"Mon Terroir, c'est les Galaxies" Julos Beaucarne, 1995
Prologue: Les Choses de la Vie... (où l'on reparle de Mars et Vénus)
Mi -Septembre 2020 : entre le
14/09 et le 16/09, la presse bruisse d'une nouvelle presque incroyable,
d'où émergent les mots vie et Vénus. Petite revue des titres:
" La Société Royale d'Astronomie va-t-elle
annoncer l'existence d'une vie sur Vénus? "
"
Astronomie : Vénus nous fait-elle un petit signe de vie ? "
,
"
Peut-être un signe de vie
dans les nuages de Vénus "
"
Et s'il y avait de la vie
dans les nuages de Vénus ? "
"
Des indices de vie dans
l'atmosphère de Vénus ? "
"
De la vie dans l'atmosphère de
Vénus ? L'hypothèse relancée par une découverte "
"
Vie extraterrestre : une
biosignature dans l'atmosphère de Vénus "
Certes, ils restent (avec raison) prudents, sur le mode interrogatif ou
dubitatif : on a connu
tant de hauts et de bas en étudiant
la même
question sur Mars, où, pas plus tard qu'en Mars 2020, la revue Astrobiology annonçait de nouvelles
espérances à partir de l'analyse de prélèvements
faits par le robot Curiosity,
sur place depuis 2012. En attendant que de prochaines missions
nous en apprennent plus... hélas, celle de l'ESA, prévue à l'été 2020,
est désormais reportée à 2022: il va encore falloir patienter!
Dans un tel contexte, basculer subitement les espoirs vers Vénus
augmente la charge émotionnelle, voire sensationnelle d'une telle
découverte: l'Astrophysique rejouant le scénario d'un Napoléon,
contraint de reporter son projet d'invasion de l'Angleterre, pour aller
remporter sa plus éclatante victoire à Austerlitz. Et puis, Vénus
n'était-elle pas "définitivement" réputée inhabitable:
une température de l'ordre de 460°C, une atmosphère de dioxyde de
carbone à plus de 95%, agrémentée de nuages de dioxyde de soufre? Cela
n'a rien d'engageant sur un dépliant touristique!
Qu'importe! Dans notre imaginaire collectif, Vénus mythologique nous
fait rêver: tant d'artistes l'ont célébrée...
Vous souvenez vous du tube
Venus
des Shocking Blue,
qui fit un malheur dans les années 70?
(pour une scénographie moins godiche, voire un peu plus sulfureuse,
cette reprise de 1986...) à gauche, la non moins
mythique Vénus de Cnide, à rencontrer dans notre page dévolue à Eudoxe
Et la planète, à dire vrai, a aussi de quoi nous inciter à la rêverie...
Au dessus de la caldeira de Santorin, à la nuit tombante, Vénus a rendez-vous avec Artémis....
Illusion d'optique, bien sûr, puisqu'elle se situe nettement plus loin que notre satellite (Avril 2023).
Pour rappel, Vénus est le premier objet céleste à apparaître dans la nuit.
Revenons à nos titres, pour un petit exercice comparatif: lesquels
contiennent le plus d'information? Ouest-France se distingue en y
mentionnant la source, qui est un gage de sérieux, puisque c'est la
société savante des astronomes britanniques. Les trois derniers
précisent dans l'atmosphère,
où une mince bande offre des consitions moins invivables. Le Point est le plus précis en
évoquant une biosignature,
malheureusement il est aussi le plus imprudent: il aurait sans doute dû
écrire une possible biosignature, car son titre
balaye toute forme de doute. Or, c'est aller plus loin que les
découvreurs eux-mêmes!
Les corps des articles sont souvent très proches les uns des autres, au
point que l'on peut s'interroger: est-ce le même communiqué de l'Agence
France-Presse qu'on a nappé de sauces légèrement différentes?
Quoi qu'il en soit, les jours suivants exagèrent le doute comme le
premier a exagéré l'enthousiasme. Les spécialistes interrogés ne
peuvent que le tempérer, en rappelant... ni plus, ni moins que ce
qui a été dit lors de la conférence de presse présentant le résultat.
Ce qui est (quasiment) incontestable,
c'est la détection de
phosphine
(PH3) dans l'atmosphère de Vénus. Ce qui est discutable, c'est la force de sa
corrélation avec des processus biologiques. Mais pourquoi en parler
ici, ou,
plus explicitement
"En
quoi l'Analyse de Fourier participe t-elle à cette découverte? "
La réponse peut tenir en une phrase: "parce
que cette signature apparaît dans des spectres obtenus par
interférométrie infrarouge, procédé dans lequel la transformée de
Fourier joue un rôle capital." Nous avons présenté ce procédé dans cette page,
et raconté l'histoire héroïque de ses débuts, en France, dans les
années 60. Cette histoire se poursuit régulièrement depuis, dans
l'observation aux télescopes depuis la Terre aussi bien que dans de
nombreuses missions spatiales, grâvce à des appareils dédiés à bord des
sondes. C'est cette présence de
Fourier dans l'astrophysique en ce début de XXIème
siècle qu'ambitionnent de vous faire découvrir les lignes qui
suivent.
