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Raoul Dufy, La Fée Électricité, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Ampère est le premier (le plus à gauche) dans le groupe de droite |
La Fée Électricité, détail: Ampère et Biot |
Première page, extrait (CNRS/Acadéùie des Sciences) | C'est Ampère qui commence ainsi sa courte autobiographie manuscrite (16 pages, dont 8 de sa main). Oui, Ampère parle d'Ampère à la troisième personne, un peu comme le César de la Guerre des Gaules! |
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maison natale, hier... (source: cartes postales anciennes) |
...aujourd'hui (source: JEP 2017) |
"Le
jeune Ampère sut bientôt lire et dévora tous les livres qui lui
tombaient sous la main. L'histoire, les voyages, la poésie, les romans,
la philosophie, l'intéressaient, presque à un égal degré. [...] La principale lecture du jeune écolier de Poleymieux fut l'Encyclopédie, par ordre alphabétique en vingt volumes in folio. [...] La nature avait doué Ampère, à un degré éminent, de la faculté dont Platon n'a rien dit de trop en l'appolant une grande et puissante déesse. Ainsi, l'ouvrage colossal se grava-t-il tout entier et profondément dans l'esprit de notre ami; [...] Ces mystères d'une prodigieuse mémoire m'étonnaient moins que la force, unie à la flexibilité, que suppose une intelligence capable de s'assimiler, sans confusion et d'après une lecture par ordre alphabétique, les matières si étonnamment cvariées qui figurent dans le grand Dictionnaire de d'Alembert et de Diderot." Arago, Éloge à l'Académie, 21/08/1839
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Statue de Diderot à Langres, sa ville natale |
quelques volumes de l'Encyclopédie, dans la parution chronologique Musée de Langres (Haute Marne) |
D'Alembert (au Louvre-Lens) |
EXTRAITS du Journal d' AMPÈRE |
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— imanche 10 avril [1796]. Je l'ai vue pour la première fois. — Samedi 20 août. Je suis allé chez elle, et on m'y a prêté les nouvelles Morali de Soave.[...] — Dimanche 11 septembre. En sortant de la messe j'allai rendre le premier volume de Bernardin; je fus d'abord avec M. de Corsans; j'appris que Julie reviendrait, mais avec Jenny. — Vendredi 16. Je fus rendre le deuxième volume de Bernardin, je fis la conversation avec elle et Jenny, je promis des comédies pour le lendemain. — Samedi 17. Je les portai et je commençai à ouvrir mon coeur. — Dimanche 18. Je la vis jouer aux dames après la messe. — Mardi I9. J'achevai de m'expliquer, j'en rapportai de faibles espérances, et la défense d'y retourner avant le retour de sa mère. — Samedi 24. Je fus rendre le troisième volume de Bernardin , je rapportai le quatrième, la Dunciade et un parapluie. — Lundi 26. Je fus rendre la Dunciade et le parapluie, je la trouvai dans le jardin sans oser lui parler. — Jeudi 6 octobre. Je fus rendre ce tome et prendre le second, je me trouvai seul avec elle sans oser lui parler; [...] — Mardi 18. [...] je m'ouvris entièrement à la mère qui ne parut pas vouloir m'ôter toute espérance. — Vendredi 28. Je vis Julie dans la cour en arrivant; mais des hommes, par malheur, déchargeaient une charrette; j'entrai, je trouvai une Mme Petit et je n'osai rien dire. J'avais porté le sixième volume. — Lundi 31. Grande compagnie, occasion du jardin manquée, tapisserie; j'avais porté le septième; j'oubliai le huitième et mon parapluie. — Mercredi 9 novembre. Je reparlai; Julie me dit de venir moins souvent. — Samedi 12. Mme Carron étant sortie, je parlai un peu à Julie qui me rembourra bien,et sortit; Élise me dit de passer l'hiver sans plus parler. — Mercredi 16. La mère me dit qu'il y avait longtemps qu'on ne m'avait vu; elle sortit un moment avec Julie [...] . Avant de sortir,Julie m'apporta avec grâce les Lettres Provinciales. — Mardi 17 janvier. Julie n'était point encore venue, j'ai encore beaucoup parlé à sa soeur. — Vendredi 27. Elle était enfin arrivée. D'abord la mère n'y était pas; en faisant semblant de regarder des vignettes, je me mis à ses genoux; sa mère vint et me fit asseoir près d'elle. — Lundi 30. Je ne trouvai que les deux filles; la mère m'appela un moment après dans le cabinet, où elle me dit de ne plus venir si souvent, et mille autres choses désespérantes. — Vendredi 12 mai. Je fus rendre Bernis et Bernard. Julie me dit d'aller chez ma tante; j'obéis et revins avec elle prendre La princesse de Clèves qu'on m'avait promis, nous goûtâmes de brioches et je promis Les mémoires de Calas. |
— LUNDI 3 juillet 1797 .
Elles vinrent enfin nous voir à 3 h. 3/4. Nous fûmes dans l'allée, où
je montai sur le grand cerisier, d'où je jetai des cerises à Julie,
Élise et ma soeur. Tout le monde vint ensuite. Je cédai ma place à
François, qui nous baissa des branches où nous cueillîmes nous-mêmes,
ce qui amusa beaucoup Julie. On apporta le goûter, elle s'assit sur une
planche à terre avec ma soeur et Élise, et je me mis sur l'herbe à côté
d'elle; je mangeai des cerises qui avaient été sur ses genoux. Nous
fûmes tous les quatre au grand jardin, où elle accepta un lis de ma
main. Nous allâmes ensuite voir le ruisseau; je lui donnai la main pour
sauter le petit mur, et les deux mains pour le remonter. Je m'étais
assis à côté d'elle, au bord du ruisseau, loin d'Élise et
ae ma soeur.
