"
Un savant illustre, M. De Humboldt, a dit que le nombre et la
variété des travaux d'Arago, qui ont eu eu
également pour objet la physique du Ciel et celle de la Terre,
rendront très difficile un jour la tâche de raconter sa
vie."
F. Tisserand, Discours d'inauguration de la statue d'Arago par Oliva, place de l'Ȋle de Sein (11 Juin 1893)
[ il s'agit de la statue fondue en 1942]
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Si la statuaire du XXème siècle pose parfois quelques... problèmes d'interprétation, celle du XIXème va jusquà se lire comme un livre imagé. Ainsi, voulez-vous un résumé en quelques lignes des points saillants de la vie et de la carrière de François Arago (1786-1853)? Allez donc au cimetière du Père Lachaise, 4ème division, où il repose. C'est très facile à trouver: remontez l'avenue principale, vous le verrez sur votre droite (vous pouvez aussi utiliser ce site de localisation, dont nous avons etiré le mini-plan de droite.). Apès quoi, vous n'aurez plus qu'à... tourner autour. Face au monument, on lit, sur le côté gauche du socle, ses travaux les plus remarquables, à l'arrière les jalons de sa biographie scientifique, et sur le côté droit sa biographie politique. Le buste est une copie de celui qu'avait réalisé David d'Angers en 1843 pour l'hôtel de ville d'Estagel, sa cité natale; le sculpteur avait projeté un gisant plus grandiose, qui ne fut pas réalisé. |
Vocation:
" En me promenant un jour sur le rempart de la ville, je vis un officier du génie qui [...] était très jeune; j'eus la hardiesse de m'en approcher et de lui demander comment il était arrvé si promptement à porter l'épaulette.« Je sors de l'École Polytechnique, répondit-il. - Q'est-ce que c'est que cette école-là? -C'est une école où l'on entre par examen. - Exige-t-on beaucoup des candidat? Vous le verrez dans le programme que le gouvernement envoie tous les ans à l'administration départementale [...] À partir de ce moment, j'abandonnai les classes de l'école centrale1, où l'on m'enseignait à admirer Corneille, Racine, La Fontaine, Molière, pour ne plus fréquenter que le cours de mathématiques.» " F. Arago, Histoire de ma Jeunesse
(œuvre posthume)
1 : lycée
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Préparation:
" En parcourant ces ouvrages, je rencontrai souvent des difficultés qui épuisaient mes forces. Heureusement, [...] il y avait à Estagel un propriétaire, M. Raynal, qui faisait ses délassements de l'étude des mathématiques transcendantes. C'était dans sa cuisine, en donnant ses ordres, [...] que M. Raynal lisait avec fruit l'Architecture hydraulique de Prony, la Mécanique analytique [de Lagrange] et la Mécanique céleste [ de Laplace]. Cet excellent homme me donna souvent des conseils utiles; mais je dois le dire, mon véritable maître, je le trouvai dans une couverture du traité d'algèbre de M. Garnier, [qui] se composait d'une feuille imprimée sur laquelle était collé extérierement du papier bleu. [...] J'enlevais ce papier avec soin, [...] et je pus lire dessous ce conseil donné par d'Alembert à un jeune homme qui lui faisait part des difficultés qu'il rencontrait dans ses études: .« Allez, Monsieur, allez, et la foi vous viendra.» Ce fut pour moi un trait de lumière: au lieu de m'obstiner à comprendre du premier coup les propositions qui se présentaient à moi, j'admettais provisoirement leur vérité, je passais outre, et j'étais tout surpris, le lendemain, de comprendre parfaitement ce qui, la veille, me paraissait entouré d'épais nuages" F. Arago, Histoire de ma Jeunesse
(œuvre posthume)
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Confrontation:
" C'était la première fois que des élèves venant de Perpignan se présentaient au concours. Mon camarade, intimidé, échoua complètement. Lorsqu'après lui, je me rendis au tableau, il s'établit entre nous la conversation la plus étrange: « Si vous devez répondre comme votre camarade, il est inutile que je vous interroge. - Monsieur, mon camarade en sait plus qu'il ne l'a montré [...]; mais ce que vous venez de me dire pourrait bien m'intimider et me priver de tous mes moyens. - La timidité est toujours l'excuse des ignorants; c'est pour vous éviter la honte d'un échec que je vous fais la proposition de ne pas vous examiner. - Je ne connais pas de honte plus grande que celle que vous m'infligez en ce moment. Veuillez m'interroger, c'est votre devoir. - Vous le prenez de bien haut, Monsieur! Nous allons voir tout à l'heure si cette fierté est légitme. - Allez, Monsieur, je vous attends!» M. Monge m'adressa alors une question de géométrie à laquelle je répondis de manière à affaiblir