Et parce qu'un petit schéma en dit plus long qu'un grand discours, si vous voulez réviser l'épisode précédent en un clin d'œil sans équations, voilà!
L'interféromètre ne fournit pas directement le spectre,
mais une donnée de lumière qui permet d'y accéder par un circuit de Fast Fourier Transform
Phosphine: des Antécédents au Parfum Fouriériste
La présence de phosphine dans l'atmosphère de Jupiter est connue dès
1975. Deux ans plus tard, la sonde Voyager
I est lancée, qui atteindra le voisinage de Jupiter en 1979, celui
de Saturne en 1980. Elle embarque un spectroscope à transformée de Fourier
nommé IRIS
chargé plus précisément détudier la composition des atmosphères de ces
deux géantes gazeuses. Les données spectrales sont analysées
ultérieurement (1982) à terre et confirment cette présence, avec des
différences selon les localisations.
C'est donc dès le début de l'exploration du système solaire que la
spectroscopie de Fourier (dont les principes et les pionniers ont été
présentés dans
cette page) est présente!
En 1994 paraît un article au titre on ne peut plus clair: la phosphine
a été détectée très nettement dans le spectre de l'atmosphère de
Saturne, par la présence d'un pic très marqué pour une fréquence
caractéristique du produit recherché. Le but est d'obtenir une plus
grande certitude en se oplaçant dans une bande spectrale plus précise:
"Des mesures
infrarouges ont déjà établi des estimations de l'abondance de PH3 dans
Jupiter et Saturne.
Toutefois, les spectres infrarouges des planètes géantes sont pollués
par des milliers de transitions qui rendent difficiles la comparaison
avec les modèles d'atmosphères. Les spectres millimétriques et sous-millimétriques
des planètes géantes, par contre, contiennent relativement peu de
lignes spectrales, qui, en ocnséquence, sont bien séparées. [...] Afin d'étudier les
spectres
millimétriques et sous-millimétriques
des planètes géantes,nous avons construit un spectromètre à
transformation de Fourier rapide (FTS)
pour l'utiliser au Caltech Submillimeter Observatory (CSO). Le CSO est
situé sur Mauna Kea, à une altitude de 4207m au dessus du
niveau de la
mer. À cette altitude, l'observatoire se trouve au dessus de
l'essentiel de la vapeur d'eau présente dans l'atmospphère, ce qui rend
possible l'obseravtion à des longuers d'ondes sous-millimétriques[...]"
Un spectre révélateur de la phosphine, dans l'article, est comapré à des modèles théoriques d'atmosphères, à divers dosages.
Ainsi deux voies apparaissent, qui seront chacune poursuivie, car elles
sont plus complémentaires que concurrentes: utiliser une sonde
spatiale, qui a l'avantage d'opérer de plus près (et donc sélectionner
plus facilement des zones), mais pose des contraintes sur
l'appareillage (poids, encombrement) ou travailler depuis le sol avec
un puissant télzscope et un interféromètre libéré des contraintes du
matériel embarqué.
Des Nouvelles de Vénus
Les faits
Les observations qui ont fait l'objet de la conférence de presse de la RoyalAstronomical Society proviennent de deux sites: Le James Clerk Maxwell
Telescope (JCMT), situé comme le CSO à Hawaï, sur le Mauna
Kea (voir la liste des observatoires qui y sont installés), et
le radiotélescope géant ALMA,
constitué d'un réseau d'antennes mobiles et situé dans le désert de
l'Atacama (Chili). Les images ci-dessous en témoignent (empruntées, car
le
Mathouriste ne s'est pas -pas encore?- rendu sur place, et ce n'est
pourtant pas l'envie qui lui en manque...) , il s'agit de sites de Big Science,
et se documenter un peu plus à leur sujet est évidemment passionnant:
sur ALMA, nous vous recommandons chaleureusement la courte (20') vidéo
généraliste de Gullaume Doyen ou, pour une présentation plus
approfondie -ce qui ne veut pas dire difficile à suivre, loin de là!-
cette conférence de l'astrophysicien Stéphane
Guilloteau (Laboratoire
d’astrophysique de Bordeaux) sur le site Savoirs de l'ENS. Voir aussi
les sites officiels du JCMT,
et d'ALMA.