Nous les accompagnâmes le soir jusqu'au moulin à vent, où je m'assis
encore à côté d'elle pour observer nous quatre le coucher du soleil qui
dorait ses habits d'une lumière charmante; elle emporta un deuxième lys
que je lui donnai en passant pour s'en aller dans le grand jardin. |
Discours inaugural d' AMPÈRE (12 mars 1802 / 21 ventôse) [début, extrait] "
Citoyens,
Les brillantes découvertes qui viennent de se succéder si rapidement dans la science dont l'enseignement m'est confié, offrent peut-être l'exemple le plus frappant des progrès de l'esprit humain dans les siècles modernes. La physique est peut-être, dans l'état actuel de nos connaissances, celle qui nous présente le plus de connaissances variées, de faits intéressants et d'utiles applications. Mais sa vaste étendue et le peu d'ensemble qui existe encore entre ses diverses parties, laissent à ceux qui l'étudient de nombreuses difficultés à surmonter, des incertitudes à éclaircir, des systèmes à adopter ou à combattre, un ordre régulier à mettre dans cet amas informe de découvertes sublimes que le temps n'a pas encore réunies, dont le travail assidu de plusieurs siècles n'a point, comme dans d'autres sciences, comblé les intervalles et rétabli la chaîne des idées intermédiaires que le génie franchit sans s'en apercevoir. Frappé de ces réflexions et plein du désir de faire connaître à ceux qui suivront le cours que je vais commencer tout ce que la physique a fait et tout ce qu'elle peut faire encore pour la gloire et le bonheur de l'humanité, je n'oserais m'engager dans la carrière qui s'ouvre devant moi si je ne comptais sur l'indulgence de ceux que l'amour des sciences a réunis dans cette enceinte. [...] Dans la vue de simplifier l'étude de la physique autant qu'il me serait possible, il m'a semblé que je devais d'abord m'attacher à en donner une définition précise, qui pût me servir de guide dans le choix des vérités que j'avais à développer, et les considérations que je devais négliger comme étrangères à cette science. [...] " |
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Plan manuscrit de Bourg-en-Bresse, dressé par Ampère pour Julie ( Visages de l’Ain n° 22-1953, source ) |
" Je viens de faire l'ouverture de mon cours, ma bonne amie. J'avais fait un discours que j'ai lu et qui a été bien accueilli, mais assez mal entendu parce que la salle est très vaste et que l'on m'avait placé très loin des auditeurs. Je me mettrai plus près à l'avenir quand je donnerai leçon. Je ne suis ni content ni fâché. Mais, après avoir été dans une vive agitation tout le jour, et surtout à mesure que le moment approchait, je me trouve subitement dans un calme apathique si complet qu'il a causé dans toutes mes idées une des plus singulières révolutions que j'aie éprouvées de ma vie. Une seule idée est restée dans mon coeur, c'est le regret de t'avoir quittée, comme je l'ai senti plus vivement quand tout ce tourbillon qui m'agitait depuis huit jours a été dissipé." Ampère, lettre à Julie, 12/03/1802
*********
" J'ai donné hier ma première leçon, ma bonne amie et je crois m'en être assez bien tiré, quoique j'espère faire encore mieux à l'avenir, car j'étais, au commencement surtout, un peu tremblant et embarrassé. Ce matin, je me suis amusé à relire les lettres où ma Julie a peint les sentiments qu'elle éprouvait après mon départ. Ces sentiments et ces lettres sont tout ce quie reste de mon ancien bonheur. Ce serait là ma seule consolation si je n'avais pas l'espoir que Pâques viendra terminer notre séparation. Comme il fait aujourd'hui le plus beau temps du monde, j'ai fait le projet de sortir de la ville [.. Je porterai le paquet de toutes les lettres que j'ai reçues de toi depuis que je suis ici et je chercherai un endroit champêtre pour les lire plus à loisir qu'ici [...]Pauvre Julie, que deviens-tu à Lyon avec mon petit enfant ? Il se porte bien du moins; mais toi ? Je suis toujours en peine de ce que tu m'as dit, il y a déjà quelque temps, que tu étais dérangée; [...] Cela m'inquiète beaucoup et je te prie de me dire au juste ce qu'il en est, ce que tu en penses, si tu fais toujours quelques remèdes et lesquels est-ce ? Ampère, lettre à Julie, 18/03/1802
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"
Depuis que je consacre tout mon temps à d'arides calculs, mes journées passent avec une telle rapidité, quoique assez ennuyeusement, que je ne me trouve pas un moment de liberté. Je voulais t'écrire hier, ma bonne amie; mais, comme j'étais dans un tas de calculs, je condamnai mon coeur au jeûne rigoureux qu'il éprouve quand je passe un jour sans lui accorder son pain quotidien, c'est-à-dire'un peu de bout de journal. Pauvre journal, qu'il est sec et qu'il doit t'ennuyer ! Tous mes jours se ressemblent, je t'aime, je bois et mange, dors et donne mes leçons. Le lendemain, c'est à recommencer." Ampère, lettre à Julie, 14/05/1802
"Je n'ai cessé hier d'écrire sur les mathématiques. L'ouvrage que j'ai entrepris avec M. Clerc et dont je ne serais jamais venu à bout tout seul, avance tellement qu'il sera dans un mois prêt à être imprimé. Il sera intitulé : Leçons élémentaires sur les séries, et autres formules indéfinies." Ampère, lettre à Julie, , 22/05/1802
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"
Comment t'expliquer, ma bonne amie, le désagrément que j'ai eu aujourd'hui ? J'espère être encore à temps pour réparer mon étourderie. Je sais combien de fois tu m'as répété de relire mon ouvrage, je n'ai jamais eu le temps. Eh bien, une faute m'était échappée dans le calcul des pages 18 et 19; j'ai eu beau relire les épreuves; je ne m'en suis point aperçu. Aujourd'hui, je reçois une lettre de Lacroix et de Laplace; le premier me fait les remerciements de l'Institut; le second, en post-scriptum de la lettre de Lacroix, fait l'éloge de mon ouvrage, mais reprend sévèrement cette faute, et avec des expressions qui me font craindre qu'il l'attribue à ma fausse manière de raisonner plus qu'à une distraction et j'avoue que j'ai répété deux fois cette faute parce que j'ai recopié un faux résultat sans le vérifier, ce qui m'aurait fait découvrir mon erreur. Dans le moment où j'ai lu cette lettre, j'ai cru lire ma condamnation; j'ai vu ma place au Lycée et ma réputation perdue; mais j'ai été rassuré en faisant attention que, cette faute n'influant en rien sur le reste de l'ouvrage,je pouvais tout réparer en écrivant d'abord une lettre à M. de Laplace, où je le remercierai de ce qu'il a examiné mon ouvrage et corrigé mon erreur, dont je conviendrai franchement en m'excusant, s'il est possible, sur le peu de temps que j'ai eu pour corriger et composer cet ouvrage, que je dirai avoir été imprimé en partie à Lyon pendant que j'étais encore à Bourg et occupé d'un cours de physique. [...] Mais ma réputation, ma fortune même en dépendent. Si je ne puis pas montrer mon ouvrage corrigé, on croira partout qu'il n'a pas le sens commun, et cela pour une seule erreur, et quoique cette erreur se trouve rectifiée plus loin dans la solution du problème qui suit celui où je l'ai commise; car Laplace, pour la découvrir, n'a eu qu'à rapprocher du passage erroné celui où je donnais le véritable résultat. Que cette lettre va te faire de la peine, ma charmante amie! Mais pouvais-je te cacher une seule de mes pensées et comment, sans toi, réparer ma faute ?Tu sens quelle célérité il faudrait mettre dans tout cela; il faudrait que je pusse envoyer des exemplaires corrigés à l'Institut et à M. de Laplace avant que MM. Delambre et Villars achevassent l'organisation du Lycée de Lyon." Ampère, lettre à Julie, 14/05/1802
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" J'ai su aujourd'hui que M. Delambre avait dit à un dîner chez le préfet : « Vous
allez perdre M. Ampère, c’est un homme d’un mérite supérieur ; il a
envoyé un mémoire à l’Institut et l’avis unanime des membres de la
Section de mathématiques est que cet ouvrage ne pouvait venir que d’une
tête forte » Je te rapporte mot à mot la phrase comme on me l'a rendue. Je suis toujours bien inquiet de ta santé." Ampère, lettre à Julie, 16/03/1802
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".Je t'écris de ma chambre à l'École Polytechnique; j'y loge depuis hier;
c'est entre ces quatre murs que ma vie va désormais couler. A chaque
ligne j'entendais trembler l'atmosphère sous les coups du canon des
Invalides, dont l'hôtel est à deux cents pas de l'École. Si tu avais vu
ce monument qu'éleva à l'humanité ce grand siècle de Louis XIV, tu
saurais de combien de souvenirs il est habité. Il est 3 heures.