ses préventions. De là, il passa à une question d'algèbre, à la résolution d'une équation numérique. Je savais l'ouvrage de Lagrange sur le bout du doigt; j'analysai les méthodes connues en développant les avantages et les défauts: méthode de Newton, méthoode des séries récurrentes, méthode des cascades, méthode des fractions continues, tout fut passé en revue; la réponse avait duré une heure entière. Monge [revint] alors à des sentiments d'une grande bienveillance [...] J'étais depuis deux heures et quart au tableau; M. Monge, passant d'un extrême à l'autre, se leva, vint m'embrasser, et déclara solennellement que j'occuperais le premier rang sur sa liste." F. Arago, Histoire de ma Jeunesse
(œuvre posthume)
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Intégration:
" Venu à l'École Polytechnique, à la fin de 1803, je fus placé dans la brigade excessivement bruyante des Gascons et des Bretons. J'aurais bien voulu étudier à fond la physique et la chimie [...]; mais c'est tout au plus si les allures de mes camarades m'en laissaient le temps. Quant à l'analyse, j'avais appris, avant d'entrer à l'École, beaucoup au delà de ce qu'on exige pour en sortir." F. Arago, Histoire de ma Jeunesse
(œuvre posthume)
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Mais
que fait-on la plupart du temps, aujourd'hui, pour obtenir ces
renseignements? On consulte l'encyclopédie collaborative en ligne Wikipedia, et dans le cas qui nous occupe, l'article François Arago. L'artiste Sébastien Langloÿs en a fait le point de départ de sa représentation, qui montre un Arago "émergeant" de blocs sur lesquels il a inscrit divers paragraphes de l'article. Un projet bien plus convaincant sur maquette que sur croquis, soit dit en passant! NB: Nous empruntons l'image de détail à la page Arago de son site personnel. |
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Quelques exemples de paragraphes
de l'article de Wikipedia utilisés: Biographie, signature, croquis, instrument, les deux carrières... |
"
La science lui fit bien vite oublier le désir de devenir
officier. Conseillé par Poisson, et
affcctueusement accueilli par Laplace, il quitta l'École avant la fin de la seconde année pour devenir secrétaire du Bureau des Longitudes. Biot en était membre...."
J. Bertrand, Arago et sa vie Scientifique (Hetzel, 1865)
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triangulation de la Catalogne | le cercle
répétiteur de Fortin, utilisé par Arago (Observatoire de Paris) |
bien en vue sur la maquette de Langloÿs |
"
Au moment où j'écris ces lignes, vieux et infirme, avec
des jambes qui peuvent à peine me soutenir, ma pensée se
reporte involontairement sur cette époque de ma vie où,
jeune et vigoureux, je résistais aux plus grandes fatigues et
marchais jour et nuit dans les contrées montagneuses qui
séparent les royaumes de Valence et de Catalogne du royaume
d'Aragon, pour aller rétablir nos signaux
géodésiques que les ouragans avaient renversés."
F. Arago, Histoire de ma Jeunesse
(œuvre posthume)
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Maquette de Jean Anguera |
de face |
de l'arrière (au second plan,
œuvre de Sabine de Courtilles) |
de côté (dans le miroir, œuvre de Sébastien Langloÿs) |
Que fait Arago chez le Mathouriste , demanderez-vous peut-être? Astronome, physicien, évidemment... mais mathématicien? Certes, aucun résultat ne porte son nom, aucune de ses publications ne touche à ce champ. Mais sa proximité avec la discipline reste indéniable: c'est à elle, et à elle seule, qu'il doit son entrée à Polytechnique. Quand il y devient professeur en 1809, c'est comme suppléant de Monge, enseignant l'Analyse appliquée à la Géométrie; puis, en 1812, la Géométrie Analytique et la Géodésie. Quand enfin il devient secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, succédant à Fourier (1830), c'est en tant que membre de la section de Mathématiques. Seul des candidats à revendiquer cet aspect du savant, le Chinois Cheng-Dong Guo veut évoquer, par les formes géométriques qui structurent sa statue, la géométrie analytique. La fente verticale de 12cm de large, de la taille des médaillons de Jan Dibbets, devait être alignée selon le méridien et symboliser pour le passant l'ouverture vers l'univers. |
En 1810,
il espère s'en servir pour mettre en évidence le
mouvement de la terre à partir de la lumière reçue
des étoiles (si c est la célérité de la lumière, V
la vitesse de déplacement de la terre, il espère à 12h d'intervalle -à
6h et à 18h, moments propices pour que le soleil ne gêne pas son
observation: il devrait observer les vitesses c + V et c - V ).