Ces deux appareils fonctionnent en mode interférométrique, dans la
continuité des détections précédentes, donc. Les résultats sont bien
résumés par la superposition des deux spectres ( le crénelage résulte
de la discrétisation liée à l'emploi de la FFT):
le jaune, produit au JCMT en 2017;
le rouge, obtenu par le nouveau réseau ALMA, plus puissant engin
existant à ce jour (il a été inauguré en 2013)
Prof
Jane Greaves (Université de Cardiff), directrice de l'équipe
internationale
Superposition
des résultats des deux observatoires.
"Compte tenu que
nous avons obtenu cet accord à partir de deux observations entièrement indépendantes,
nous pouvons dire avec un niveau de
confiance élevé que nous avons
détecté de la phosphine sur Vénus. C'est très enthousiasmant car
c'était vraiment complètement inattendu."
Pr. Jane Greaves, en conférence de presse
"Sur Vénus" doit être compris, plus précisément ainsi: dans une bande
située dans la haute atmosphère de la planète, à 50 km environ de la
surface; là, la température est de l'ordre de 30°C, la pression voisine
de la pression terrestre; bref, des conditions relativement analogues à
celles qu'on peut trouver sur terre, mais tout de même dans une
atmosphère à l'acidité peu ragoûtante (à 90%, estime J. Greaves)... et
problématique pour la (sur)vie!
ALMA
a en outre permis de préciser les zones où la phosphine est la plus
présente, ce que les spectres montrent clairement sur l'image ci-contre
(diaporama de J. Greaves):
près des pôles, toutes les fréquences infrarouges sont
présentes, sans indication notoire;
au contraire, dans la zone "tempérée", le pic vers le bas
dénote l'absoption de la fréquence 267GHz, caractéristique de la
présence de phosphine.
Vous pouvez suivre ici l'intégralité de la conférence
de presse
; elle n'est en fait pas très longue: une vingtaine de minutes pour
trois intervenants, suivie des questions réponses avec des journalistes
en télconférence.
Un résumé simplifié, par Jane Greaves, est également
disponible.
Les contestations... qui avaient reçu une réponse préalable!
Au lieu de crier "Victoire! On tient de la vie sur Vénus!" et, deux
jours après, de rapporter les réserves de scientifiques moins
enthousaistes, ou du moins plus modérés, les journalistes auraient tout
simplement pu écouter la conférence de presse en entier. Les auteurs de
la découverte présentent eux-mêmes les objections et appellent à des
confirmations par d'autres moyens. Revue de détail:
Est-ce que "la phosphine, c'est la
vie?"
"Pour moi, c'est très encourageant pour
valider l'hypothèse de vie, mais bien
sûr nous devons être très prudents et il se pourrait qu'il y ait
d'autres moyens commodes pour produire la phosphine. C'est ce
que mon collègue William va vous expliquer à présent."
Pr. Jane Greaves, en conférence de presse
lequel, après avoir effectué de nombreuses expériences et calculs
quantitatifs, indique que certes, des réactions chimiques de
l'atmosphère, ainsi que le volcanisme, peuvent produire la phosphine,
mais dans des quantités infimes comparées à celles effectivement
trouvées: les ordres de grandeurs éliminent cette piste. Avant de
conclure:
"Tous ces calculs ne nous laissent qu'avec deux possibilités:
la première est qu'il y a
dans les nuages de Vénus un processus
chimique complètement inconnu, exotique, et donc très excitant,
que personne n'avait imaginé auparavant;
ou, et c'est ce qui nous
interpelle le plus, que la phosphine
est produite par de la vie, en
s'appuyant sur l'idée selon laquelle des microorganismes pourraient
recourir, dans les conditions de Vénus, à des réactions biochimiques
similaires à celles que l'on connait sur terre chez les batéries, les
plantes, et vous et moi[...] "
Dr William Bains (MIT) , en conférence de presse
"Nous n'affirmons
pas avoir détecté de la vie sur Vénus [...], nous
disons seulement que nous avons , de façon fiable, détecté de la
phosphine dont l'existence est un mystère. Je veux répéter ce
qu'a dit William: la
phosphine peut être produite par certaines réactions, mais en quantité
si incroyablement infimes qu'elles ne suffisent pas à expliquer ce que
nous avons observé."
Dr Sara Seager (MIT) , en conférence de presse
ci-dessous, la diapositive présentée pendant qu'elle
prononçait cette phrase: c'est clair et sans ambiguïté.
Sur Jupiter et Saturne, il y a de la
phosphine sans pour autant qu'il y ait de vie. Pourquoi n'en irait-il
pas de même sur Vénus?