L'Empereur est à Notre-Dame, et cet instant est probablement celui de
son couronnement. Ce soir il passera sur les boulevards, devant les
fenêtres de Carron. Je dois y aller et je verrai toute cette pompe. " Ampère, lettre à Élise, sœur de Julie, , 2/12/1804
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source: bibliothèque de l'Institut
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"Mal
conseillé par des amis peu au courant des choses d’ici-bas, Ampère se
présenta, dans l’amphithéâtre d’une école presque militaire, en habit
noir à la française, œuvre malheureuse d’un des moins habiles tailleurs
de la capitale ; et pendant plusieurs semaines, le malencontreux
habit empêcha plus de cent jeunes gens de prêter attention aux trésors
de science qui se déroulent devant eux. Le répétiteur craint que les
caractères tracés sur le tableau noir ne soient peu visibles pour ses
auditeurs les plus éloignés ? Il croit devoir les consulter, ce qui
semble bien naturel. Eh bien, à la suite du colloque ainsi établi avec
ces jeunes gens réunis en grand nombre, plusieurs d’entre eux eurent
l’espièglerie, en argumentant toujours de la faiblesse de leur vue,
d’amener par degrés le bienveillant professeur à des caractères d’une
telle grosseur que le plus vaste tableau, loin de suffire à des calculs
compliqués, n’aurait pas contenu seulement cinq chiffres. Tout entier
enfin aux développements d’une théorie difficile, il lui arrive dans le
feu de la démonstration, de prendre le torchon saupoudré de craie pour
son mouchoir. Le récit, grossi, amplifié, de cette méprise, assurément
bien innocente, se transmit de promotion en promotion ; et quand
Ampère paraissait pour la première fois devant l’une d’elles, ce n’était
plus le savant analyste qu’elle cherchait de préférence : elle
guettait plutôt le moment où il l’égaierait par la distraction, dès
longtemps promise, et dont elle était très peu disposée à le tenir
quitte." Arago, Éloge à l'Académie, 21/08/1839
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Liste des Professeurs d'Analyse de l'X |
buste dans le Hall d'Honneur de l'X |
Peut-être avez-vous envie de vous faire votre idée sur son cours? Rien n'est plus facile, vous le trouverez en ligne sur le site de la SaBiX (Société des Amis de la Bibliothèque de l'X), dans le cadre du projet de numérisation NumiX |
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première page des Leçons de Calcul Différentiel et Intégral |
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Le célèbre cours de Cauchy (1826) et le buste de son auteur à l'Institut |
Le médaillon sur la façade de l'ESCPI (rue Pierre Brossolette) |
"Qu'il y a longtemps, cher ami, que je ne t'ai pas écrit ! [...]Voici ce qui m'est arrivé! Je travaillais à un mémoire que je devais lire à l'Institut sur les différentielles partielles. J'en étais peu content moi-même quoiqu'il y eût bien des choses nouvelles; mais je sais qu'elles ne plairont pas aux Bonapartes des mathématiques, et ils en seront seuls juges. | |
On me dit tout à coup que M. Dalton s'occupe en Angleterre de la
manière dont les molécules des corps s'arrangent dans les combinaisons
chimiques. Tu sais que j'avais écrit un mémoire là-dessus au mois de
janvier dernier. Voilà que la peur me saisit qu'il ne trouve et ne
publie avant moi une partie de ce que j'ai fait. Je parle de ma
crainte. On me conseille de faire un extrait en forme de lettre à M.
Berthollet du mémoire de janvier et qu'on l'imprimera dans les
Annales de Chimie. On le dit à M. Berthollet qui l'agrée fort. Je
commence l'extrait où je croyais qu'il y avait pour deux jours de
travail, peut-être trois. Ce mémoire était un chaos informe. Je n'y
voyais plus rien, ayant perdu de vue ses idées. Enfin j'y renonce. Le rédacteur des Annales de Chimie
va se plaindre à M. Berthollet, lui dit qu'il a compté dessus et qu'il
se trouve à court. M. Berthollet me trouve à l'Institut et me le dit.
Je rentre, je prends un copiste pour écrire sous ma dictée. Je le loge
bientôt chez moi pour travailler très tard le soir et de grand matin.
Mais j'oublie le mémoire de mathématiques, je perds presque tout espoir
d'arriver à l'Institut, et voilà trois semaines que je dicte, je donne
à mesure à l'impression; la moitié est à l'impression, le reste est
enfin à peu près achevé; mais cet extrait est aussi long que le mémoire
dont il est sensé être tiré . Personne ne le lira. On n'y comprendra rien." Ampère, lettre à Bredin, 10/04/1814
| Berthollet par Dutertre dessiné lors de la Campagne d'Egypte (exposition aux Invalides, Paris 2009) |
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"Comment me pardonneras-tu, cher ami, d'avoir été si longtemps sans t'écrire ? Mon mémoire pour l'Institut en est cause; j'en ai lu les trois quarts il y a quinze jours; je voulais l'achever pour ce jour-là. Je ne mettais pas un seul instant à une autre occupation. Je n'en lus qu'un préambule. On l'a renvoyé à des commissaires, Legendre, Poisson, Arago. Je les ai prévenus que la fin n'y était pas, en la promettant pour huit jours après; en voilà plus de quinze et il s'en faut bien que j'aie fini. Dans trois semaines finissent les six mois de délai qu'on a mis dans le temps à la nomination. Sera-t-elle encore renvoyée à six mois ? Nommera-t-on ? et sera-ce moi ou un autre ? Voilà ce qui va faire une grande décision dans ma vie, et qui dépendra d'un jour, d'une heure de travail de plus ou de moins pendant le peu de temps qui me reste." Ampère, lettre à Bredin, 10/08/1814
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Cher ami, je suis un misérable de ne pas t'avoir écrit depuis si longtemps. Mais je n'ai pas mis un instant de tout le temps dont je pourrais disposer qu'à écrire, écrire ou faire des calculs jour et nuit afin de lire avant la nomination le mémoire que j'ai lu lundi dernier à l'Institut. C'est le quatrième de cette année. Je craignais que [l'élection] ne se fît avant qu'on eût pu l'examiner et en faire le rapport. Car le dernier délai devait finir dans dix jours, mais il paraît qu'on différera encore, et alors je ferai encore un autre mémoire. J'ai de la matière pour deux ou trois. J'ai un concurrent très appuyé dans un de mes élèves de l'École Polytechnique, aujourd'hui ingénieur des Ponts et Chaussées; il est fils du secrétaire de la Chambre des pairs, etc... Si je cessais de fournir des mémoires de mois en mois jusqu'à la nomination, je serais facilement culbuté. Je ne travaille plus guère qu'aux mathématiques; mais, heureusement, après tous les malheurs qui me sont arrivés, que plusieurs objets scientifiques se partagent mon esprit de manière à laisser peu de temps à des souvenirs déchirants qui, sans cela, ne me laisseraient pas un instant de repos. Toutes mes idées sur la chimie ont, comme tu sais, triomphé de toutes les objections. Ampère, lettre à Bredin, 13/10/1814
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L'Institut, sous la lumière électrique, va accueillir... le futur Newton de l'électricité! |
"Mon bon ami, la présentation pour la place de mathématiques vacante à l'Institut a eu lieu aujourd'hui. Je suis le premier sur la liste , ce qui rend infiniment probable le résultat favorable pour moi de la nomination qui aura lieu lundi prochain. Je suis plein de joie, et j'ai calculé que, si tu m'écris de suite, je recevrai ta lettre en même temps que je l'apprendrai, en sorte que tous les bonheurs me viendront à la fois." Ampère, lettre à Bredin, 21/11/1814.