C'est évidemment un échec, prémisse de celui de la
célèbre expérience de Michelson qui conduira
à la relativité. [texte d'Arago commenté sur BibNum] En 1834, il imagine d'adapter à la lumière un dispositif avec lequel Wheatstone envisage de mesurer la vitesse du courant électrique; il pourrait ainsi trancher définitvement entre la théorie ondulatoire de Fresnel, qu'il souteint depuis plus de 15 ans, et la théorie corpusculaire, dont les partisans ne désarment pas. La lumière d'une étincelle, traversant l'air et un tube rempli d'eau, tombe sur un miroir tournant: l'écart de vitesse sera mis en évidence (et mesuré) par un angle de réflexion différent, puisque le miroir aura tourné. Les deux théories prédisant des comportements opposés; c'est le miroir qui dira la vérité... Il fait construire le dispositif en 1843 par Bréguet, petit-fils du célèbre horloger et fabricant d'appareils de précision; mais sa vue déclinante le conduit à un nouvel échec. La réussite, en utilisant le même dispositif, sera pour Foucault en 1851. [texte de Foucault commenté sur BibNum] Xavier de Fraissinette a fait un clin d'œil à ce miroir tournant, comme posé sur des feuilles de calcul. |
Chemin de fers, photographie, télégraphe... auront en Arago, y compris à la Chambre, un ardent défenseur. De l'importance d'avoir des scientifiques parmi la représentation nationale (et donc, encore de modernes leçons pour aujourd'hui!). Une nouveauté capture toute son attention: l'électricité! Huit jours après avoir vu l'expérience d'Ørstedt (déviation de l'aiguille aimantée par le courant électrique) , il la reproduit devant l'Académie des Sciences, et engage avec son collègue de Polytechnique, Ampère (notons que lui aussi y enseignait... les Mathématiques!), une collaboration dynamique et enthousiaste, à laquelle on doit entre autres l'invention de l'électro-aimant. |
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Raoul Dufy, la Fée Électricité (Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris) Ørstedt est juste devant Arago!
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"Arago mettait en circulation plus d'idées à lui seul qu'une génération entière"
Léon Foucault
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Foucault par O. Garnier (détail)
Musée Carnavalet, Paris
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Et si la plus belle découverte d'Arago, c'était... Fresnel? En tout cas, il ne cessera de l'encourager à travers une abondante correspondance, et de soutenir sa théorie ondulatoire de la lumière. De la même manière, averti qu'en Angleterre, Adams traque de son côté les caprices d'Uranus, dont on soupçonne de plus en plus que le mouvement est troublé, comme on disait alors, par une planète invisible, il presse Leverrier de mettre les bouchées doubles. Laissons lui le soin de raconter ce fameux épisode
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S. de Courtilles a voulu rendre hommage à la générosité scientifique et humaine d'Arago. |
De fait, toute la carrière d'Arago se déroule à l'Observatoire ,où
il entre comme simple secrétaire-bibliothécaire
en 1805, sur proposition de Laplace; il en deviendra "directeur des
observations" en 1834, et enfin directeur en 1843, au
décès d'Alexis Bouvard. Son action a deux axes principaux: la physique des astres (on voit souvent en lui le fondateur de l'astrophysique) et le renouvellement du parc d'instruments d'observation: lunette, cercle, et équatorial de Gambey (1823), lunette de Brunner (1846-55) Voici deux témoignages, chacun donné lors de l'inauguration d'une statue! |
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Arago, portrait du directeur de l'Observatoire. |
Vue du Nord, depuis le Jardin du Luxembourg, au premier plan, la fontaine des quatre parties du Monde, de Carpeaux (1874) |
Prêts à entrer? | Vue du Sud, dans le jardin de l'Observatoire |
" Le cours que je vais commencer est une des obligations imposées au Bureau des Longitudes par ses règlements. En me confiant l'honneur de les représenter, mes confrères ont bien voulu s'en rapporter entièrement à moi sur la manière d'envisager la science et sur le nombre de leçons que je consacrerai à développer devant vous ses principales théories. J'aurais donc le droit de faire un cours d'astronomie technique destiné à des astronomes de profession; un cours les rapports de l'astronomie et de l'art de l'horloger. Ces divers ne pourraient intéresser qu'un cours fort petit nombre de personnes; j'ai donc adopté un cadre plus étendu, je me suis décidé pour des leçons que tout le monde puisse comprendre. Le cours cependant, je vous en avertis, ne sera élémentaire que par la forme. Toutes les branches de la science, même les plus délicates, passeront successivement devant vous." F. Arago, Leçon Inaugurale du Cours d'Astronomie (15 Mai 1841)