"Sur
la Terre, la phosphine n'est associée qu'à la vie, ou à des bactéries
présentes dans un environnement sans oxygène, ou à une production
industrielle humaine. Sur Jupiter et Saturne, elle existe parce que
leur atmosphère est dominée par l'hydrogène, avec des températures et
pressions plus basses, favorables à des réctions chimiques engendrant
la phosphine."
Dr Sara Seager en conférence de presse
Une seule raie d'absoption, est-ce
suffisant comme signature?
Les membres de l'équipe sont catégoriques, d'autres
scientifiques plus
sceptiques. Peut-être parce que tout le monde ne parle pas de la même
chosecar il faut être précis sur les mots employès: signature de la
phosphine, c'est
une chose; biosignature,
cela doit être une preuve irréfutable de vie,
et l'on n'en est clairement pas là. D'ailleurs, tant J. Greaves que S.
Seager appellent de leurs
vœux la confirmation par l'envoi de sondes; on retrouve la dualité
téléscopes à terre/sondes spatiales du cas de Saturne.
"Nous devons
continuer, nous aimerions voir nos
mesures de
la phosphine confirmées à d'autres longuers
d'onde.
D'autres membres de l'équipe ont suggéré de le faire depuis la Terre,
mais ce n'est pas évident car les contributions sont faibles. Aussi espérons nous que cela motivera des
missions spatiales vers Vénus et des mesures directes des gaz."
Dr Sara Seager en conférence de presse
Et, chance, la sonde BepiColombo;
en route vers Mercure, passera
bientôt à proximité de Vénus, qu'elle survolera deux fois, les 15
octobre 2020 et 10 août 2021.. Elle pourrait grâce à l'appareil MERTIS compléter les informations
actuelles... affaire à suivre!
Mais au fait... n'avait-on jamais pensé à envoyer des sondes sur et autour de Vénus auparavant?
Si, si:! On verra, juste ci-dessous, qu'au déibt du troisième millénaire, une Venus Express était construite comme une clone de Mars Express. Mais, pendant que les USA lançaient tous leurs efforts vers la Lune, l'URSS développait un ambitieux programme d'exploration automatique de Vénus, nommé Venera. Les déboires furent nombreux; d'ailleurs seuls les engins ayant approché la planète reçurent officiellement un numéro: Venera-1 est ainsi la septième sonde lancé vers Vénus, en 1961, et elle s'égare sans communiquer.En 1965, Venera-2
est placée avec succès en orbite autour de Vénus, coupe ses
communications radio pour mettre en fonctionnement ses instruments
d'analyse (les ressources énergétiques sont limitées!) ... et ne
parviendra jamais à les rétablir pour envoyer ses résultats. La
première à entrer dans l'atmosphère de Vénus est Venera-3,
mais elle s'écrase sur la planète. Commence alors un long chemin de
perfectionnement de la résistance des engins et de leur appareillage,
face aux dures conditions de température et de pression, de Venera-4 à Venera-14. Le programme se conclut (1985) avec deux sondes qui, contrairement aux précédentes , ne se poseront pas au sol... mais en beauté pour notre sujet , car les orbiteurs Venera-15 et Venera-16 ont a leur bord un spectromètre à transformée de Fourier, comme l'atteste un timbre est-allemand de 1986, partie d'une planche de 4 commémorant le premier vol habité, celui de Youri Gagarine, dont c'est le 25ème anniversaire!
de Venera 3, par qui tout commence vraiment...
Musée de l'usine RKK Energia
(photo du
Mathouriste)
... à Venera 15, philatéliquement glorifiée avec son spectromètre.
Jusqu'à nouvel ordre, premier timbre à mentionner la transformée de Fourier: agrandissez!
(source: Wikimedia Commons )
N.B. : Dès Venera-8, des
spectromètres sont parmi les instruments de bord, pour étudier la
composition chimique des sols et de l'atmosphère; mais ce sont des
modèles d'autres types (rayons X, rayons gamma...).
salle de traitement des données de Venera 15 (ou 16)
Mais ce n'est pas tout:Venera-15 et Venera-16 exploitent la transformation de Fourier d'une deuxième manière.
Elles avaient une autre mission: cartographier la planète. L'opacité de
son atmosphère a conduit à utiliser des ondes radar. Le système
employé, dit SAR, (Synthetic Aperture Radar, ou Radar à Synthèse d'Ouverture,
en Français) envoie les ondes sur une petite surface, tout en se
déplaçant. L'écho reçu en retour combine "naturellement" -par une
transformée de Fourier, comme en interférométrie- les données de
plusieurs points, tandis que le même point du sol participe, en raison
du déplacement, à plusieurs échos: ainsi, la contribution de chaque point sera obtenue en appliquant la transformée de Fourier inverse.