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" Mon bon ami, j'ai reçu ta lettre lorsqu'il n'y avait pas un quart d'heure que je savais que la nomination avait eu lieu en ma faveur dès le premier tour de scrutin. Tout s'est ainsi réuni pour que je fusse momentanément bien heureux." Ampère, lettre à Bredin, 30/11/1814
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Volta présente sa pile à Bonaparte
Musée d'histoire naturelle La Specola, Florence |
" Mille remerciements à ton cousin l'aîné de ce qu'il m'a envoyé ; c'est un prix de 60 000 francs proposé par Bonaparte et que je tâcherai de gagner quand j'en aurai le temps. C'est précisément le sujet que je traitais dans l'ouvrage sur la physique que j'ai commencé d'imprimer; mais il faut le perfectionner et confirmer ma théorie par
de nouvelles expériences. Mille choses pour moi à ta maman, à Élise,
vingt baisers au petit, et tout mon être à toi ! Oh, mon amie, ma bonne
amie, si M. de Lalande me fait nommer au lycée de Lyon et que je gagne
le prix de 60 000 francs, je
serai bien content ; car tu ne manqueras plus de rien [...] Je
t'embrasse ; tout ce que j'aime, tout ce qui fait mon bonheur, c'est
toi." Ampère, lettre à Julie, 25/07/1802
| Volta et sa fameuse pile
dans La Fée Électricité |
"J'ai
donc pu me flatter que le hazard [sic] m'avait favorisé d'une de ces
idées qui ouvrent aux physiciens une carrière nouvelle, lorsqu'après
avoir réduit tous les phénomènes de l'aimant et de l'électricité à un principe unique, j'ai vu naître de ce principe les explications les plus simples et les plus naturelles [...]."
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appareil de démonstration, 1850 Musée Galilée, Florence |
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timbre danois commémoratif à l'occadion du bicentenaire d'Ørsted; son portrait par Dufy dans la Fée Électricité |
Détail amusant, Arago feint la modestie, en ne se nommant pas: c'est lui qui a assisté à la démonstration genevoise par le physicien Gaspard de la Rive, son ami. Arago se trouvait sur place, invité par
un autre collègue. Devant les faits, il change son scepticisme
initial en véritable enthousiasme, avec "presque l'intolérance d'un nouveau converti", dira Humboldt. Il presse ses amis Ampère et
Fresnel de travailler à éclaircir le phénomène; on reconnaît bien là un
Arago plus soucieux d'aiguiller ses collègues et amis vers les
questions prometteuses que de se les accaparer...
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aait Ampère et Arago refont l'expérience d'Ørsted (source inconnue) |
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Buste de Fresnel
par David d'Angers. Grande optique du phare d'Hourtin, et sa lentille de Fresnel Musée de la Marine (Paris) |
Pour
plus d'efficacité, Fresnel va devenir le locataire d'Ampère dans la
maison qu'il vient d'acheter. Elle
n'existe plus, le percement de la rue Monge ayant occasionné sa
destruction, mais l'emplacement est repéré au 29bis rue Monge, om une
plaque commémorative a été apposée; on la trouvera très facilement,
c'est juste au métro Cardinal Lemoine. "Elle est située entre l'École Polytechnique et le Jardin du Roi, rue des Fossés-Saint-Victor, no 19. Cette rue est large, claire, toujours propre, mais en pente assez rapide, en sorte que les voitures ne peuvent guère y monter quand il gèle. La maison est d'origine patrimoniale, bâtie très solidement en pierre de taille. [...] J'aurai un jardin avec six tilleuls, trois pruniers, quelques espaliers de vigne. Ce terrain est plus haut que la cour et au niveau de l'entresol. Par un petit escalier de bois, bien commode, je réunirai une des pièces de l'entresol au premier étage où je logerai. "
Ampère, lettre à Bredin, 18/05/1818
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" il avait imaginé des dispositions extrêmement ingénieuses pour rendre ces fils mobiles,
sans que les extrémités de chacun d'eux eussent à se détacher des pôles
respectifs de leurs piles; il avait réalisé, transformé ces conceptions
en instruments susceptibles de fonctionner; il avait, enfin, soumis son
idée capitale à une expérience décisive. Je ne sais pas si le
vaste champ de la physique offrit jamais une si belle découverte,
conçue, faite et complétée avec tant de rapidité. Cette brillante découverte d'Ampère, en voici l'énoncé: deux fils conjonctifs parallèles s'atirent quand l'éllectricité les parcourt dans le même sens; ils se repoussent, au contraire, si les courants électriques s'y meuvent en sens opposés." Arago, Éloge à l'Académie, 21/08/1839
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"Depuis que j'ai entendu parler pour la première fois de la belle découverte de M. Ørsted, professeur à Copenhague, sur l'action des courants galvaniques sur l'aiguille aimantée, j'y ai pensé continuellement, je n'ai fait qu'écrire une grande théorie sur ces phénomènes et tous ceux déjà connus de l'aimant, et tenter des expériences indiquées par cette théorie, qui toutes ont réussi et m'ont fait connaître autant de faits nouveaux. Je lus le commencement d'un mémoire à la séance de lundi il y a aujourd'hui huit jours. Je fis les jours suivants, tantôt avec Fresnel, tantôt avec Despretz, les expériences confirmatives;
je les répétai toutes vendredi soir chez Poisson [...] Tout réussit à
merveille; mais l'expérience décisive que j'avais conçue comme preuve
définitive exigeait deux piles galvaniques; tentée avec des piles trop
faibles chez moi avec Fresnel, elle n'avait point réussi. Enfin hier
j'obtins de Dulong qu'il permît à Dumotier de me vendre la grande pile
qu'il faisait construire pour le cours de physique de la Faculté et qui
venait d'être achevée. Ce matin, l'expérience a été faite chez Dumotier
avec un plein succès et répétée aujourd'hui à 4 heures, à la séance de
l'Institut. On ne m'a plus fait
d'objection et voilà une nouvelle théorie de l'aimant, qui en ramène,
par le fait, tous les phénomènes à ceux du galvanisme. Cela ne ressemble en rien à ce qu'on en disait jusqu'à présent. Je le réexpliqueraidemain à M. de Humboldt, après-demain à M. de Laplace au Bureau des Longitudes." Ampère, lettre à son fils Jean-Jacques, 19/09/1820
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"Le
premier s'observe lorsque les deux corps entre les quels cette action a
lieu sont séparés l'un de l'autre par des corps non conducteurs,
dans tous les points de leur surface autres que ceux où elle est
établie; le second estcelui où ils font, au contraire, partie d'un
circuit de corps conducteurs qui les font communiquer par des
points de leur surface différent de ceux où se produit l'action électromotrice. [...]