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à la Sorbonne (Paris) Théobald Chartran, 1885 |
Projet d'Elisabeth Cibot; des manuscrits d'Arago sont reproduits sur le pupitre |
" Ici commencent mes appréhensions: ici s'offre une difficulté presque insurmontable. Cette difficulté, vous l'avez déjà devinée: sur quel degré de connaissances mathématiques dois-je compter? quelle détermination prendre à ce sujet qui puisse convenir à tout le monde? Celui-ci me concéderait la trigonométrie; celui-ci ne voudrait pas aller plus loin que la géométrie élémentaire; un troisième désirerait me voir recourir aux méthodes rapides, fécondes, du calcul différentiel. Dans l'impossibilité de concilier ces désirs des plus habiles, j'ai pensé, moi, au plus grand nombre, et je me suis décidé pour le parti le plus radical. Je ferai donc le cours sans supposer à mes auditeurs aucune connaissance mathématique quelconque. Les quatre ou cinq propositions élémentaires de géométrie qui nous seront indispensables je vous les démontrerai, ou du moins j'en fixerai le sens avec précision. Je ne m'engage pas dans cette voie à la légère. Je sais que des savants illustres déclarent mon projet inexécutable. Cette décision ne me décourage point. Loin que je doute du succès, je déclare de nouveau que j'entends aborder toutes les questions. Le cours sera complet quant au fond, et élémentaire seulement par la forme, par la nature des méthodes adoptées. Ce n'est pas moi qui aurais consenti à dégrader ou même à rétrécir à vos yeux une science dont on a dit avec toute raison qu'elle donne la véritable mesure des forces de l'esprit humain. " F. Arago, Leçon Inaugurale du Cours d'Astronomie (15 Mai 1841)
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"Je prétends, moi, que
l'esprit des méthodes peut être exposé complétement, fructueusement,
devant un auditoire attentif qui n'a jamais jeté les yeux sur un livre
de géométrie. Il en est de même de quelques notions utiles de
mécanique et d'optique. Au reste, le débat ne saurait arriver à son
terme autrement que par des faits. C'est donc une grande, une
solennelle expérienceque nous allons continuer en commun. Je sais que
je puis compter sur votre attention bienveillante mon zèle ne vous fera
pas défaut. Vous comprendrez maintenant comment, sans devenir
paradoxal, je puis émettre le
voeu que l'auditoire se compose en majorité, même en
totalité, de personnes entièrement
étrangères aux mathématiques."
F. Arago, Leçon Inaugurale du Cours d'Astronomie (17 Décembre 1846)
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"
Je n'oublierai pas surtout qu'aujourd'hui beaucoup de personnes ont dû
prendre le chemin de l'Observatoire, afin de voir de leurs propres yeux
comment un habile architecte est parvenu à résoudre le problème le plus
difficile le problème d'établir amphithéâtre spacieux, un élégant et
commode, sur un terrain resserré et très-ingrat; dans une enceinte dont
la forme extérieure, fort bizarre, était commandée par la nécessité de
donner à l'ouest un pendant aux cabinets d'observation qui sont situés
du côté opposé du grand édifice. J'espère que sous ce rapport, du
moins, personne ne regrettera de s'être déplacé. "
F. Arago, Leçon Inaugurale du Cours d'Astronomie (15 Mai 1841)
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L'Illustration, 1846 (source de l'image: cette page du site de l'Observatoire de Paris) |
le tableau d'Arago, seul survivant de son amphithéâtre, dans la salle de la Grande Méridienne (remarquer son œilleton en haut sur l'image centrale) |
la statue d'Arago comme gnomon d'un cadran solaire: l'idée de Marc-André de Figuères |
un "portail de la conniassance", pour Jean Suzanne |
