
statues au sommet du fronton, comme l'indique la confrontation entre
une gravure ancienne et notre photo. Une volontaire du Touring Club
Italien nous l'a confirmé... et des articles le mentionnent également.
Il n'est donc pas possible de croire à l'existence d'une fenêtre de
Viviani avant la Seconde Guerre Mondiale, que la restauration
postérieure aurait fait disparaître.
Une déception certaine, mais au moins, une clarification... tant pis pour la légende!
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Mais une
quasi-réalité sculpturale!
Il n'y a
quand-même pas que l'Italie, pas que la vieille Europe... Une
fenêtre de Viviani, le
Mathouriste
en a trouvé une (ou presque) devant le nouvel
Hôtel de ville de Dallas
(conçu par
I.-M.
Pei
en 1964 et achevé en 1978). Et même deux! C'est
une sculpture flottante
signée par
Marta
Pan, artiste Française d'origine
Hongroise, qui n'en était pas à son premier essai
du genre.
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Dallas, Texas (USA): le City
Hall et la sculpture flottante de Marta Pan |
Bon, on sait ce que le lecteur sourcilleux va dire: ce n'est
pas tout
à fait
une fenêtre de Viviani. Il objectera que l'angle de la photo
cherche à favoriser l'illusion. Mais cette illusion n'est
rien
d'autre que celle que produit l'éloignement de l'oeil,
naturel
quand on déambule autour du plan d'eau. D'ailleurs, le
Mathouriste
n'a rien à cacher, et, au prix d'un peu de patience (la
rotation
des sphères sur elle-même se fait aux caprices de
l'eau et
du vent, et cela fait partie du charme même de
l'œuvre), il
a pu réaliser une vue frontale du nœud:
On nous accordera que ce n'est pas loin du tout, et qu'il faut prendre
en compte les contraintes mécaniques de la
réalisation
(trop de fragilité au point nodal). Le
Mathouriste
serait prêt à parier que l'intention de l'artiste,
le
premier croquis avait un point nodal. Et il est clair qu'une
génératrice du cylindre est un
diamètre de la
sphère. Bref, c'est indiscutablement la
réalisation
artistique la plus proche!
Que les amateurs de surfaces ne quittent pas les lieux sans aller
caresser l'autre sculpture, d'Henry Moore (à gauche sur la
vue
centrale)...
Des
confusions à éviter
La courbe de Viviani est si présente dans l'esprit des
mathématiciens qu'on a envie de la voir dès
qu'une forme
un peu ressemblante saute aux yeux. Gare donc aux "fausses amies":
Toutes peuvent, localement, nous présenter de magnifiques
croisements à angle droit, évoquant
irrésistiblement la courbe de Viviani sans jamais lui
être
égale... Ainsi, [
3
] donne l'exemple du
musée maritime d'Osaka, conçu par Paul Andreu, en
précisant:
"Nous
ne sommes pas sûrs
que ces courbes soient des fenêtres de Viviani, mais elles
pourraient certainement en être."
Après des hésitations dûes au manque
d'informations
précises, nous inclinerions dans ce cas pour des loxodromies.
En effet, si l'on
observe la structure tubulaire (photo de droite), on constate qu'
à
chaque point où ces lignes rencontrent les
méridiens,
l'angle est manifestement de 45°. .
Les côtés des quadrilatères curvilignes
forment une
version
discrétisée d'une courbe qui
vérifierait cela
en
tout point;
naturellement seul l'éloignement
crée l'illusion visuelle d'une courbe lisse! Les architectes
qui cherchent un tel effet ne s'en cachent pas (voir par exemple [5]);
c'est la longue tradition qui part du calcul de π par
Archimède et aboutit à l'illusion de voir des
courbes
lisses sur nos écrans d'ordinateur (et plus l'acran comporte
de
pixels, meilleure elle est) en passant par la
définition du ds²
selon Leibniz, qui applique à un triangle curviligne
infinitésimal le théorème de Pythagore
pour un
triangle ordinaire.
Le modèle à chercher est donc une courbe
dont le
vecteur unitaire tangent en tout point ferait lun angle de 45°
avec
les méridiens (ou les parallèles); un
calcul en
coordonnées sphériques fournit.
x = R sin φ
cos θ
y =
R sin φ sin θ
z =
R cos
φ |
|
θ = - ln (tan φ/2)
+ θ0
|
Ces courbes ne sont pas algébriques (en raison de la
présence du
ln,
notamment) et ne s'obtiennent donc pas par intersection de surfaces du
second degré; ce qui interdit qu'il s'agisse de courbes de
Viviani.
Références
- La Fenêtre de Viviani,
sur le site www.mathcurve.com (Robert
Ferréol)
- R. CADDEO, G. FRANZONI,
Building Viviani's Windows (Conférence
Aplimat 2006)
- R. CADDEO, S. MONTALDO, P. PIU,
The Möbius Strip and
the Viviani's Windows in Math Intelligencer ,
vol 23, 2001
- B. FONTENELLE, Éloge
de Monsieur Viviani sur le site de l'Académie
des Sciences .
- M. FREIBERGER, Perfects Buildings: the Maths of Modern
Architecture in Plus Magazine .
- F. GOMES TEXEIRA, Traité
des Courbes Spéciales Remarquables, tome 2 (Gabay)
- IREM, Aux
Origines du Calcul Infinitésimal (Ellipses)
- D. LANNIER, La
Nouvelle Analyse et la Géométrie ou
Enquête sur la Fenêtre de Viviani.
(1987)