Dans le second cas, il n'y a plus de tension électrique, les corps légers ne sont plus sensiblement attirés, et l'électromètre ordinaire ne peut plus servir à indiquer ce qui se passe dans le corps; cependant l'action électromotrice continue d'agir; car si de l'eau, par exemple, un acide,un alcali ou une dissolution saline font partie du circuit,ces corps sont décomposés [..]; et en outre, ainsi que M. Ørsted vient de le découvrir, quand l'action électromotrice est produite par le contact des métaux, l'aiguille aimantée est détournée de sa direction lorsqu'elle est placée près d'une portion quelconque du circuit; mais ces effets cessent, l'eau ne se décompose plus, et l'aiguille revient à sa position ordinaire dès qu'on interrompt le circuit, que les tensions se rétablissent; et que les corps légers sont de nouveau attirés, ce qui prouve bien que ces tensions ne sont pas cause de la décomposition de l'eau, ni des changemens de direction de l'aiguille ai- mantée découverts par M. Ørsted. Ce second cas est évidemment le seul qui pût avoir lieu si l'action électromotrice se développait entre les diverses parties d'un même corps conducteur. Les conséquences déduites, dans ce Mémoire, des expériences de M. Ørsted nous conduiront à reconnaître l'existence de cette circonstance dans le seul cas où il y ait lieu jusqu'à présent de l'admettre." Ampère, Mémoire
de 1820
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à bord du sous-marin Flore Lorient, La Base |
C'est la première fois que l'on distingue clairement tension et intensité. Nous
sommes très habitués à voir côte à côte voltmètre et ampèremètre sur
des tableaux de contrôle -ci-contre, à l'intérieur d'un sous -marin, Ce
que l'on connaissait avant Ampère (l'électrostatique) était uniquement relatif à la tension, ou différence de potentiel. Ainsi des expériences de Benjamin Franklin sur les bouteilles de Leyde
-qui sont les premiers condensateurs- ou les orages: la décharge n'est
pas encore pensée comme un courant (bref) qui circule, à qui on
pourrait attribuerer une grandeur, l'intensité.
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bouteilles de Leyde. Museo de la Fisica, Florence (Italie) | Benjamin Franklin (1706-1790), devant chez lui, à Philadelphie (Pennsylvanie, USA) |
Mais ce n'est pas fini! Il interviendra en
effet sur ce même sujet, avec à chaque fois de nouveaux éléments, les
9,16 et 30 octobre, les 6 et 13 novembre, les 4,11 et 26 décembre,
clôturant cette première série les 8 et 15 janvier 1821! Car, au
contraire des expérimentateurs Ørsted et Faraday, dont l'objectif
premier est de décrire les phénomènes et d'en proposer une explication
(quelles forces, quelles actions sont en jeu, et comment se réalisent
elles dans la matière?), Ampère est, ne l'oublions pas, un
mathématicien: il s'agit pour lui de quantifier par des formules précises les
actions qu'il constate.
Et, de nouveau, le temps presse, et la concurrence est là! Biot et Savart viennent, au même moment, de jeter les bases de leur célèbre formule, celle qui définit l'action magnétique exercée par un fil conducteur en un point de l'espace (qui permet le calcul du champ magnétique, dirait-on plus précisément aujourd'hui.). Mais Ampère va englober dans son étude électricité et magnétisme, démontrant l'action qu'exercent deux courants l'un sur l'autre: sur le brouillon de gauche ci-dessous, d'un "petit élément" ds sur un "petit élément" ds' ; à droite, d'un circuit fermé sur un "petit élément" ds.
Il est bien loin, le temps où l'adolescent rencontrait quelques difficultés dans les traités d'Euler ou Bernoulli, à cause de tous ces d dont la signification lui échappait! |
repérés par leurs initiales dans le tableau de Dufy, Ampère, Biot et Savart. Derrière eux, Fresnel! |
Alors que Biot voulait ramener l'action des courants à celle des aimants (ce qui, de son point de vue, consistait à ramener la nouveauté à ce qui eétait déjà connu), Ampère, quasiment seul contre tous, veut ramener le magnétisme à l'électricité. Dans le schéma manuscrit cicontre (source: ampere.cnrs.fr, parcours pédagogique), il oppose sa conception d'un courant, succession de petits éléments de courants, créant une action magnétique transversale à celle de Biot, qui décompose l'aimant en une suite de petits aimants élémentaires, chacun produisant une boucle de courant dans la section droite du fil. |
"L'investigation
expérimentale par laquelle Ampère établit les lois de l'action
mécanique entre les courants électriques est l'une des plus brillante
réussite de la science. L'ensemble, théorie et expérimentation, semble sorti tout armé, dans sa forme définitive, du cerveau du 'Newton de l'électricité'. Sa forme est parfaite, sa précision inattaquable, il tient en une seule formule dont tous les phénomènes découlent, et qui restera pour toujours la formule fondamentale de l'électrodynamique. Pourtant, la méthode d'Ampère, en dépit de son apparence inductive, ne nous permet guère de retrouver la trace des idées qui l'ont guidé. On a du mal à croire qu'il a découvert ces lois au moyen des expériences qu'il décrit. On en vient à soupçonner, comme il le suggère lui-même, qu'il a fait cette découverte par quelque procédé qu'il nous a caché, et qu'après avoir ensuite bâti une démonstration parfaite, il a effacé toutes les traces de l'échafaudage qu'il avait employé, " J.-C. Maxwell, Traité d'Électricité et de Magnétisme, 1891
| Maxwell dans La Fée |
"L'électromètre ordinaire indique quand il y a tension et l'intensité de cette tension; il manquait un instrument qui fit connaître la présence du courant électrique dans
une pile ou un conducteur, qui en indiquât l'énergie et la direction.