Venera-15 collecte les échos
(chacun est fait de 2540 octets) et les envoie pour traitement au sol;
là, ils sont pris en charge par deux ordinateurs SM-4 équipés d'un
coprocesseur spécialisé, leSpecial Fourier Transform Processor, SPF-SM.
Considérée comme "jumelle" de la Terre, Mars a, dès les débuts de la
conquête spatiale, suscité un grand nombre de missions (liste)...
dont pas mal d'échecs! Et, avant qu'on ne réussisse à se'y poser, tout
naturellement, l'étude de l'atmosphère, l'éventuelle présence
d'eau ont été les premières interrogations. Instruments d'une
polyvanence idéale pour étudier la présence et les quantités des divers
éléments chimiques, des spectromètres mis à contribution. Il est
seulement difficile, parfois, de remonter juqu'au type de spectromètre
employé lors des missions anciennes: ainsi, la mission soviétique Mars 3,
l'une des premières dévolue à l'exploration de la planète rouge,
embarquait un spectromètre infratouge: Fourier or not Fourier?
Au tournant
du XXIème siècle, plus de
doute: Fourier est de la partie. Ainsi, en 2003, deux missions "faisaient appel à ses services",
... si l'on ose dire:
La Mission Américaine MER (Mars Rover Explorer)
Les deux rovers jumeaux, Spirit
et Opportunity
de la mission MER avaient le même appareillage, car ils devaient
effecruer les mêmes relevés dans deux sites martiens différents. Chacun
disposait de trois spectromètres travaillant dans des bandes spectrales
distinctes: rayons X, rayons gamma et infrarouge. Le dernier, Mini-TES (Miniature Thermal Emission Spectrometer)
est un classique interféromètre de Michelson dont les résultats
sont exprimés sur l'échelle des fréquences grâce à une transformée de Fourier (voir ici le principe de l'appareil et sa traduction mathématiquetrès résumés), selon le
modèle conçu par les pionniers J. et P. Connes .
Mais la miniaturisation est passée par là:
- 23,5 x 16,3 x 15,5 cm;
- 2,4 kg
Les
mains gantées de noir donnent l'échelle!
(source: Nasa)
Le nom Mini-TES fait aussi
référence à un prédécesseur, TES,
embarqué à bord de l'orbiteur Mars Global Surveyor,
lancé en 1996, dont il est une réplique miniaturisée. Mini-TES avait pour but
principal d'étudier la composition minéralogique du sol, à partir de la
mesure du rayonnement thermique (le T
de son nom!) infrarouge qu"émet chaque matériau. Mais il aussi apporté
des informations sur l'amosphère, son humidité et les traces de
carbonates qu'elle contient: avant TES
et Mini-TES, on imaginait les
carbonates présents comme sédiments rocheux après assèchements de
vastes lacs.
Résultats comparés de TESetMini-TES (source:
NASA/JPL/Univ. d'Arizona)
Apparait aussi la plus grande précision de la version la plus récente,
qui fait apparaître des pics plus précis
PFS en cours de calibration au laboratoire
de l'IFSI, Rome (source de l'image)
Mars
Express, vision d'artiste
(sources: Wikipedia / ESA)
De nombreuses vues de l'appareil (de toutes façons, assez compact) sont présentées dans cette vidéo (diapositives 38 à 61), et légendées... en Polonais, mais libre à vous de demander à Google de vous aider pour la traduction!
à voir aussi: une description de PFS, le rapport de résultats Mars Express, the Scientific Investigations (dont sont tirées quelques images qui suivent)
Le but de cet appareil, nettement plus gros que le précédent
(31,4kg) est de fournir
la composition en gaz de l'atmosphère des planètes, ainsi qu'une
cartographie précise des températures. La figure ci-contre montre les
mesures collectées lors de l'orbite 37, en survolant l'Olympus Mons, volcan géant de 22,5 km de haut et qui, s'il prenait en Auvergne la place du Puy de Dôme,, couvrirait... presque toute la France, ne laissant dépasser que la Bretagne, le Pays Basque , les côtes de la Manche et les frontières du Nord-Estet l'Alsace!
En 2004, l'équipe du projet annonce la découverte de méthane (CH4) par le spectromètre FPS de Mars Express: c'est important, car sa présence ne peut être reliée -au moins en l'état actuel des connaissances- qu'à un processus vital ou à un volcanisme actif. En effet, en présence de l'atmosphère martienne, il se décomposerait en quelques centaines d'années en eau (H2O) et dioxyde de carbone( CO2).
Cela supposerait donc une émission continue, de source à préciser, ou
une activité passée mais extraordinairement réccente. De quoi mettre
légitimement en émoi les chercheurs à l'affût d'une quelconque forme de
vie sur nos voisines... Hélas, la sonde Trace Gas Orbiter de la mission Exomars (2016) n'avait pas confirmé la première découverte. L'énigme n'en est pas restée là, car le rover Curiosity en a mentionné en 2013, ce qui a été confirmé le lendemain par... FPS, toujours en activité sur Mars Express, dont la mission arrive à son terme fin 2020.