J'arrive à la grande difficulté. On a dit que les citoyens en faveur desquels nous demandons le droit de suffrage, n'ont pas la capacité suffisante pour l'exercer. De quelle capacité entend-on parler? Est-ce qu'on nous fait subir un examen? [...] La capacité qu'un électeur doit posséder, c'est celle de distinguer l'honnête homme du fripon, le bon citoyen de l'égoïste, l'homme désintéressé de l'ambitieux. Je maintiens, Messieurs, que cette capacité appartient tout aussi bien à la classe actuellement privée de droits politiques, qu'à la classe des censitaires à 200 fr. Écoutez, sur ce point, les paroles de Montesquieu : « Le peuple est admirable pour choisir ceux à qui il doit confier quelques parties de son autorité; il n'a à se déterminer que par des choses qu'il ne peut ignorer, et des faits qui tombent sous les sens; il n'y a, pour s'en convaincre, qu'à jeter les yeux sur cette suite continuelle de choix étonnants que firent les Athéniens et les Romains. » F. Arago, Discours à la Chambre des Députés (16 Mai 1840)
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Henri Philippoteaux Lamartine, devant l’Hôtel de Ville de Paris le 25 février 1848, refuse le drapeau rouge (Musée Carnavalet, Paris)
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1848 dans le Paris d'aujourd'hui:
Lamartine honoré, Arago oublié |
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1848: LouisPhilippe doit abdiquer, la République est proclamée. Un Gouvernement Provisoire est constitué, dont fait partie "Arago, membre de l'Institut" (voir l'affiche ci-contre, que vous pouvez agrandir sur son site d'origine, ParisMuséees) aux côtés de Lamartine, Garnier-Pagès et Ledru-Rollin, pour citer les plus connus; un gage est donné aux plus radicaux en leur adjoignant Louis Blanc et "Albert, ouvrier" (sic) Arago est, de fait, chef du gouvernement pendant un peu moins de 2 mois (Mai-Juin 1848). Des premières mesures sont prises, qui vont tout à fait dans le sens du discours précédent: abaissement de la dure quotidienne du travail, élection du Président de la République au suffrage universel. (Hélas, la manière dont il sera récupéré par Louis-Napoléon Bonaparte pour transformer la République en Second-Empire installera une défiance tenace envers ce mode de scrutin,... jusqu'au référendum voulu par De Gaulle en 1962!). Mais la répression sanglante des manifestations ouvrières en Juin par le général Cavaignac met définitivement hors-jeu un François Arago fatigué, malade, qui se retire à l'Observatoire. Son geste le plus important à son poste est l'abolition de l'esclavage dans les colonies. Le nom de Victor Schœlcher est souvent cité seul à ce propos: son influence est indéniable, car c'est lui qui persuade Arago d'agir au plus vite. Les deux hommes sont en contact depuis 1830. Ils rédigent le texte ensemble; il est publié sous la signature d'Arago. |
Musée Carnavallet, Paris |
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" Qu'est-ce
que Louis Bonaparte? C'est le parjure vivant, c'est la restriction
mentale incarnée, c'est la félonie en chair et en os, c'est le faux
serment [...]
V. Hugo, Napoléon le Petit (1852)Eh bien, qu'est-ce qu'il demande à la France, cet homme guet-apens? un serment. Un serment! [...] Détail précieux: M. Bonaparte voulait que Arago jurât. Sachez cela, l'astronomie doit prêter serment. Dans un état réglé, comme la France ou la Chine, tout est fonction, même la science. Le mandarin de l'institut relève du mandarin de la police.[...] Un astronome est une espèce de sergent de ville du ciel. L'observatoire est une guérite comme une autre. Il faut surveiller le bon Dieu qui est là-haut et qui semble parfois ne pas se soumettre complètement à la Constitution du 14 janvier. Le ciel est plein d'allusions désagréables et a besoin d'être bien tenu. La découverte d'une nouvelle tache au soleil constitue évidemment un cas de censure. La prédiction d'une haute marée peut être séditieuse. L'annonce d'une éclipse de lune peut être une trahison. [...] L'astronomie libre est presque aussi dangereuse que la presse libre. Sait-on ce qui se passe dans ces tête-à-tête nocturnes entree Arago et Jupiter? Si c'était M. Leverrier, bien! Mais un membre du gouvernement provisoire! Prenez garde [...]! Il faut que le bureau des longitudes jure de ne pas conspirer avec les astres, et surtout avec ces folles faiseuses de coups d'état qu'on appelle les comètes. [...] Le grand Napoléon avait une étoile, le petit doit bien avoir une nébuleuse; les astronomes sont certainement un peu astrologues? Prêtez serment, messieurs. Il va sans dire qu'Arago a refusé." disponible en ligne sur Gallica (BnF) |