Cet instrument existe aujourd'hui; il suffit que la pile ou une portion
quelconque du conducteur soient placées horizontalement à-peu-près dans
la direction du méridien magnétique, et qu'un appareil semblable à une
boussole, et qui n'en diffère que par l'usage qu'on en fait, soit mis
sur la pile, ou bien audessous ou au-dessus de cette portion du
conducteur: tant qu'il y a quelque interruption dans le circuit,
l'aiguille aimantée reste dans sa situation ordinaire; mais elle s'écarte de cette situation, dès que lecourant s'établit, d'autant plus que l'énergie en est plus grande, [...]
Je pense que pour distinguer cet instrument de l'électromètre ordinaire, on doit lui donner le nom de galvanomètre,
et qu'il convient de l'employer dans toutes les expériences sur
les conrans électriques, comme On adapte habituellement un électromètre
aux machines électriques, afin de voir à chaque instant si le courant a lieu, et quelle en est l'énergie."
Ampère, Mémoire
de 1820
|
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statue de Galvani à Bologne, sa ville natale (son nom est gravé sur le socle!) |
Galvanomètre à miroir.
Ce dernier amplifie un faible mouvement de déviation de l'aiguille en
envoyant une tache lumineuse sur une réglette courbe. Le principe est
dû à Helmholtz, mais il a été perfectionné par Kelvin pour rechercher
d'éventuels défauts des câbles télégraphiques sous-marins.
Cité des
Télécoms, Pleumeur-Bodou (Côtes d'Armor)
|
Ampèremètre-étalon. Musée de la Centrale de Bazacle Toulouse (Haute Garonne) |
ci -contre; croquis d'Ampère , manuscrit (source) |
manuscrit préparatoire |
"On pourrait, au moyen d'autant de fils conducteurs et d'aiguilles aimantées qu'il y a de lettres, et en plaçant chaque lettre sur une aiguille différente, établir, à l'aide d'une pile placée loin de ces aiguilles, et qu'on ferait communiquer alternativement par ses deux extrémités à celles de chaque conducteur, former une sorte de télégraphe propre à écrire tous les détails qu'on voudrait transmettre à travers quelque obstacle que ce fût. En établissant sur la pile un clavier dont les touches porteraient les mêmes lettres et établiraient la communication par leur abaissement, ce moyen de correspondance pourrait avoir lieu avec assez de facilité et n'exigerait que le temps nécessaire pour toucher d'un côté et lire de l'autre chaque lettre." Ampère, Mémoire
de 1820
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Charles Wheatstone (1802-1875) et deux réalisations de son télégraphe à aiguilles (Musée des Sciences, Londres) |
Michael Faraday (1791-1867), chez lui, dans son musée à Londres |
son laboratoire, et, posé sur la table... (cliquez!) | ... l'appareil qui démontre la rotation d'un fil (parcouru par un courant) autour d'un aimant, et l'inverse. Dessin tiré d'un de ses ouvrages |
"Je t'écris de la séance de l'Institut en attendant l'ouverture. Jamais je n'ai eu un travail si exorbitant, vraiment au-dessus de mes forces. J'ai pris des maux d'estomac très vifs en écrivant jour et nuit. Tu verras une partie de tout cela dans le prochain numéro des Annales de Chimie et de Physique [...] En arrivant ici, la métaphysique remplissait ma tête; mais, depuis que le mémoire de M. Faraday a paru, je ne rève plus que courants électriques. Ce mémoire contient des faits électro-magnétiques très singuliers, qui confirment parfaitement ma théorie, quoique l'auteur cherche à la combattre pour lui en substituer une de son invention." Ampère, lettre à Bredin, 3/12/1821
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Ampère à Faraday, 10/07/1822 |
Faraday à Ampère, 3/09/1822 |
"Je
suis vraiment si confus de n'avoir pas répondu de suite aux différentes
lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, que je ne sais
comment vous en faire agréer mes excuses. La correspondance que vous
avez la bonté d'entretenir avec moi m'est cependant bien précieuse pour
moi. Vos découvertes, en enrichissant
la physique de faits nouveaux, sont la principale cause de ce que j'ai
pu ajouter à ce que j'avais fait il y a deux ans sur les phénomènesélectro-dynamiques. Mon silence forcé est venu surtout de ce que les occupations journalières que j'ai à l'École Polytechnique et dans l'Université, non seulement ne me laissent presque pas un moment à consacrer à d'autres occupations, mais encore me laissent dans un état de fatigue où je deviens incapable d'écrire. Je m'étais malheureusement proposé de vous faire une longue lettre où j'aurais exposé toutes les preuves qui me paraissent augmenter tous les jours en faveur de la manière dont j'ai ramené les phénomènes de l'aimant à ceux que j'ai découverts et annoncés à l'Institut [...] Je n'ai jamais eu le temps nécessaire pour rédiger cette lettre, et je me sens d'autant plus coupable envers vous à cet égard que vous m'avez constamment répondu aussitôt mes lettres reçues, ce dont je vous ai une obligation infinie. [...] J'ai remis à M. Underwood, un ami de Sir H. Davy qui retournait en Angleterre, deux exemplaires de mon mémoire avec plusieurs additions et suppléments qui ne se trouvaient pas dans l'exemplaire que vous aviez de ce mémoire. L'un des deux exemplaires que j'ai confiés à M. Underwood était pour vous, Monsieur; l'autre pour Sir Humphry. J'y ai ajouté depuis de nouveaux suppléments que je vous ai adressés ainsi qu'à Sir Humphry par I. Dorckray de Manchester, qui se trouvait dernièrement à Paris avec M. Dalton. Je dis à Paris, car quoique j'aie commencé cette lettre à Paris, c'est de la ville de Clermont en Auvergne que je vous écris aujourd'hui 25 juillet, ayant été obligé de quitter Paris pour une inspection des collèges royaux lorsque je ne vous avais encore écrit qu'une page." |
"J'ai
été très flatté et gratifié par l'honneur que vous m'avez fait en
m'adressant vos nombreuses communications et particulièrement par votre
dernière et importante lettre, en échange de laquelle je n'ai rien à
vous offrir que mes meilleurs remerciements. [...} Désireux comme je le suis d'apprendre de
temps en temps les progrès que vous faites dans une branche de la
Science qui vous doit tant, je ne puis, pour le moment, vous venir en
aide, mais je sens que je suis, dans
cette correspondance entre nous, un bénéficiaire sans mérite et vous le