C'est dire si l'on attend avec impatience, pour un possible arbitrage
sur cette question pleine de suspense, l'arrivée sur Mars du rover Perseverance (NASA, mission Mars 2020), prévue le 18/02/2021, et le lancement du rover européen Rosalind Franklin (Exomars 2022),
prévu en 2018 mais reporté à 2022. On comprend aussi mieux l'immense
(et probablement trop hâtif...) espoir suscité par la découverte de
phosphine sur Vénus, au milieu de toutes ces hésitations.
Q: Avez-vous déjà vécu « de près » de précédentes missions martiennes? Si oui, lesquelles et quels souvenirs en tirez-vous?
"J’étais au lancement de Mars Express le 2 juin 2003 à Baïkonour.
J’étais alors président de Starsem et d’Arianespace. J’en garde un
souvenir extrêmement ému. À l’époque, on parlait assez peu de cette
mission européenne. Et pourtant, quel succès! [...]"
Q: La planète rouge fascine
toujours autant. Peut-être même de plus en plus, au point de reparler
de missions habitées d’ici à 2025-2030.[...] Pourquoi cet engouement?
"On sait que Mars a été habitable. La question maintenant, c’est de savoir si Mars a été habitée. Mars est en quelque sorte le Graal des astronomes et des exobiologistes"
Jean-Yves LE GALL (président du CNES depuis 2013),
entretien avec Gilles Dawidowicz in L'Astronomie (Novembre 2018)
Une nouvelle "ruée vers Mars"...
... a donc commencé. Car aux missions précédentes, on peut désormais ajouter la mission Al-Amal des Émirats Arabes Unis, qui a décollé le 20/07/2020 du Japon (vidéo), et se mettra en orbite martienne en Février 2021... un pas de deux avec le satellite américain? En tout cas, on trouve à son bord un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier, nommé EMIRS (Emirate Mars Infra Red Spectrometer), conçu par l'université de l'Arizona.
Position du spectromètre EMIRS sur le satellite
(source: UAE Space Agency)
De plus, une mission chinoise nommée Tianwen-1
a profité de la même fenêtre de tir, à l'été 2020, pour s'envoler (un
peu plus discrètement) vers le même but. Il faut dire que le moment
favorable n'est que de quelqeus semaines tous les 26 mois! Si vous avez
du mal à vous y retrouver, voici une conférence de François Forget (CNRS et Institut Laplace) prononcée pendant la Nuit des Étoiles 2020.
Fourier, en mission chez les Géantes
Avec Voyager
Le programme Voyager de la NASA a débuté en 1972 pour un lancement, durant l'été 1977 de deux sondes jumelles Voyager 1 et Voyager 2 (lancée la première) destinées à l'exploration complète du système solaire. La date n'a rien d'arbitraire, la période 1976-1978 étant optimale pour exploiter l'assistance gravitationnelle (plus complet en anglais),
c'est à dire l'accélération donnée (en vertu de la plus célèbre et
universelle loi énoncée par iIsaac Newton) par le passage à proximité
d'une planète massive: retrouver une position des géantes gazeuses
Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune sur leurs orbites aussi favorable
demanderait d'attendre ... 176 ans! Les sondes Voyager seront ainsi les
premières à effectuer un survol d'Uranus et Neptune et les secondes à
étudier Jupiter et Saturne.
Comme on l'a évoqué au début de cette page, elles embarquent un spectromètre à transformée de Fourier, IRIS; en voici quelques détails en images:
localisation de l'appareil sur Voyager (source:
NASA)
de gauche à droite: miroir secondaire, miroir primaire,
interféromètre (sous l'habillage de feuilles d'or)
(source)
Quelques jours avant son passage au plus près de Jupiter (qui a eu lieu le à 278 000 km de sa surface), la sonde fournit ces spectogrammes (en fait, moyennés à partir de 133 relevés et autant de calcule)
Spectres de Jupiter obtenus par l'IRIS de Voyager 1, dans deux bandes de longueurs d'onde différentes.(source:cet article ) Des chimistes experts savent y retrouver leur molécules, par comparaison à des spectres connus, et répertoriés.
Avec Cassini-Huygens
La mission Cassini-Huygens
avait particulièrement pour but l'étude de Saturne et de ses
satellites, dans le prolongement des premiers résultats obtenus par Voyager. Lancée en 1997, la sonde Cassini
est mise en orbite autour de Saturne en 2004; l'aterrisseur Hugens de
l'ESA devant aller se poser sur Titan pour l'étudier plus en détail.
C'est à bord de Cassini que se trouve le CIRS (Composite Infra Red Spectrometer), appareil à transformée de Fourier.
place de CIRS sur Cassini, vue générale
(source: NASA)
Ce schéma de l'appareil révèle qu'il s'agit, non d'un spectromètre, mais d'un couple de spectromètres:
le faisceau de lumière IR capté est divisé en deux, de manière à
traiter séparément l'infrarouge lointain et la portion centrale de la
gamme des infrarouges, traditionnellement divisée en trois (la partie
qui n'est pas étudiée ici est celle qui est appelée proche infrarouge,
parce que ses longuers d'onde la placent à côté du spectre visible). Ce
choix est dicté par les régions où les pics caractétistiques des
composants, bien connus par les études en laboratoire, sont attendus.
Cassini n'a pas besoin de se poser sur Titan pour que le CIRS donne la
composition de son atmosphère; de même, c'est à distance qu'il
renseigne sur la répartition des températures sur la lune Mimas,
mettant en évidence une "surprise" (comparée aux valeurs attendues) qui
reste inexpliquée à ce jour.
Spectres de Titan, composés chimiques correspondants
(source : Wikimedia Commons)
Les satellites précédemment mentionnés orbitaient autour de la planète à étudier; Herschela été placé en orbite autour du soleil, entre la Terre et Mars, plus pécisément près du point de Lagrange L2du système Terre-Soleil, point où les deux attractions concurrentes sannulent,
minimisant ainsi l'énergie nécessaire pour maintenir l'observatoire à
son poste (il en faut quand même un peu, car L2
est un point d'équilibre instable). Lancé en 2009 par une fusée Ariane
V, opérationnel jusqu'en 2013ce pojet de l'Agence Spatiale Européenne a
reçu l'aide du Canada, qui en a fourni... le spectromètre à transformée
de Fourier, SPIRE.
Le but essentiel était l'observation de l'univers
dans l'infrarouge lointain . Voici deux exemples de galaxies traitées
par SPIRE, où l'importance du dégagement de monoxyde de carbone CO est
mise en évidence par plusieurs raies spectrales carctéristiques.
Mais on lui doit aussi la détection de vapeur d'eau au voisinage de la planète naine Cérès
-chère au cœur des mathématiciens, puisque c'est pour la retrouver dans
le ciel, après sa découverte par Piazzi et sa "perte" derrière le
soleil, que Gauss inventa sa fameuse Méthode des Moindres Carrés. Ce
spectromètre, le voici:
Solution
d'observation originale, la NASA a modifié un Boeing 747 pour en faire
un téléscope volant. Il opèr dans la stratosphère, à 13000m d'altitude,
et "regarde" l'univers à l'aide d'un téléscope pour qui un panneau
coulissant latéral a été spécialement aménagé; Prouesse technique (indispensable!),
il est totalement isolé des vibrations de l'avion! Plusieurs
instruments peuvent s'y connecter, dont le spectromètre à transformée de Fourier GREAT (German REceiver for Astronomy at Terahertz frequencies) développé à l'Institut Max Planck pour la Radio Astronomie de Bonn (RFA).
Projet Germano-Américain, SOFIA est opérationnel depuis 2014, pour une durée prévue de 20 ans.
ci-contre: le 747 raccourci et sa trappe d'observation de l'univers (source: NASA)
Quel intérêt? Il est double.
D'une part, cela donne une mobilité inédite à l'observatoire: c'est
ainsi qu'il a pu se rendre au point optimal pour "admirer"
l'occultation d'une étoile lointaine par Pluton.
D'autre part, sa très haute
altitude le rend plus performant que tout observatoire au sol; la
figure montre que des longueurs d"onde quasiment absorbées par
l'atmosphère dans un des meilleurs observatoires de Hawaï le sont
nettement moins quand on travaille avec SOFIA.
- la première montre l'appareil
en cours d'équipement;: tous les sièges passagers ont été enlevés, sauf
quelques-uns, retournés pour aménager le poste de contrôle. On
distingue bien, à l'arrière, la partie bleue, fixe, de l'interface entre le téléscope et les différents appareils que l'on va monter et démonter dessus au fil des expériences successives lors d'un vol.
- la seconde est un cliché pris
en opérations: un instrument est installé (tout ce qui n'est pas bleu!
Essentiellement gris argenté); les chercheurs contrôlent les opérations
depuis les ordinateurs.
Circuit XFFTS pour le calcul des transformées de Fourier rapides.
Il permet d'analyser simiultanément une largeur de bande de 2,5 GHz sur 2 canaux de spectre.
Boîtier de 19" (environ 50 cm) contenant 8 circuits XFFTS.