perdant et que, tout en recevant beaucoup je ne puis rien vous rendre. [...] Je suis revenu tout récemment de la campagne; sans quoi je vous aurais déjà envoyé mes meilleurs remerciements pour les mémoires que j'ai reçus par les mains de MM. Underwood et Dockray. Je n'ai fait encore que les lire rapidement et j'ai besoin de les examiner avec plus de soin et de calme, ainsi que votre excellente dernière lettre. Malheureusement, je manque de connaissances mathématiques et n'ai pas le pouvoir d'entrer facilement dans un raisonnement abstrait. Je suis obligé de me frayer un chemin par des faits formant une chaîne continue, en sorte qu'il arrive souvent que je suis laissé en arrière dans le progrès d'une branche de la Science, non seulement par mon manque d'attention, mais par incapacité. Je ne puis le suivre malgré tous mes efforts. Il en est ainsi, je suis confus de le dire, pour vos subtiles recherches en électro-magnétisme ou électro-dynamique. En lisant vos publications et vos lettres, je n'ai pas de difficulté à suivre vos raisonnements; mais, à la fin, il me semble que j'attends quelque chose de plus pour conclure. J'imagine que l'habitude que j'ai prise de compter trop strictement sur l'expérimentationa un peu émoussé ma faculté de raisonnement et m'enchaîne à terre, et je ne puis y remédier maintenant ni plus tard [...] Je ne puis m'empêcher de penser qu'il y a là un immense champ d'expérimentation prêt à s'ouvrir et assez de matière pour entraîner la conviction de la vérité. Je ne pense pas que je doive attendre longtemps pour cela, bien que je n'aie pas l'idée d'où la lumière peut venir, si ce n'est de vous." |
la même statue de Faraday, mais en bronze, à l'extérieur. Londres, Savoy Place |
le fameux anneau torique de l'expééience prouvant l'induction. Musée Faraday, MLondres |
"D'un
autre côté, Faraday nous montre aussi bien ses expériences qui
réussissent que celles qui échouent, ses idées brutes tout autant que
les plus développées; et le lecteur, quoiqu'il lui soit inférieur par
la puissance de l'induction, éprouvera pour lui plus de sympathie que
d'admiration, et pourra être tenté de croire que, si l'opportunité lui
est offerte, lui aussi fera des découvertes. Tout étudiant devrait lire le mémoire d'Ampère, en tant que splendide exemple du style scientifique dans l'exposition d'une découverte, mais il devrait aussi lire Faraday pour apprendre à cultiver l'esprit scientifique,
au moyen de l'action-réaction suscitée entre les nouvelles découvertes
que Faraday lui présente et les idées que cela dfera naître dans son
propre esprit." J.-C. Maxwell, Traité d'Électricité et de Magnétisme, 1891
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Brouillon de rapport sur le professeur |
Notes sur les réponses d'un élève |
L'hôtel de Lesdiguières, siège de la préfecture à l'époque de Fourier |
"je ne sais si je dois vous entretenir de la question que nous traitons actuellement, parce que je crois un quart d'heure de conversation plus propre que vingt lettres à nous mettre d'accord.
Il ne s'agit que de vous placer dans le point de vue où je vous suppose
malgré moi quand je vous écris,[...] pour que vous vous aperceviez
vous-même : 1° Qu'on ne peut nier qu'il y ait des rapports indépendants de la nature des modifications entre lesquelles nous les avons aperçus, sans tomber dans le kantisme le plus complet et sans ébranler vos propres théories; 2° Que les exemples que vous m'offrez comme des objections contre ma manière de voir à ce sujet semblent avoir été choisis exprès pour la confirmer. Et d'abord, ma première proposition étant seulement qu'il n'y a pas, à appliquer les idées de nombres, par exemple, aux noumènes indépendants de nous, la même absurdité qu'il y aurait à leur attribuer les sensations des couleurs ou des odeurs telles qu'elles-,sont-en nous; vous ne pouvez nier cette proposition qu'en disant : « Il est également absurde de dire que des noumènes sont au nombre de deux, tel que nous concevons ce nombre, que de dire qu'ils sont rouges ou puants, en ce sens qu'ils contiendraient en eux-mêmes notre sensation de rougeur et de puanteur. » De même qu'on doit dire seulement qu'il y a dans les noumènes des causes inconnues qui nous modifient en rouge et en mauvaise odeur, il faudrait alors que vous disiez qu'il y a, dans la nouménalité extérieure, une cause inconnue qui excite en nous la notion de deux, sans qu'il soit même possible qu'il y ait réellement deux noumènes, de même qu'il est absurde et impossible que notre sensation de rouge soit réellement dans l'écarlate.... |
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J'aurais tant d'autres choses à vous dire ! Je les laisse pour une autre fois, d'autant plus volontiers que je pourrai peut-être vous les expliquer bientôt de vive voix. Quel bonheur ce serait pour moi ! En
attendant je vous prie de faire bien attention que ce n'est point moi
qui ai imaginé que les idées de nombres, de formes, d'existence, de
durée, etc., pouvaient, comme celle de causalité, être affirmées des noumènes
en eux-mêmes et indépendamment de nous, tandis qu'à l'égard des idées
sensibles, on ne pouvait les en affirmer sans absurdité, mais seulement
leurs causes, causes qui ne ressemblent en rien à ces idées sensibles
ou images. Cette opinion a été celle des Locke, des Malebranche, des
Leibniz; elle a été l'origine de la distinction des qualités primaires,
qui étaient dans les corps eux-mêmes (les nombres, formes, mouvements)
et les qualités secondaires, dont il n'y avait en eux que les
causes inconnues (les modifications que nous en recevons). Cette distinction admise par tous les vrais métaphysiciens, j'ai cherché seulement à l'expliquer, à la développer, à faire comprendre comment et par quelle route on peut arriver à ces connaissances, en examinant comment les hommes y arrivent en effet, en cherchant un critérium pour distinguer les notions dépendantes de la nature de nos organes, qui ne peuvent sans absurdité être appliquées aux noumènes indépendamment de nous, et celles qui, étant absolument indépendantes de la nature de nos organes, pouvaient au contraire être attribuées aux noumènes eux-mêmes, non seulement sans absurdité, mais avec un tel degré de probabilité qu'il devient pour nous un assentiment complet, sans laisser encore lieu au doute. Sans cette théorie, la psychologie devient l'ennemie des sciences et de toutes les idées consolantes qui appuient la morale et la vertu; elle apprend à dire : « Il est absurde que la terre soit en elle-même et indépendammentde nous aplatie aux pôles et se meuve dans une ellipse; mais une cause inconnue nous porte à le croire.» Ampère, lettre à Maine de Biran, 3/12/1821
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Tombeau de Kant à Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad, Russie) |
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Ampère, Mémoire de 1825 | Fourier, Discours Préliminaire, 1822 |