Sa conception modulaire permet de combiner plusieurs boîtiers afin
d'obtenir l'équivalent d'un spectromètre à FFT à large bande
d'étude.
GREAT, architecture générale
un exemple de résultat: détection d'oxyde de deutérium OD (pic dà 1397,5GHz)
GREAT trouve ainsi l'empreinte de procédés d'apparition de l'eau à des fréquences hors d'atteinte des autres observatoires.
(source : The Case for SOFIA )
The Science Vision for SOFIA
est une ressource complémentaire très détaillée, à télécharger.
(Concerne lensemble du projet, pas uniquement le spectromètre GREAT)
Retour au Sol... toujours pour admirer les Étoiles
C'est là que la spectographie infrarouge à transformée de Fourier a
commecncé, avec Pierre Connes (voir cette page); c'est là aussi qu'elle se poursuit
encore aujourd'hui, dans les grands onbservatoires de la planète. Le
site de Hawaï a été évoqué dès le début de cette page, en précisant
qu'il accueillait plusieurs installations. Parmi elles, le Téléscope
Franco-Canadien de Hawaï (alias TFCH) est équipé de SITELLE, acronyme du Spectromètre Imageur à Transformée de Fourier pour l'Etude en Long/Large des raies d'Emission. (Oui, l'imagination est fertile, chez les Astrophysiciens!).
De la théorie à la pratique, cela se complique parfois un peu!
Les schémas d'étude de l'interféromètre de Michelson présentent
toujours des rayons, tombant sur la lame séparatrice à 45°, faisant
entre eux angle droit bissecté par al lame (voir notre rappel à la page Spectroscopie).
Ainsi, une partie de la lumière incidente revient vers la source; et si
cela est sans conséquence pour un puissant laser de laboratoire, cela
complique la collecte avec une source aussi ténue que le rayonnement
astronomique. C'est pourquoi les concepteurs de SITELLE ont fait entrer le faisceau incident avec un angle, ce qui en sépare entièrement le faisceau de sortie.
schéma général de l'instrument
(source: SITELLE, a Primer, sur le site de l'observatoire)
Le document SITELLE, a Primerprésente
également -profitons en!- la manière de travailler s'un IRFTS: les
données d'un cube spatial (pris dans le Rémanant de Cassiopée A sur
cette image) sont tritées en calculant un spectre pour chaque pixel du détecteur. La
figure illustre le procédé avec deux pixels et leurs spectres
respectifs. Ces résultats peuvent ensuite être assemblés pour obtenir
les résultats par zone.
Le site web dédié à SITELLE regorge d'informations, et, outre le Primer (document introductif de base) dont est extrait le schéma, possède une autre page, Fourier Trransform Spectroscopy, qui rappelle toutes les bases physiques et mathématiques du sujet.
Pour finir à son sujet, pourquoi pas un peu de rêve: un des objets célestes que SITELLE fixe de son regard spectral, c'est la Nébuleuse de l'Aigle, avec, en son centre, les fameux Piliers de la Création immortalisés par le téléscople Hubble...
Revenir au sol, c'est aussi conclure, avec ce ce tableau de
la Spectroscopie par Transformée de Fourier que dresssaient en 1984, à
peine 10 ans après la première "rétrospective" par son
inventeur, le "génial bricoleur" Pierre Connes, deux spécialistes
du Kitt Peak National Observatory (Tucson, Arizona)
"La Spectroscopie par Transformée de Fourier (FTS) a rejoint les rangs de ce petit nombre d'instruments spectroscopiquesgénéralistes à haute performance dont disposent aujourd'hui les astronomes (...]
Voilà à peine plus d'une décennie que Pierre Connes donnait ici même un
état de l'art de la spectroscopie de Fourier. Il remarquait alors : «Le
temps est désormais venu pour présenter un panorama de ce sujet ; car on peut raisonnablement espérer que, dans quelques années, il soit impossible de l'embrasser entièrement. » C'est exactement ce qui s'est passé, et il est impossible d'inclure ici tous les développements de ces 14 dernières années."
Qu'il soit permis au
Mathouriste
de s'abriter un peu à l'ombre de la prophétie avérée de Pierre Connes:
il a sûrement oublié de mentionner d'autres exemples, aussi -sinon
plus- intéressants que ceux qu'il a choisis. Puisse-t-il du moins avoir
offert au lecteur une idée de l'actualité et de l'immense étendue
contemporaine, en Astronomie et Astrophysique, du génial outil forgé
par Fourier. Rien que dans ces domaines, car il ne faut bien sûr pas
oublier de joindre à cette présence au XXIème siècle la détection des ondes gravitationnelles , celle des exoplanètes, et l'apport considérable au traitement de l'image, du minable petit selfie à l'imagerie médicale!