"L’époque que les travaux de Newton ont marquée dans l'histoire des sciences n’est pas seulement celle de la plus importante des découvertes que l’homme ait faites sur les causes des grands phénomènes de la nature, c’est aussi l’époque où l’esprit humain s’est ouvert une nouvelle route dans les sciences qui ont pour objet l’étude de ces phénomènes. " | "Les connaissances que les plus anciens peuples avaient pu acquérir dans la mécanique rationnelle ne nous sont point parvenues, et l'histoire de cette science [...] ne remonte point au-delà des découvertes d'Archimède. . Il s'écoula environ dix-huit siècles avant que Galilée, premier inventeur des théories dynamiques, découvrit les lois du mouvement des corps graves. Newton embrassa dans cette science nouvelle tout le système de l'univers." |
Ampère, Mémoire de 1825 | Fourier, Discours Préliminaire, 1822 |
"Observer d’abord les faits, en varier les circonstances autant qu ’il est possible , accompagner ce premier travail de mesures précises pour en déduire des lois générales , uniquement fondées sur l’expérience, | "J'ai déduit ces lois d'une longue étude et de la comparaison attentive des faits connus jusqu'à ce jour ; je les ai tous observés de nouveau dans le cours de plusieurs années, avec les instruments les plus précis dont on ait encor fait usage. |
et déduire de ces lois,
indépendamment de toute hypothèse sur la nature des forces qui
produisent les phénomènes , la valeur mathématique de ces forces ,
c’est-à-dire la formule qui les représente , telle est la marche qu’a suivie Newton. [...]J’ai consulté uniquement l’expérience pour établir les lois de ces phénomènes, et j’en ai déduit la formule qui peut seule représenter les forces auxquelles ils sont dus ; "
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Enfin, lorsque la chaleur pénètre les masses fluides, [...] peut-on encore exprimer, par des équations différentielles, les lois d'un effet aussi composé ; et quel changement en résulte-t-il dans les équations générales de l'hydrodynamique? Telles sont les questions principales que jai résolues, et qui n'avaient point encore été soumises au calcul. Si l'on considère de plus les rapports multipliés de cette théorie mathématique [...] " |
Ampère, Mémoire de 1825 | Fourier, Discours Préliminaire, 1822 |
"je n’ai fait aucune recherche sur la cause même qu’on peut assigner à ces forces, bien convaincu que toute recherche de ce genre doit être précédée de la connaissance purement expérimentale des lois , et de la détermination , uniquement déduite de de la ces lois, de la valeur des forces élémentaires [...]C’est pour cela que j’ai évité de parler des idées que je pouvais avoir sur la nature de la cause de celles qui émanent des conducteurs voltaïques [...]" | "Les causes primordiales ne nous sont point connues; mais elles sont assujetties à des lois simples et constantes, que l'on peut découvrir par l'observation,et dont l'étude est l'objet de la philosophienaturelle. " |
Ampère, Mémoire de 1825 | Fourier, Discours Préliminaire, 1822 |
"Le principal avantage des formules qui sont ainsi conclues immédiatement de quelques faits généraux donnés par un nombre suffisant d’observations pour que la certitude n’en puisse être contestée , est de rester indépendantes, tant des hypothèses dont leurs auteurs ont pu s’aider dans la recherche de ces formules, que de celles qui peuvent leur être substituées dans la suite. L’expression de l’attraction universelle déduite des lois de Képler ne dépend point des hypothèses que quelques auteurs ont essayé de faire sur unecause mécanique qu’ils voulaient lui assigner. " | "Les théories nouvelles, expliquées dans notre ouvrage sont réunies pour toujours aux sciences mathématiques, et reposent comme elles sur des fondements invariables ; elles conserveront tous les éléments qu'elles possèdent aujourd'hui, et elles acquerront continuellement plus d'étendue. On perfectionnera les instruments et l'on multipliera les expériences. " |
"La théorie de chaleur repose réellement sur des faits généraux donnés immédiatement par l’observation; et l’équation déduite de ces faits se
trouvant confirmée par l’accord des résultats qu’on en tire et de ceux
que donne l’expérience , doit être également reçue comme exprimant les
vraies lois de la propagation de la chaleur, et par ceux qui
l’attribuent à un rayonnement de molécules calorifiques, et par ceux
qui recourent pour expliquer le même phénomène aux vibrations d’un
fluide répandu dans l’espace; seulement il faut que les premiers
montrent comment l’équation dont il s’agit résulte de leur manière de
voir, et que les seconds la déduisent des formules générales des
mouvements vibratoires; non pour rien ajouter à la certitude de cette
équation , mais pour que leurs hypothèses respectives puissent
subsister . Le physicien qui n’a point pris de parti à cet égard admet
cette équation comme la représentation exacte des faits, sans
s’inquiéter de la manière dont elle peut résulter de l’une ou de
l’autre des explications dont nous parlons ; et si de nouveaux
phénomènes et de nouveaux calculs viennent à démontrer que les effets
de la chaleur ne peuvent être réellement expliqués que dans le système
des vibrations, le grand physicien qui a le premier donné cette
équation, et qui a créé pour l'appliquér à l’objet de ses recherches
de nouveaux moyens d’intégration, n’en serait pas moins l’auteur de la
théorie mathématique de la chaleur, comme Newton est celui de la
théorie des mouvements planétaires , quoique cette dernière ne fût pas aussi
complètement démontrée par ses travaux quelle l’a été depuis par ceux
de ses successeurs. Il en est de même de la formule par laquelle j’ai représenté l'action électro-dynamique." Ampère, Mémoire
de 1825
|
Ampère, Mémoire de 1825 | Fourier, Discours Préliminaire, 1822 |
"Quelle que soit la cause physique à laquelle on veuille rapporter les phénomènes produits par cette action, la formule que j’ai obtenue restera toujours l’expression des faits. Si l’on parvient à la déduire d’une des considérations par lesquelles on a expliqué tant d’autres phénomènes [...], on fera un pas de plus dans cette partie de la physique; mais cette recherche, dont je ne me suis point encore occupé, quoi que j’en reconnaisse toute l’importance, ne changera rien aux résultats de mon travail , puisque pour s’accorder avec les faits , il faudra toujours que l’hypothèse adoptée s’accorde avec la formule qui les représente si complètement.. " | "L'analyse que nous avons formée sera
déduite de méthodes plus générales, c'est-à-dire plus simples et plus
fécondes, communes à plusieurs classes de phénomènes. [...] Considérée sous ce point de vue, l'analyse mathématique est aussi étendue que la nature elle-même; [...] ccette science difficile se forme avec lenteur, mais elle conserve tous les principes qu'elle a une fois acquis ; elle s'accroît et s'affermit sans cesse au milieu de tant de variations et d'erreurs de l'esprit humain." |
Tour Eiffel, face Trocadéro (Nord-Ouest) |
statue lyonnaise |